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Conseil en placement ne correspondant pas suffisamment au profil choisi

 

2009.0659

 

THEME

 

Conseil en placement ne correspondant pas suffisamment au profil choisi.

 

AVIS

 

Présents :
Messieurs A. Van Oevelen, Président;

Madame L.-M. Henrion, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, P. Drogné, N. Claeys, W. Van Cauwelaert, C.-G. Winandy, membres.

 

Date : 19 octobre 2010

 

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

La requérante était titulaire d’un compte d’épargne auprès de la banque.

 

Sur les conseils d’un conseiller en placements de la banque, la requérante a utilisé une partie de son épargne pour l’investir à raison de 50% dans un instrument financier à capital garanti et à raison de 50% dans un instrument financier directement lié à l’évolution des marchés d’actions.

 

La requérante estime que le conseiller avec laquelle elle a été en contact n’a pas établi correctement son profil, qu’il n’a pas indiqué correctement les risques relatifs aux produits liés à l’évolution des marchés et qu’il n’a pas tenu compte de l’intention qu’elle avait exprimée, de consacrer à moyen terme une partie de son épargne pour des travaux de rénovation dans son immeuble d’habitation.

 

Elle a revendu en février 2009, les produits qu’elle avait achetés en janvier 2007. Elle réclame le remboursement de la perte qu’elle a subie, soit environ 5.000 euros.

 

De son côté, la banque expose qu’un profil a bien été établi qui tient compte de l’intention de la demanderesse d’investir à moyen terme dans des travaux de rénovation. Le profil retenu est qualifié de « moderated » ce qui implique l’acceptation d’une certaine part de risques.

 

La banque a pris en considération l’ensemble des avoirs de la requérante dans ses livres pour conseiller à concurrence de 50% un produit à capital garanti et à concurrence de 50% un produit dont la valeur était directement liée aux marchés financiers. Elle relève que les prospectus de présentation des instruments financiers ont été remis à la requérante. Dans cette mesure, le conseil qu’elle a donné était adéquat.

 

La banque considère que la requérante a elle-même causé son préjudice en revendant les produits à un moment où les marchés financiers étaient particulièrement déprimés. Elle estime dès lors n’avoir aucune responsabilité dans la perte enregistrée.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

 

La banque admet avoir fourni un conseil en janvier 2007 soit avant l'entrée en vigueur des dispositions transposant les directives MiFID. Il s'agissait d'un conseil ponctuel et non d'une activité de conseil en placements au sens de l'arrêté royal du 5 août 1991 sur la gestion de fortune et le conseil en placements.

 

Ce conseil doit donc être apprécié au regard des principes applicables en matière extracontractuelle et des règles de conduites précisées à l'article 36 de la loi du 6 avril 1995 relative au statut et au contrôle des entreprises d'investissement, tel qu'il était alors en vigueur.

 

Conformément à l'article 36, § 1, 2° de la loi, les intermédiaires doivent servir au mieux les intérêts de leurs clients, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, compte tenu du degré de connaissance professionnelle de ces clients. Cette même disposition (§ 1, 4°) contraint les professionnels à recueillir toutes les informations utiles sur leurs clients et en particulier sur leur situation financière, leur expérience et leurs objectifs de placement. Ils doivent enfin (§ 1, 5°) fournir toutes informations pour permettre à ces clients de prendre une décision bien réfléchie et en connaissance de cause. Ayant rassemblé les informations utiles auprès de son client, il incombe ensuite à la Banque de définir une stratégie d'investissement et de la soumettre au client pour accord.

 

En l’espèce, la banque produit un formulaire dont il ressort qu’elle a rassemblé des informations concernant le profil financier, l’attitude vis-à-vis du risque et l’expérience de la requérante. Il est précisé que la requérante entend à moyen terme disposer de liquidités pour poursuivre les travaux de rénovation de son immeuble. Ce formulaire se termine par la constatation : Nous vous conseillons donc un portefeuille défensif puisque tous les aspects de votre profil de risque convergent dans cette direction. Nonobstant cette constatation, la banque a proposé un profil moderated et le formulaire confirme que ce choix a été accepté par le client.

 

Du profil moderated retenu in casu découlait une stratégie qui privilégie la sécurité par rapport à la performance mais dans laquelle une certaine part de risque est admise.

 

La banque a recommandé d’investir à concurrence de 50% dans un instrument directement lié au marché des actions. Le Collège considère que cette proportion ne répond pas à la définition d'un profil qui doit privilégier la sécurité. Le Collège considère que l’investissement dans un produit comportant un risque en  capital ne pouvait en l'espèce dépasser 30%.

 

La banque admet cette limitation mais argue que l'appréciation du risque doit porter sur l'ensemble des avoirs déposés en ses livres, en ce compris les carnets de dépôt.

 

Le Collège ne peut suivre ce raisonnement. La stratégie doit, certes, être arrêtée en tenant compte de la situation financière du client ce qui implique tous ses avoirs immobiliers et mobiliers, en ce compris l'ensemble des avoirs en banque. Par contre, une fois la stratégie définie, le client est légitimement en droit de considérer qu'elle porte sur les seuls avoirs qu'il décide d'affecter à des investissements en instruments financiers. Si la banque suit une autre approche, ce qu’elle est libre de faire, il lui incombe d'en informer spécifiquement le client. En l’espèce, elle ne rapporte pas la preuve d’avoir attiré l’attention de la requérante sur ce point. Cette question est essentielle en ce qu’elle relève de l’objet même du conseil ou de la convention de conseil en investissement ou en gestion de portefeuille. L’information fournie à cet égard doit donc être particulièrement correcte et claire.

 

Par ailleurs, et dès lors que la stratégie acceptée par le client impliquait une part de risque et que les prospectus relatifs aux produits recommandés paraissent avoir été remis, la requérante aurait dû appréhender avec plus de sérénité l’évolution exceptionnellement négative des marchés financiers à la fin de l’année 2008 et au début de l’année 2009. La réalisation des valeurs intervenue en février 2009 n’a pas été motivée par la nécessité de disposer des liquidités nécessaires pour un investissement immobilier annoncé mais par une réaction trop précipitée devant la chute des cours.

 

Le Collège considère donc que la banque est responsable de l’investissement excessif dans un produit sans garantie de capital (50% au lieu de 30%) mais qu’une part importante de la perte définitive doit être laissée à charge de la requérante qui a vendu dans la précipitation. Le Collège estime en conséquence que la banque ne doit intervenir qu’à concurrence d’un cinquième dans le préjudice de la requérante.

 

III. CONCLUSION

 

La plainte de la requérante est recevable et fondée. Le Collège invite la banque à payer à la requérante une somme de 1.000 euros.

 

La banque a suivi l’avis du Collège.