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Conseil en placement – diversification des placements afin de diminuer le risque

 

2010.0550

 

THEME

 

Conseil en placement – diversification des placements afin de diminuer le risque.

 

AVIS

 

Présents :
Messieurs A. Van Oevelen, Président;

Madame L.-M. Henrion, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, P. Drogné, N. Claeys, W. Van Cauwelaert, C.-G. Winandy, membres.

 

Date : 19 octobre 2010

 

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Le 15 janvier 2007, la requérante souscrit auprès de la banque à une émission obligataire pour un montant de 190.000 €. Cette obligation est émise par la banque et porte un intérêt de 4,125% l’an et arrive à échéance le 11 avril 2016.

 

Le 14 janvier 2009, la requérante rencontre son nouveau responsable de relations et, vu la crise financière, lui fait part de ses inquiétudes à propos de la sécurité de ses avoirs. La banque lui conseille alors de diversifier son placement. Sur les conseils de la banque, l’obligation est vendue et rapporte 185.513,27 €. Ce montant correspond à la vente de l’obligation au prix de 95% (180.500 €), plus les intérêts courus (6.076,75 €), moins les frais et taxes (1.063,48 €). Le produit est réinvesti en six postes de la manière suivante (après quoi il reste une position en cash de 5.552,77 €) :

 

 

NOM DU PRODUIT

Valeur le jour
de l’achat

Frais

A

...

50.000 €

500 €

B

...

25.045,86 €

751,66 €

C

...

24.962,20 €

748,60 €

D

...

15.073,32 €

451,94 €

E

...

50.799,00 €

1.016,40 €

F

...

10.302,40 €

309,12 €

 

TOTAL INVESTI

(frais compris) : 179.960,50 €

 

176.182,78 €

 

3.777,72 €

 

 

Dans le cadre de cet investissement, la requérante remplit un profil de risque. Elle est âgée à ce moment de 89 ans. Le profil obtenu est « secure », soit défensif. Il apparaît, dans le questionnaire du profil, que la requérante privilégie avant tout les placements qui garantissent le capital. Dans le questionnaire, on trouve aussi que les revenus actuels de la requérante sont suffisants et qu’elle privilégie la croissance de son capital. Cet élément est contesté par la requérante. Selon elle, l’investissement doit procurer un complément de revenu, les revenus de la requérante étant maigres.

 

En juillet 2009, la requérante conteste, par courrier à la banque, les opérations réalisées. Les intérêts perçus sont beaucoup plus faibles qu’auparavant, or ses revenus sont maigres. Il n’y a par ailleurs plus de garantie de récupérer 100% du capital. Enfin, ces opérations ont engendré d’importants frais et pertes qui ont entamé le capital. La requérante demande donc que la banque replace son portefeuille dans sa situation initiale.

 

La banque estime de son côté que ses conseils ont permis à la requérante d’obtenir une diversification de son portefeuille alors qu’il était investi dans un seul placement, ce qui comportait un risque. Les produits proposés correspondent au profil de la requérante, soit défensif. Selon la banque, la requérante a affirmé qu’elle s’en sortait avec ses revenus, même faibles, et elle a formulé le besoin de pouvoir léguer un capital à sa succession. La banque rappelle enfin qu’elle a prodigué des conseils mais que c’est la requérante elle-même qui a décidé de suivre les options suggérées et a signé les bordereaux de souscription. De même, elle réfute la perte que la requérante prétend avoir subie.

 

En octobre 2009, un avocat intervient en demandant à la banque une indemnisation de 10.000 €. La banque répond par une intervention commerciale de 1.000 € sur les frais de souscription des nouveaux titres qui s’élèvent à 3.777 €.

 

L’avocat n’accepte pas cette proposition et abaisse sa demande à 7.500 €. Il reviendra en janvier 2010 pour demander à la banque de doubler son intervention, ce que la banque refuse.

 

Le 24 février 2010, la requérante introduit une plainte auprès du Service de Médiation et demande que la banque remette son portefeuille en l’état initial, tel qu’avant les opérations du 14 janvier 2009.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

A - Sur le principe

 

Le Collège constate que les différents ordres d’achat et de vente ont été établis dans le cadre d’un conseil en investissement de la part la banque. Selon la directive MiFID en vigueur, la banque a l’obligation, lorsqu’elle donne un conseil d’investissement, de vérifier que les placements recommandés sont en adéquation avec le profil d’investissement du client. Le fait que la requérante a elle-même décidé de suivre les options suggérées et qu’elle a signé ensuite les bordereaux de souscription ne libère pas la banque de ses obligations en la matière.

 

Vu l’âge de la requérante et vu les circonstances, le Collège est d’avis par ailleurs que l’introduction de la plainte auprès de la banque six mois après les souscriptions, même si celles-ci ont été signées, ne peut être considérée comme tardive et susceptible d’entraîner son invalidité.

