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Annulation d’une réserve de crédit – formalisme excessif – responsabilité du prêteur et de l’intermédiaire de crédit – absence d’obligation de restitution.

 

2012.0325

 

THEME

 

Annulation d’une réserve de crédit – formalisme excessif – responsabilité du prêteur et de l’intermédiaire de crédit – absence d’obligation de restitution.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Madame M. Mannès, membre.

 

Date : 16 octobre 2012

 

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Les faits

 

Le 22 août 2008, par le biais de la banque en qualité d'intermédiaire, le fils du requérant a conclu avec la société de crédit une ouverture de crédit d'un montant de 5.000 euros, pour une durée indéterminée. Cette réserve de crédit était liée à une carte visa émise par la banque et à un compte à vue ouvert auprès de celle-ci.

 

En juin 2009, le fils du requérant perd son emploi et n'est plus en mesure d'assurer le remboursement des sommes dues du chef de la ligne de crédit. Avec le requérant, il contacte son conseiller auprès de la banque en vue de trouver une solution visant à rembourser et clôturer définitivement l'ouverture de crédit auprès de la société de crédit. La carte visa est d'ores et déjà remise au conseiller de la banque pour annulation.

 

En date du 14 août 2009, le conseiller obtient de la société de crédit un décompte de remboursement anticipé de la ligne de crédit, valable jusqu'au 21 août 2009, pour un montant de 5.065,48 euros, en capital, intérêts et frais. Ce même jour, le requérant et son fils se rendent chez le conseiller de la banque et contractent à deux, par l'intermédiaire de la banque, un prêt à tempérament auprès de la société de crédit d'un montant de 5.500 euros, avec instruction de verser immédiatement 5.137,16 euros, compte tenu des intérêts courus au 17 août 2009, au compte de la société de crédit indiqué dans le décompte de remboursement de la ligne de crédit. Toujours lors de ce même entretien en agence avec le conseiller de la banque, le requérant reçoit de son fils un mandat complet sur son compte auprès de la banque, ce qui officialise en quelque sorte le contrôle du requérant sur la situation financière de son fils, dans le but d'éviter une nouvelle situation de surendettement.

 

Le 22 novembre 2011, le fils du requérant reçoit un courrier commercial de la société de crédit l'invitant à faire usage de sa réserve de crédit, ce qu'il fait à plusieurs reprises, pour un montant global de 3.847,98 euros au 19 avril 2012. En sa qualité de mandataire sur le compte visé, le requérant est informé de la réutilisation de la ligne de crédit, s'en étonne auprès de la banque et de la société de crédit et initie pour son fils la plainte dont question dans le présent avis.

 

La position du requérant

 

Le requérant estime avoir communiqué de manière tout à fait explicite et suffisante au conseiller de la banque la volonté de clôturer définitivement la ligne de crédit de son fils et avoir convenu avec lui de la manière de procéder à cette clôture, en annulant la carte visa et en empruntant, avec son fils, un montant suffisant à rembourser le total dû du chef de la ligne de crédit, en capital, intérêts et frais.

 

Pour lui, il était clair que la ligne de crédit avait été supprimée après remboursement complet des sommes figurant dans le décompte, par le biais du nouveau prêt à tempérament; il considère dès lors que la réserve de crédit n'aurait jamais dû être remise en vigueur et conteste  par la même le solde dû actuellement suite à la réutilisation de la ligne par son fils.

 

La position de la banque et de la société de crédit

 

La banque affirme que l'annulation de la carte visa et le remboursement total du solde de l'ouverture de crédit à un certain moment n'emportent pas la clôture de la ligne de crédit, parce qu'il s'agit d'une réserve permanente et d'un crédit revolving. En outre, lorsqu'il a reçu le courrier commercial relatif à la réutilisation de la réserve, le fils du requérant n'a pas évoqué sa volonté de supprimer ce produit. Pour la banque, la réutilisation de la réserve en 2011 est conforme à la nature du produit et s'est faite sous l'entière responsabilité du fils du requérant.

 

La société de crédit invoque l'article 3.1. des conditions générales de l'ouverture de crédit qui stipule que la résiliation du contrat doit lui être communiquée par lettre recommandée, avec préavis de trois mois. Cette demande formelle ne lui pas été adressée et par ailleurs l'annulation de la carte visa, qui ne lui est pas communiquée par la banque, n'emporte pas non plus  annulation de la réserve de crédit. La société de crédit estime également que la réserve de crédit est restée ouverte et que sa réutilisation en 2009 était légale et sous la responsabilité du fils du requérant.

 

Tant la banque que la société de crédit estiment n'avoir commis aucune faute.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

Le Collège reconnaît que le contrat d'ouverture de crédit stipule que sa résiliation par l'emprunteur doit être notifiée par lettre recommandée, en application de l'article 23 de la loi sur le crédit à la consommation. Le Collège fait toutefois remarquer que le formalisme n'est pas une fin en soi et que certaines formes sont plus prévues à des fins de preuve qu'à peine de nullité. Plus particulièrement en matière de crédit à la consommation, la notification par recommandé au prêteur de la volonté de rembourser anticipativement est prévue à l'article 23 de la loi du 12 juin 1991 et le rapport au Roi relatif à l'arrêté royal d'exécution du 4 août 1992 précise que cette forme n'a pas lieu d'être lorsque le prêteur donne spontanément suite à une demande de remboursement anticipé du consommateur, formulée autrement.

