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Crédit hypothécaire - Imputation erronée de certains paiements.

2012.0097

 

THEME

 

Crédit hypothécaire - Imputation erronée de certains paiements.

 

AVIS

 

Présents :


Messieurs A. Van Oevelen, Président;

 

Madame  M.-F. Carlier, Vice-Président;

 

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.


Mesdames M. Mannès, N. Spruyt, membres.

 

Date : 15 mai 2012

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Le litige entre parties découle de l’imputation erronée de certains paiements par le requérant. Les faits peuvent être résumés comme suit.

 

A. l’ouverture de crédit du 11 juillet 2006 et ses modalités d’utilisation

 

Par acte authentique du 11 juillet 2006 comportant inscription hypothécaire en premier rang sur l’immeuble du requérant, la Banque a consenti une ouverture de crédit de 112.000 euros.

 

L’acte précise que le crédit sera utilisé sous deux modalités :

 

  1. une avance de 78.007 Euros sous forme de prêt remboursable en 360 mois avec report d’amortissement pour les 24 premiers mois. Cette avance (ci-après l’avance 1) est remboursable par mensualités constantes de 283,56 euros pendant une période de report  d’amortissement de 24 mois et de 402,48 euros par la suite.
  2. une avance de 8.668 euros sous forme de prêt à intérêt remboursable en 360 mensualités constantes de 43,21 euros (ci-après, l’avance 2).

 

Selon les dispositions de l’acte :

 

  1. Ces avances sont soumises aux dispositions de la loi du 4 août 1992 (article 34)
  2. les mensualités sont fixées à terme échu, la première étant exigible à l’expiration de la première période d’un mois à compter de la signature de l’acte. Les premières mensualités pour les deux avances consenties étaient donc dues pour le 11 août 2006. (article 30)
  3. Tous les remboursements ou paiements doivent être effectués, aux frais des crédités, au compte désigné par le créditeur en euros et exempts de toute charges ou retenues généralement quelconques.
  4. Quant à la déchéance du terme, l’acte dispose que Le crédit est exigible de plein droit, à l’expiration d’un délai de quinze jours suivant l’envoi d’un avertissement par lettre recommandée adressé aux crédités (…) leur rappelant la situation dans laquelle ils se trouvent et les conséquences de la non régularisation de cette situation dans le délai visé (…) dans tous les cas d’exigibilité avant terme prévu par la loi.  L’article 45 de loi du 4 août 1992 prévoit : En cas de défaut de paiement d'une somme due, l'entreprise hypothécaire doit, dans les trois mois de l'échéance, faire parvenir à l'emprunteur un avertissement envoyé par lettre recommandée à la poste reprenant les conséquences du non paiement.

 

B. L’ouverture de crédit complémentaire du 20 août 2007.

 

La banque a consenti une avance complémentaire par acte sous seing privé du 20 août 2007. Selon cet acte, cette ouverture complémentaire fait « partie intégrante de l’acte notarié d’ouverture de crédit » du 11 juillet 2006. L’avance complémentaire (ci-après, l’avance n°3) est de 20.600 euros remboursable en 300 mensualités de 125,44 euros après une période de douze mois de prélèvements progressifs.

 

C. Le défaut de paiement survenu en 2010 et l’accord sur des termes et délais

 

Le 10 août 2010, la banque fait adresser par son huissier une mise en demeure recommandée au requérant pour un montant de 362,45 euros. Des explications fournies ultérieurement par la banque il apparaît que cette somme comprend trois échéances impayées dans le cadre de l’avance 3 ainsi que des intérêts de retard :

 

  1. la mensualité impayée du mois de mai 2010 soit 100,6 euros
  2. une majoration de 6 euros sur cette mensualité
  3. la mensualité du mois de juin 2010 soit 114,68 euros
  4. la mensualité du mois de juillet 2010  soit 125,44 euros
  5. une majoration de 14,73 euros sur cette dernière mensualité.