 

Sur base des documents en sa possession, le Collège estime adéquat le conseil de la banque de répartir le placement initial de la requérante en plusieurs postes. L’entièreté du portefeuille était en effet soumise au risque de défaut d’un seul émetteur. Le Collège examine plus loin si les placements améliorent la diversification et s’ils sont en adéquation avec le profil de la requérante. 

Le processus de diversification d’un portefeuille entraîne de facto des frais liés aux arbitrages qui doivent être réalisés. Tant que les opérations sont justifiées, le Collège estime que ces frais ne sont pas contestables. La banque mentionne par ailleurs dans la brochure tarifaire mise à disposition des clients les frais et commissions qu’elle applique.

 

La requérante reproche à la banque de ne pas avoir rempli correctement le profil d’investissement. Celui-ci établit que la requérante dispose de revenus suffisants et qu’elle privilégie la croissance de son capital. Les placements proposés (dont une partie ne verse pas de dividendes) ne permettraient ainsi plus de compléter suffisamment la maigre pension de la requérante. La requérante n’apporte cependant aucune preuve pour étayer ses déclarations. Le Collège s’en tient donc aux réponses formulées dans le questionnaire. En conséquence, le Collège estime que la banque n’était pas tenue de proposer exclusivement des placements offrant chaque année un coupon fixe. Quant au rendement des nouveaux placements proposés, sauf à démontrer que le conseil de la banque n’était pas adéquat et que cela a entraîné une perte d’intérêts, le Collège rappelle que la banque dispose en règle en matière de conseils financiers d’une obligation de moyen et non de résultat.

 

B - En pratique

 

Le Collège examine ci-après si les conseils prodigués par la banque améliorent la diversification du portefeuille et s’ils sont bien en adéquation avec le profil de la requérante. En l’occurrence, cette dernière présente un profil défensif (« secure »).

 

Vente de l’obligation détenue initialement

 

L’obligation détenue initialement a été revendue à 95% de sa valeur de remboursement en 2016, entraînant une perte dans le chef de la requérante. La crise financière, début 2009, était toutefois encore telle que la banque ne pouvait pas conseiller de patienter que le cours de l’obligation remonte pour vendre. Le Collège ne peut donc reprocher cette perte à la banque, à tout le moins pour la partie du portefeuille qui devait nécessairement être diversifiée. Le besoin de diversification n’entraînait en effet pas la nécessité impérieuse de revendre l’intégralité de l’obligation initiale, comme l’a conseillé la banque.

 

Sur cette base, le Collège ne peut suivre la demande de la requérante de replacer entièrement le portefeuille dans sa situation initiale. Il invite cependant la banque à le faire en partie (voir point suivant).

 

Achat de 7Y Call Fix Note émise par la banque « X »

 

Il s’agit d’une note (obligation) structurée comportant une option « call » qui laisse à l’émetteur le choix de rembourser l’obligation à 100% après le second coupon. Le Collège constate que cette note est qualifiée de défensive, mais ne comprend pas le raisonnement qui peut amener la banque à proposer le remplacement d’une obligation simple avec un taux nominal de 4,125% vendue à 95%, par une note structurée avec un taux nominal de 3,75% souscrite à 101%, l’émetteur appartenant du reste au même groupe financier.

 

Cette opération n’ayant pas apporté une meilleure diversification du portefeuille mais ayant, par contre, entraîné des frais et taxes et un manque à gagner (coupons plus faibles), le Collège demande à la banque de remettre en l’état, sans frais, le portefeuille initial de la requérante, dans les limites suivantes.

 

Pour acquérir l’obligation au coupon de 3,75%, la requérante a dû payer en tout un montant de 50.500 €, issu de la vente de l’obligation initiale au prix de 95%. La valeur faciale de l’obligation à restituer s’élève donc à 53.157,89 € (= 50.500 € / 95%). Pratiquement, le Collège  propose à la banque de replacer dans le portefeuille l’obligation initiale à concurrence d’une valeur faciale de 50.000 €. Le solde (3.157,89 €) sera reversé directement à la requérante, majoré des intérêts dus sur la période courant du 14/01/2009 au 11/04/2016 : 943,60 € (= 3.157,89 € x 4,125% x 2.644/365), soit au total 4.101,49 €.

 

Par ailleurs, le Collège invite la banque à rembourser les frais liés à la vente de l’obligation initiale à concurrence du montant qui n’aurait pas dû être vendu, à savoir :

 

  • pour les frais de sortie (0,50%) : 265,79 € (= 0,50% x 53.157,89 €);
  • pour la taxe de Bourse (0,07%) : 37,21 € (= 0,07% x 53.157,89 €).

