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Crédits à la consommation - Formation du contrat - Devoir de s’informer et de conseil (responsible lending).

2019.1206

THEME
Crédits à la consommation - Formation du contrat - Devoir de s’informer et de conseil (responsible lending).
AVIS

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;
Madame N. Spruyt; Messieurs R. Steennot, A. Guigui, membres;

Date : 6 août 2019

PREAMBULE
Dans le cadre d‘un investissement dans un équipement d’énergie renouvelable, le requérant a été approché par une société commerciale, spécialisée dans les équipements d’énergie renouvelable et comme intermédiaire de crédit d’une institution financière. Au sein de cette société, le représentant commercial agit donc tant au nom de la société commerciale que de l’institution financière comme personne en contact avec le public et cette société est agréée sur ce point par la FSMA.
Il a y a lieu de distinguer :
-le contrat de fourniture et de prestation de services avec la société commerciale dont le plaignant conteste la qualité et l’adéquation à ses besoins et d’un point de vue technique, le requérant met en cause notamment l’information, le conseil et l’exécution des travaux : Ombudsfin n’est pas compétent pour se prononcer sur ce type de litige technique en matière d’équipements d’énergie renouvelable.
-le contrat de financement : le plaignant estime que la conclusion du contrat ne s’est pas déroulé suivants les usages et loi applicables. Ombudsfin est compétent sur ce point.
1. VOTRE PLAINTE
Il ressort des documents transmis et des déclarations des parties ce qui suit : le contrat de prêt a été conclu à domicile le 2 mars 2017.
Une demande de visite a été signée par le requérant le même jour, soit le 2 mars 2019 dans le but de conclure un contrat d’achat et un contrat de financement.
Néanmoins, le bon de commande des travaux avait été signé le 8 février 2016 sous réserve d’acceptation du dossier de financement et de la visite de l’ingénieur.
Les trois factures d’acompte payables au comptant ont été dressées le jour de la signature du contrat de crédit, soit le 2 mars 2017 mais le plaignant décl are ne pas en avoir reçu la copie, ni aucun tableau d’amortissement, aucune information préalable. La seule information relative à ce prêt en sa possession est une lettre de la société financière datée du 3 mars l’avisant du versement du montant du crédit sur son compte et un autre courrier daté également du 3 mars 2017 reprenant le montant de la mensualité de 345,04€, première date et dernière date de la mensualité à verser.
Les anomalies suivantes ont été relevées :
-le contrat a été conclu le 2/03/2017 à domicile et la demande de visite date du 2/03/2017 également, la demande n’est donc pas préalable.
-le CCP a été consultée plus de 20 jours avant la conclusion du contrat, soit le 9/02/2017
-l’acte de cession et de mise en gage des créances ont été signés le 9/02/2017, soit bien avant la signature du contrat de crédit et la demande de visite.
-aucune copie du contrat n’a été remise au plaignant, ni de formulaires SECCI.

2. POSITION DES INSTITUTIONS
a) La société commerciale
a) La société commerciale a déclaré par téléphone avoir correctement agi et n’a pas répondu aux irrégularités soulevées ci-avant. Elle s’est limitée à les adresser à l’institution financière.
b) L’institution financière

L’institution financière estime que le démarchage a été effectué dans les règles puisqu’il existe une demande de visite écrite et distincte. En effet, selon elle, l’article VII.94 sanctionne le démarchage du contrat de crédit mais l’Art. VII. 67, 1° du CDE stipule que peut être considéré comme démarchage:
« La visite, du prêteur ou de l'intermédiaire de crédit, au domicile, à la résidence ou au lieu de travail du consommateur, ainsi qu'au domicile ou à la résidence d'un autre consommateur, à l'occasion de laquelle une offre de crédit est formulée ou une demande de crédit ou un contrat de crédit est soumis à la signature du consommateur, sauf si le prêteur ou l'intermédiaire de crédit s'y est rendu à la demande expresse et préalable du consommateur. La preuve de cette demande ne peut être faite que par un support durable distinct de l'offre de crédit, du formulaire de demande de crédit ou du contrat de crédit et antérieur à la visite »

Le fait qu’il doit s’agir d’une demande préalable du consommateur ne veut pas dire que cette demande ne peut être faite le même jour que la visite. La loi ne précise pas de délai pour la demande préalable.
Pour le surplus, b) L’institution financière estime que sa responsabilité n’est pas engagée car les formalités préalables à la signature du contrat devaient être accomplies par la société commerciale.

