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Compte à vue avec solde débiteur - pension de retraite et remboursements de soins de santé - interdiction de prélever sur les sommes protégés.

2013.2329

 

THEME

 

Compte à vue avec solde débiteur - pension de retraite et remboursements de soins de santé - interdiction de prélever sur les sommes protégés.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, Y. Evenepoel, L. Jansen, membres.
Madame M. Mannès, membre.

 

Date : 17 juin 2014

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Suite à l’utilisation d’une carte de crédit, le compte du requérant, âgé de 88 ans, se trouve en débit irrégulier. Or, ce compte enregistre notamment le paiement de sa pension de retraite, des remboursements de mutuelle et d’une assurance hospitalisation. Les sommes versées à ce titre sont absorbées par le solde débiteur irrégulier et rendues de la sorte indisponibles pour le requérant. Le requérant se déclare en grandes difficultés financières en raison de cette situation. Il estime qu’il devrait pouvoir prélever ces sommes qui constituent des revenus incessibles et insaisissables par application des articles 1408 et suivants du Code judiciaire.

 

La banque considère que ces sommes sont protégées par les articles 1408 et suivants du Code judiciaire uniquement dans le cadre d’une saisie ou d’une cession qui serait pratiquée par un créancier. En l’espèce, il n’y a pour la banque ni l’une, ni l’autre. Elle évoque notamment une proposition de loi - déposée en 2010 mais restée sans suite - qui aurait pour objet d’étendre ces dispositions pour interdire la compensation dans le secteur bancaire. Elle en tire argument pour soutenir que le mécanisme du compte courant peut s’appliquer aux revenus protégés lorsqu’il n’y a ni cession, ni saisie.

 

Pour la banque, il n’y a pas davantage de compensation mais la simple application du mécanisme propre au compte à vue dont le solde se dégage par le règlement immédiat des inscriptions au débit ou au crédit du compte.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

Le Collège a déjà été amené à se prononcer à deux reprises sur cette question (affaires 2008.0815 et 2010.0489) et la banque a eu son attention attirée sur ces décisions. Manifestement, elle ne partage pas l’avis du Collège d’experts sans fournir, par ailleurs, aucun argument nouveau qui puisse justifier son refus.

 

Pour rappel, la loi du 27 décembre 2005, qui a introduit les articles 1411bis et suivant du Code judiciaire, vise précisément à étendre la protection des revenus  énumérés aux articles 1409, 1409bis et 1410, - protection prévue en cas de cession ou de saisie – en les soustrayant aux effets du mécanisme du compte à vue. Le texte de cette disposition (§ 1er) est clair : les restrictions et exclusions prévues aux articles 1409, 1409bis et 1410 sont également d'application si les montants visés par ces articles sont crédités sur un compte à vue ouvert auprès d'un établissement de crédit visé à l'article 1er de la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit.

 

Certes, le paragraphe 2 de cette disposition vise l’hypothèse d’un compte à vue créditeur affecté d’une saisie, mais la règle générale du premier paragraphe de l’article 1411bis et le besoin de protection, qui est la ratio legis de cette disposition, conservent toute leur pertinence lorsque l’indisponibilité est, indépendamment de toute cession ou saisie, le résultat du mécanisme particulier du compte à vue, débiteur en l’espèce.

 

Cette protection se fonde sur la considération que ces revenus sont indispensables pour assurer un minimum de moyen d’existence et donc garantir une certaine dignité humaine. L’indisponibilité résultant du mécanisme du compte à vue en débit, produit un effet identique à la saisie et prive son bénéficiaire des revenus de remplacement destinés à lui permettre de vivre dans la dignité. Il s’agit d’une disposition d’ordre public, sanctionnée pénalement.

 

En invoquant une proposition de loi caduque et le mécanisme particulier du compte à vue, la banque ne fournit aucun argument pertinent.

 

Le requérant est fondé à réclamer la mise à disposition des revenus versés au titre de la pension de retraite (art. 1410, § 1er, 2°, C. j.) et de remboursements dans le cadre de l’assurance soins de santé (art. 1410, § 2, 5°, 1., C. j.). Par contre, les versements en exécution d’une assurance hospitalisation ne figurent pas parmi les sommes protégées.

 

III. CONCLUSION

 

La plainte est recevable et fondée. Le Collège invite la banque à mettre à disposition du requérant l’ensemble des revenus protégés qui ont été rendus indisponibles pendant la période du 13 novembre 2013 jusqu’à ce jour.

 

La banque n’a pas suivi l’avis du Collège.