 

Le Collège invite enfin la banque à créditer à la requérante des intérêts non perçus jusqu’à ce jour en raison de la vente de l’obligation initiale :

 

  • pour la période du 14/01/2009 au 02/03/2009 (date d’achat de la nouvelle obligation) : 265,58 € (50.000 € x 4,125% x 47/365);
  • pour la période à partir du 02/03/2009 jusqu’au jour de remplacement effectif de l’obligation : le différentiel d’intérêts (4,125% - 3,75%) sur un montant de 50.000 €.

 

Achat des trois compartiments de la sicav « Y » de la banque

 

Ces trois placements offrent une protection du capital à l’échéance. Le Collège a voulu savoir quelle(s) entité(s) assurai(en)t cette protection. Du rapport annuel relatif à l’exercice clôturé le 30 juin 2009, il ressort que les gestionnaires des compartiments investissent le montant nécessaire à la reconstitution du capital à l’échéance dans des dépôts à terme détenus auprès de diverses institutions financières européennes. Autrement dit, bien que le nom de ces sicav comporte le nom de la banque qui les commercialise, ce n’est pas la banque seule qui assure la protection du capital à l’échéance. De ce fait, en conseillant ces compartiments, le Collège constate que la banque a amélioré la diversification du portefeuille initial, dont le risque reposait sur un seul émetteur.

 

Par ailleurs, tandis que le placement C présente un risque 1, les placements B et D présentent un risque 3 (sur une échelle de 0 à 6, 0 représentant le niveau de risque le plus faible). Ces deux placements, malgré le risque plus élevé, n’apparaissent cependant pas, selon le Collège, inadaptés au profil défensif de la requérante. Le risque plus élevé se rapporte en effet aux fluctuations de cours, plus ou moins importantes, qui peuvent intervenir pendant la durée de vie de ces placements. Sans remettre toutefois en cause la protection du capital à l’échéance.

 

Le Collège estime en conséquence que la banque n’a pas commis de faute en conseillant ces trois placements.

 

Achat de la sicav « Z » et de la sicav « W »

 

Le placement E est une sicav mixte couvrant quatre classes d’actifs : actions, obligations, immobilier et matières premières. Un mécanisme a été élaboré pour limiter les pertes. Ce mécanisme vise ainsi à atteindre, mais ce n’est pas garanti, un niveau plancher déterminé (95% de la valeur de départ) à chaque date d’évaluation annuelle. Si la valeur d’inventaire a augmenté par rapport à l’année précédente, un nouveau niveau plancher (plus élevé) sera établi. Par contre, si la valeur d’inventaire a diminué par rapport à l’année précédente, le niveau plancher sera revu à la baisse.

 

Le placement F est une sicav qui investit dans les obligations d’émetteurs dits spéculatifs (ratings inférieurs à BBB). De par la nature de ces investissements, les fluctuations de cours peuvent être importantes (niveau de risque 3).

 

Dans le questionnaire destiné à l’établissement du profil de la requérante, le Collège note, en particulier, que cette dernière privilégie avant tout les placements qui garantissent le capital, quitte à ne pas avoir la possibilité d’obtenir des performances substantielles. Dans les deux cas, le Collège constate cependant que les sicav n’ont pas d’échéance fixe et n’offrent pas une protection du capital à 100%. Dans la mesure où on ne peut exclure le risque d’une perte importante, le Collège estime que ces placements ne sont pas en adéquation avec le profil d’investissement de la requérante.

 

La valeur des sicav a toutefois progressé par rapport à leur valeur d’achat, frais d’entrée compris : gain au 30 septembre 2010 pour le placement E, 2.593,50 € ; gain au 15 octobre 2010 pour le placement F, 3.066,72 €. Le Collège ne constate donc pas de dommage résultant du risque inapproprié de ces placements. Il invite par conséquent la banque à laisser à la requérante l’opportunité de sortir éventuellement de ces sicav sans frais et ce pendant une période de deux mois à dater de l’envoi de la décision à la requérante. Il invite aussi la banque à rembourser, en cas de vente, la taxe de Bourse (0,50%) prélevée sur le montant de la vente. Dans l’hypothèse enfin où, au moment de vendre dans le délai imparti, le cours des sicav devait descendre sous le niveau d’achat plus les frais d’entrée, à savoir 51.815,40 € pour le placement E et 10.611,52 € pour le placement F, la banque s’engage à rembourser la différence.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège déclare la plainte de la requérante recevable et partiellement fondée. Il invite la banque à indemniser la requérante sur base des propositions détaillées ci-dessus. Ces propositions, qui forment un tout, sont formulées pour solde de tout compte.

 

La banque a partiellement suivi l’avis du Collège.