 

La lettre de l’huissier précise je vous invite à régler cette affaire immédiatement et attire votre attention sur ce que la créance de [la banque] devient exigible pour la totalité, si vous n’apurez pas vos arriérés dans les quinze jours par un  versement sur le compte n°… avec indication de la communication structurée ***. Cette même lettre ajoute : je me permets de vous rappeler que vous avez souscrit l’engagement de domicilier le paiement de vos échéances.  (…) Je vous invite dès lors à prendre immédiatement les mesures nécessaires.

 

Le 19 août 2010, le requérant adresse un fax à la banque : Suite à une erreur les sommes dues n’ont pas été payées automatiquement via notre office bancaire. Pouvons-nous, comme demandé par téléphone, payer la somme due en trois fois (…) ?

 

Par courrier du 1er septembre 2010, la banque confirme son accord sur cette proposition en précisant que les échéances mensuelles normales devront par ailleurs être payées ponctuellement.

 

Il semble toutefois que les délais de paiement convenus n’aient pas été totalement respectés mais selon la banque la situation a été régularisée par le requérant en janvier 2011 et un trop perçu a même dû lui être remboursé.

 

D. Les versements avec une communication erronée

 

Par un mail du 7 février 2011, la banque confirme au requérant que les arriérés sont apurés et précise les dates d’échéances, les montants des mensualités, les numéros de compte et les communications à utiliser pour (…) faire les paiements à temps et à l’heure à partir de février 2011.

 

Il apparaît en effet que suite à la mise en demeure de l’huissier les remboursements de l’avance 1 (soit 402,48 euros par mois) ont été versés avec une communication erronée, c'est-à-dire en reprenant la communication structurée relative à l’avance 2 (soit 43,21 euros par mois). La confusion semble s’être produite en août 2010 vraisemblablement lors d’un ordre permanent mis en place suite au rappel de l’huissier. Ces communications erronées obligent la banque à transférer depuis le compte Avances 2, les mensualités de 402,48 euros vers le compte Avance 1.

 

Comme ces transferts interviennent après l’échéance des mensualités, des majorations ou intérêts de retard ont été appliqués sur toutes les mensualités de 402.48 euros depuis août 2010. Ceci explique la mise au point faite par la banque dans son mail du 7 février 2011.

 

Le requérant ne semble pas avoir réservé de suite à ce mail du 7 février et les problèmes ont perduré pendant toute l’année 2011 provoquant une accumulation de majorations dues aux imputations tardives.

 

La banque a adressé une lettre de rappel le 29 décembre 2011 en invitant le client à apurer le retard résultant des majorations soit un montant de l’ordre de 217,64 euros. Le requérant a appelé la banque le lendemain pour s’étonner de ce retard alors que toutes les mensualités étaient payées à temps. Dans un mail adressé ultérieurement par la banque au requérant, elle relève, lors de cet entretien : « vous avez clairement indiqué que vous contestez le montant réclamé et par conséquent, vous refusez de payer l’arriéré comptable. Suite à ces informations nous avons pris la décision de commencer les préparations pour les procédures juridiques ».

 

E. La mise en œuvre de la cession de rémunération

 

Par courrier du 30 décembre 2011, la banque a invité l’huissier à mettre en œuvre la cession de rémunération auprès de l’employeur présumé du requérant sur le fondement de l’avance 3 (dont elle admet par ailleurs que la situation avait été régularisée depuis le mois de janvier 2011).

 

Le courrier adressé à l’huissier par la banque précise : arriérés au 30/12/2011 : 0,00 EUR. Dans le détail de sa créance, elle inclut toutefois une somme de 18.699,37 EUR étant le capital restant dû. La banque considère donc que le requérant est déchu du terme convenu pour l’avance 3. Dans un mail adressé au requérant le 15 février 2012, la banque admet par contre qu’il n’y pas d’autre arriéré que le solde résultant de l’accumulation des majorations et des intérêts de retard sur l’avance 1 soit 240,63 euros.

