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Conseil en placement inadéquat – le calcul du poids du produit litigieux doit se faire au regard des avoirs en compte-titres.

2013.1169

 

THEME

 

Conseil en placement inadéquat – le calcul du poids du produit litigieux doit se faire au regard des avoirs en compte-titres.

 

AVIS

 

Présents :
Messieurs A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Mesdames M. Mannès, membre.

 

Date : 22 octobre 2013

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Le 7 avril 2011, la requérante, alors âgée de 82 ans, procède à un arbitrage de son portefeuille. Elle revend pour cela un fonds d’obligations en euro, pour un montant de 17.356,44 EUR, et souscrit à un fonds d’obligations convertibles à haut rendement pour un montant de 17.106,25 EUR, frais compris.

 

Le 7 avril 2011, les avoirs de la requérante au sein de la banque sont répartis comme suit :

– compte à vue :                5.540,47 EUR

– comptes d’épargne :         45.497,21 EUR

– compte-titres :                48.721,02 EUR

– Soit au total :                  99.758,70 EUR

 

La requérante reproche à la banque de lui avoir vendu un fonds risqué (risque 4 sur une échelle variant à l’époque de 1 à 6), ce qui était incompatible avec son profil d’investisseur établi en 2007 et qualifié de « conservateur », la requérante souhaitant en effet que son capital soit protégé.

 

La banque précise de son côté qu’elle a correctement informé la requérante de la non-conformité du titre avec son profil. L’ordre d’arbitrage, signé par la requérante, stipule en effet que : « Après exécution de cet ordre, la composition du portefeuille ne correspondra pas au profil d’investisseur qui y est lié. Le donneur d’ordre confirme qu’il souhaite passer cet ordre en connaissance de cause et sous sa propre responsabilité, malgré l’avertissement de la banque ».

 

La banque admet toutefois que le pourcentage maximum que la requérante pouvait investir dans le fonds ne pouvait excéder 15% de la valeur totale de ses avoirs au moment de la souscription. Le montant investi représentant selon les calculs de la banque 17,15%, la banque accepte par conséquent une intervention financière, à concurrence de 336,90 euros.

 

La requérante n’accepte pas cette proposition. Elle conteste d’abord avoir agi de sa propre initiative concernant l’arbitrage, mais plutôt sur le conseil de son banquier, après convocation en agence. La requérante rejette aussi la règle des 15%, dont elle n’a jamais été informée auparavant. En conséquence, elle réclame réparation de l’entièreté du dommage, à savoir la récupération de son capital, en ce compris la plus-value dégagée par la sicav revendue, et la perception des dividendes perdus (la sicav revendue distribuant chaque année un dividende). La requérante estime ainsi le dommage subi (sur base des chiffres actualisés mi-octobre 2013) à environ 3.500 euros.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

Le Collège a examiné le questionnaire ayant permis de déterminer, en 2007, le profil d’investisseur de la requérante. Il s’agissait d’un profil « conservateur », soit le profil le moins risqué parmi les cinq profils qui étaient à l’époque proposés par la banque (conservateur, défensif, neutre, dynamique et agressif).

 

A la question 5 (Quel est votre objectif le plus important dans les 5 ans en matière de placement ?), la requérante a répondu qu’elle voulait obtenir un revenu complémentaire à son capital, mais sans toucher au capital proprement dit.

 

A la question 6 (Quelles exigences formulez-vous envers vos placements ?), la requérante a répondu que son capital de départ devait être garanti à tout moment et qu’elle voulait savoir d’avance ce qu’un placement allait lui rapporter.

 

Les réponses à ces deux questions indiquent clairement que la banque devait s’abstenir de conseiller tout placement comportant des risques. Par conséquent, avec un risque de niveau 4, le fonds proposé ne cadrait pas avec le profil d’investisseur de la requérante.

 

La banque soutient avoir informé la requérante, via le bordereau signé, de la non-conformité du placement avec son profil de risque, excluant de facto un conseil de sa part. Le Collège considère toutefois que la banque ne peut pas se retrancher derrière cette clause, pour plusieurs raisons :

 

  • cette clause, pourtant essentielle, n’apparaît qu’en petits caractères dans le bordereau de souscription, ce qui laisse douter que la requérante en ait réellement eu connaissance ;
  • l’entretien en agence avait pour but de conseiller la requérante sur la façon d’orienter son épargne. Or, compte tenu de son âge (82 ans), du souhait de protéger son capital, de la composition de ses avoirs (placements peu risqués), il est peu crédible que la requérante ait de sa propre initiative décidé d’orienter son épargne vers un placement à risque, qui plus est si elle avait réellement pris conscience de l’avertissement de la banque quant à la non-conformité du placement avec son profil conservateur ;
  • la banque admet enfin que si elle a informé la requérante de la non-conformité du placement, elle avait néanmoins une obligation de conseil quant au pourcentage maximum (15%) qui pouvait être investi dans le placement litigieux. Le Collège relève ici une contradiction dans le chef de la banque. Car en donnant un conseil sur le pourcentage maximum que la requérante pouvait investir dans le fonds, cela laisse penser que le placement incriminé cadrait finalement bien avec son profil. La clause de non-conformité se trouve du coup vidée de son sens.

 

Selon le Collège, la souscription au placement litigieux ne peut donc résulter que d’un conseil donné par la banque à la requérante lors de l’entretien en face à face.

 

Concernant le poids du placement litigieux (17,15% au moment de la souscription), le Collège constate que pour calculer ce pourcentage, la banque s’est basée sur l’ensemble des avoirs de la requérante, en ce compris le compte à vue et les comptes d’épargne. Or, la banque ne pouvait pas tenir compte, selon le Collège, des avoirs en compte à vue et comptes d’épargne, mais seulement des avoirs en compte-titres (48.721 EUR). Selon ce principe, le poids du placement litigieux s’élevait plutôt à 35%. Ce qui, si la banque devait s’en tenir à sa proposition de remboursement initiale, devrait l’amener à revoir à la hausse celle-ci.

 

A l’examen de l’ensemble de ces éléments, le Collège constate que la banque a donné un conseil en placement en inadéquation avec le profil de la requérante.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère que la demande de la requérante est recevable et fondée. Il invite la banque à annuler l’arbitrage et à replacer la requérante dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée à la date du présent avis, tenant compte des revenus distribués par le placement.

 

La banque a suivi l’avis du Collège.