 

Or, en l'espèce, le Collège considère que tant la banque que la société de crédit ont été suffisamment informées de la volonté du requérant et de son fils de procéder au remboursement complet et à la clôture de l'ouverture de crédit, sans distinction possible entre les deux parties de l'opération.

 

Dans le chef de la banque, le Collège relève qu'il y a eu en agence l'annulation de la carte visa, la demande à la société de crédit du décompte de remboursement de la ligne de crédit et la conclusion, en tant qu'intermédiaire, d'un nouveau prêt à tempérament au nom du requérant et de son fils, dont la destination était bien le remboursement complet de l'ouverture de crédit. Il est évident, compte tenu de la situation de surendettement du fils du requérant et de la volonté du requérant de veiller à ce que cela ne se reproduise plus, en contrôlant les mouvements en compte, que l'annulation de la ligne de crédit, après remboursement, était un élément essentiel de l'opération et qu'il appartenait, pour autant que de besoin, au conseiller de la banque de procéder à une information spécifique à l'attention des services compétents de la société de crédit. Celle-ci a d'ailleurs reconnu, dans son courrier du 27 mars 2012 au requérant, que l'agence de la banque aurait pu procéder à cette information, en lieu et place du requérant ou de son fils.

 

Le Collège relève que la banque a qualité pour agir comme prêteur et que c’est parce qu’elle a cette qualité, que ses clients consommateurs s’adressent à elle.

 

Pour des raisons qui lui sont propres et qui relèvent de impératifs de gestion et d’organisation du groupe auquel elle appartient, la banque choisit de se substituer une entité du même groupe pour les prêts (ou pour certains prêts) à la consommation qu’elle accorde à ses clients.

 

Le Collège est d’avis que ce mode d’organisation singulier impose à la banque en sa qualité d’intermédiaire de crédit, de mandataire de la société de crédit et par application de la théorie de l’apparence, de transmettre à la société de crédit toutes les informations qui lui sont communiquées par les consommateurs dans le cadre de l’exécution des opérations soit parce qu’elles sont explicitement destinées au prêteur soit encore parce qu’en les communiquant au mandataire, le consommateur peut légitimement considérer qu’il informe également du fait même le prêteur.

 

Le Collège estime dès lors qu'il y a faute de la banque par manque d'information vers la société de crédit.

 

Dans le chef de la société de crédit, le Collège relève que le courrier du 14 août 2009, sur base duquel l'opération de redressement de la situation du fils du requérant a été mise au point avec le conseiller de la banque, comprend un décompte de remboursement anticipé de l'ouverture de crédit en capital, intérêts calculés anticipativement,  assurance calculée anticipativement et frais,  avec indication d'un compte de la société de crédit à provisionner avant le 21 août 2009. Il ne s'agit donc pas du tout d'indications visant simplement à "zéroter" l'ouverture de crédit par approvisionnement du compte de son titulaire, pour pouvoir continuer à en bénéficier par la suite. Qui plus est, le remboursement des montants réclamés est intervenu par le biais d'un nouveau prêt à tempérament octroyé par la société de crédit au requérant et à son fils  et le paiement a eu lieu dans le délai imparti avec calcul des intérêts courus au jour du paiement effectif. Le Collège estime que la société de crédit était parfaitement au courant de la volonté du requérant et de son fils d'annuler définitivement la réserve de crédit et se devait d'y donner suite, même en l'absence d'une demande formelle du requérant ou de la banque, de clôturer ladite réserve. Le Collège estime qu'il y a faute de la société de crédit dans la gestion de la réserve de crédit au moment de son remboursement complet, par défaut de clôture.

 

Puisqu'elle aurait dû annuler la réserve de crédit, la société de crédit ne pouvait proposer au fils du requérant de la remettre en vigueur sans lui faire signer un nouveau contrat d'ouverture de crédit. Le Collège estime dès lors que la mise à disposition de nouveaux montants sur le compte du fils du requérant dans le cadre de la réserve de crédit, sans nouveau contrat, s'est faite en contravention à l'article 16 de la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation avec pour sanction, aux termes de l'article 89 de la même loi, l'absence d'obligation de restitution de ces montants dans le chef du fils du requérant.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère que la demande du requérant est recevable et fondée.

 

Il invite la société de crédit à annuler la ligne de crédit au nom du fils du requérant ainsi que  le solde débiteur qu'elle présente, soit 3.847,98 euros au 19 avril 2012 augmentés d'autres montants éventuellement imputés depuis lors, et à procéder à la suppression de l'enregistrement de la défaillance de paiement du fichier de la Banque Nationale de Belgique.

 

La société de crédit n’a pas suivi l’avis du Collège.

La banque n’a pas suivi l’avis du Collège.