2007.1480
THEMES
Crédit hypothécaire.
AVIS
Présents :
Messieurs A. Van Oevelen, Président;
Madame L-M. Henrion, Vice-Président;
Messieurs F. de Patoul, P. Drogné, N. Claeys, L. Jansen, R. Jonckheere, Cl. Louis, membres.
Date : 15 juillet 2008
I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES
En janvier 2006, le requérant se porte candidat acquéreur d’une maison par le canal d’une agence immobilière. Pour le crédit, celle-ci le met en rapport avec un intermédiaire de crédit agissant pour le compte d’un bureau de courtage. Outre le crédit hypothécaire pour l’acquisition de la maison, celui-ci propose de regrouper 4 prêts à tempérament en cours et de les consolider dans le crédit hypothécaire, afin de réduire la charge totale. L’opération serait réalisable pour autant que l’emprunteur puisse obtenir la signature d’un aval.
Une demande en ce sens est introduite auprès de la banque, qui accepte mais à concurrence uniquement du montant de l’achat et des frais de notaire. L’intermédiaire demande au requérant d’attendre qu’il soit devenu propriétaire pour procéder au regroupement des prêts à tempérament.
Devenu propriétaire, le requérant tente de recontacter l’intermédiaire, mais en vain. Il a disparu sans laisser d’adresse.
Voulant donner sa maison en location pour en retirer quelque revenu, il lui faudra attendre 4 mois pour trouver un locataire. Confronté aux mensualités des crédits à la consommation et à celle du prêt hypothécaire, le requérant est très rapidement dans l’impossibilité de faire face à ses obligations. Il doit déposer une requête en règlement collectif de dettes et un médiateur de dettes est désigné par le juge des saisies. La maison est vendue dans le cadre de la procédure et la banque est partiellement remboursée. Elle réclame le solde de sa créance soit 6.589,86 €.
Le requérant reproche à l’intermédiaire et à la banque de l’avoir mal conseillé et de l’avoir entraîné dans une spirale financière dont il n’a pu s’extraire.
La banque précise que l’offre de crédit mentionnait bien la condition que le financement serait accordé uniquement pour l’achat et les frais de notaire et qu’elle a tenu compte des revenus du requérant et de son co-emprunteur pour envisager l’acceptation du crédit hypothécaire.
Montant : |
115.000 € |
Durée : |
25 ans |
But : |
achat d’une maison (85.000 €) |
Revenus : |
- requérant : |
1.252,00 €/mois |
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- codemandeur : |
1.520,00 €/mois |
Total : |
2.772,00 €/mois |
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Charges : |
- crédit hypothécaire |
562,32 €/mois |
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- prêts à tempérament |
670,00 €/mois |
Total : |
1.232,32 €/mois |
Montant : 96.800 € (achat+ frais), soit 114% du prix d’achat
Assurance du solde restant dû sur la tête du requérant : 115.000 €
Conditions : le co-emprunteur ne doit pas être en période d’essai. Le financement couvre uniquement l’achat et les frais de notaire (sans les remboursements de créances)
Mensualité : 562,32 € (réduite ensuite à 551 € à la suite d’une baisse de taux)
II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION
- 4 prêts à tempérament : |
638 €/mois |
- crédit hypothécaire : |
551 €/mois |
Total : |
1.189 €/mois |
Son salaire, selon l’attestation de son employeur, était de 1.201,89 €/mois.
Restent pour vivre : 12,89 €/mois.
La banque souligne qu’il faut également prendre en considération le revenu locatif de l’immeuble acquis au moyen du crédit. La demande de crédit fait état d’un loyer de 500 € par mois. Même en considérant ce revenu complémentaire à 100 % (ce qui est excessif eu égard aux charges incombant au propriétaire et aux périodes de chômage locatif) les charges financières du requérant représentaient près de 70% de ces revenus, laissant un solde de 562 € par mois pour couvrir toutes les charges de la vie courante.
Le Collège estime que dans ces conditions, le crédit ne pouvait pas être accordé.
Il ressort des pièces du dossier que le co-emprunteur intervenait dans le cadre du mécanisme de la solidarité à titre de sûreté. Ce co-emprunteur ne tirait aucun profit du crédit et son engagement n’avait pas d’autre objet que de garantir le prêteur en cas de défaillance du requérant, seul bénéficiaire économique du crédit. En pareil cas, l’examen de l’opportunité du crédit ne peut se faire que sur la seule base des revenus du requérant et l’appréciation de la solvabilité du co-emprunteur ne doit se faire que dans la perspective accessoire de l’appel à la garantie.
Ceci est confirmé dans une note de l’intermédiaire, qui renvoie à plusieurs reprises aux notions de « aval codébiteur » et de « caution solidaire ». Par ailleurs, le co-emprunteur n’a aucun lien familial ou autre avec le requérant, et il ne devient pas (co)propriétaire de la maison. Il réside chez ses parents et contrairement aux conditions exigées par la banque dans l’offre, il est en période d’essai dans un contrat à durée déterminée. Il n’est pas fait mention de charges dans son chef.
Selon une règle constante, la qualité des garanties ne peut intervenir que de façon marginale dans l’appréciation de la dignité à crédit. Même à cet égard on ne peut que constater la jeunesse du co-emprunteur et son statut professionnel très incertain.
Le Collège constate donc qu’indépendamment de la situation personnelle de l’emprunteur, d’autres éléments de la demande de crédit auraient dû inciter la banque à une prudence accrue.
Le Collège estime que le crédit consenti dans ces conditions anormales a mené le requérant dans une situation financière sans autre issue qu’un règlement collectif de dettes.
III. CONCLUSION
La plainte du requérant est recevable et fondée.
Le Collège estime que la banque devrait rétablir le requérant dans la situation où il se trouvait avant l’octroi du crédit hypothécaire. La banque devrait renoncer au solde de la créance réclamée actuellement et indemniser intégralement le requérant de son préjudice en ce compris les frais exposés (frais de notaire, d’expertise ou autres) ainsi que les intérêts et amortissements en capital qu’il a payés.
Le Collège invite les parties à s’accorder de bonne foi sur le montant de ce préjudice et à le saisir à nouveau, si, acceptant l’avis ainsi émis, les parties ne parvenaient pas à s’accorder sur le montant de l’indemnisation.
La banque a suivi l’avis du Collège.