 

L’huissier a donc entamé la procédure de cession de rémunération en s’informant auprès de l’employeur du requérant.

 

F. Position du requérant

 

Le requérant ne comprend pas qu’ayant payé toutes les mensualités à temps, la banque puisse lui réclamer des arriérés et entamer une procédure de cession de rémunération. Il s’étonne qu’une simple erreur dans la communication du virement puisse justifier des pénalités ou intérêts de retard.

 

G. Position de la banque

 

La banque estime qu’il incombe au requérant de respecter ses instructions de paiement : C’est la responsabilité du client de suivre les instructions et de faire les paiements comme il faut.  Selon la banque, c’est donc à bon droit que des intérêts de retard ont été comptés et que la cession de rémunération a été entamée. Par ailleurs, la banque semble considérer que l’avance 3 a fait l’objet d’une déchéance du terme en raison des trois mensualités de mai, juin et juillet 2010 payées tardivement.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

A la lecture des explications fournies par les parties, le Collège constate que le requérant a commis une erreur dans la communication structurée de ses versements mais que les mensualités sont bien parvenues à temps à la banque sur le compte renseigné par celle-ci.  La banque a donc eu la jouissance des fonds à la date convenue. Dès lors, le Collège considère qu’il n’y a pas de retard de paiement qui justifie l’application d’intérêts de retard ou de majorations, étant donné qu’un paiement doit être considéré comme effectif dès lors que le compte en banque a été crédité.

 

Les erreurs du requérant ont certes imposé des démarches comptables complémentaires à la banque mais la faute paraît trop légère que pour avoir causé un préjudice réel ou justifier une quelconque résolution. Par ailleurs, le Collège constate que les techniques de crédit et d’imputation utilisées en l’espèce n’étaient pas de nature à faciliter la compréhension par le requérant.

 

Le Collège constate également qu’un accord est intervenu entre parties pour accorder un délai de paiement pour les échéances en retard des mois de mai, juin et juillet 2010 dans le cadre de l’avance 3. La banque a donc renoncé à appliquer la clause de déchéance du terme et cette renonciation est confirmée tant par son attitude que par ses écrits dans lesquels elle admet  l’absence d’arriérés de paiement.

 

Dans cette mesure la mise en œuvre de la cession de rémunération apparaît comme une mesure de rétorsion; elle n’est fondée sur aucun arriéré et est contraire à l’article 24 de la loi du 4 août 1992 : Lorsqu'à titre de garantie complémentaire du crédit, une cession de rémunération a été stipulée, celle-ci ne peut être exécutée et affectée qu'à concurrence des montants exigibles en vertu de l'acte constitutif à la date de la notification de la cession.

 

Pour autant que la procédure de cession ait été poursuivie jusqu’à son terme, il incombe à la banque de notifier à l’employeur qu’elle y renonce et de faire les démarches utiles pour que la cession soit radiée du fichier des saisies.

 

Le Collège rappelle par ailleurs que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Cette obligation impose au requérant de corriger au plus tôt ses instructions de paiement pour que les mensualités soient versées avec les communications structurées adéquates telles qu’elles ont été rappelées par la banque dans la lettre qu’elle lui a adressée le 29 décembre 2011.

 

III. CONCLUSION

 

La plainte est recevable et fondée.

 

Le Collège invite la banque à supprimer toutes les majorations ainsi que tous les intérêts de retard et frais d’huissier réclamés au client depuis le 7 février 2011 et depuis août 2010 pour l’avance 1. Il invite en outre la banque à mettre fin à la cession de rémunération et à ses effets.

 

Il invite le requérant à modifier au plus tôt ses instructions de paiement pour créditer la banque des mensualités avec la communication structurée adéquate.

 

La banque a suivi l’avis du Collège.