3. AVIS DES EXPERTS

I. Les faits et les arguments des parties

Le 2 mars 2017, les requérants ont conclu par l’intermédiaire de la société commerciale, avec l’institution financière un contrat de prêt à tempérament pour le financement de l’achat d’une pompe à chaleur chauffage pour un montant de 24.500 euros. Le contrat a été conclu au domicile des requérants. Un formulaire de demande de visite daté également du 2 mars 2017 est joint au dossier. Le montant des mensualités est de 345,04 euros, du 3 avril 2017 jusqu’au 3 mars 2027.

Le 9 février 2017, les requérants avaient déjà souscrit un acte de cession et de mise en gage de créances comme sûreté de ce crédit, c’est à dire bien avant la signature du contrat de crédit en tant que tel.

Par une lettre du 27 mai 2019, le Centre Public d’Action Sociale a interpellé le prêteur au sujet de ce dossier, notamment sur le fait que les requérants ne disposent pas d’une preuve d’information précontractuelle, qu’ils ne semblent pas disposer du formulaire “informations européennes normalisées en matière de crédit au consommateurs” (“SECCI”), qu’aucune information sur les possibilités de recours et de plaintes n’a été communiquée, qu’ils ne disposent d’aucun document sur lequel on peut voir apparaître le montant emprunté, qu’ils ne disposent d’aucune copie de l’acte d’emprunt ni du tableau d’amortissement. Les seules informations dont disposent, en fait, les requérants concernent la référence du dossier, le terme mensuel de 345,04 euros et la date du premier terme (le 3 avril 2017) et du dernier terme (3 mars 2027). Dans la même lettre, le Centre Public d’Action Sociale Charleroi demande à la banque que les documents exigibles mais non transmis lui soient communiqués afin qu’elle puisse prendre les mesures nécessaires pour régulariser la situation auprès des requérants.

Par un e-mail du 29 mai 2019, le prêteur répond que tous les documents relatifs au crédit des requérants ont été envoyés aux requérants par e-mail du 29 mai 2019. Il s’agit du contrat, des conditions générales, du tableau d’amortissement ainsi que l’historique de payement à cette date. Le prêteur y ajoute que ce dossier de crédit est bien conforme aux pratiques et à la législation.

II. Avis du Collège

En premier lieu le Collège est d’avis qu’il s’agit ici d’un contrat de crédit conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile au sens de l’article VII.67, 1° du Code de droit économique qui dispose que la démarchage de crédit est interdit et que doit être considéré comme démarchage “la visite, du prêteur ou de l’intermédiaire de crédit, au domicile, à la résidence ou au lieu de travail du consommateur, ainsi qu’au domicile ou à la résidence d’un autre consommateur, à l’occasion de laquelle une offre de crédit est formulée ou une demande de crédit ou un contrat de crédit est soumis à la signature du consommateur, sauf si le prêteur ou l’intermédiaire de crédit s’y est rendu à la demande expresse et préalable du consommateur. La preuve de cette demande ne peut être faite que par un support durable distinct de l’offre de crédit, du formulaire de demande de crédit ou du contrat de crédit et antérieur à la visite.” Le Collège constate que le prêteur reste en défaut de prouver que les requérants ont fait une telle demande expresse et préalable à la banque.

En deuxième lieu, le Collège est d’avis que le prêteur reste en défaut de prouver qu’il – ou en fait son intermédiaire - a fourni l’information précontractuelle exigée par les articles VII. 69, § 1, premier alinéa, et VII.70, § 1, premier alinéa du Code de droit économique. Cette dernière disposition exige que cette information soit fournie sur un support durable, à l’aide du formulaire “informations européennes normalisées en matière de crédit au consommateurs (SECCI)”.

En troisième lieu, le Collège est d’avis qu’il résulte des éléments du dossier que le prêteur (ou son intermédiaire) n’a pas rempli les obligations qui découlent des articles VII.69, § 1, premier alinéa, et VII.77, § 1, du Code de droit économique.
L’article VII.69, § 1, premier alinéa, du Code de droit économique dispose : “Dans le cadre de l’évaluation de la solvabilité, le prêteur et l’intermédiaire de crédit sont tenus de demander au consommateur sollicitant un contrat de crédit, ainsi que, le cas échéant, à la personne qui constitue une sûreté personnelle, les renseignements exacts et complets que le prêteur juge nécessaires afin d’apprécier leur situation financière et leurs facultés de remboursement. Le consommateur et la personne qui constitue une sûreté sont tenus d’y répondre de manière exacte et complète.”
L’article VII.77, § 1, du même code dispose : “Le prêteur procède, avant la conclusion du contrat de crédit, à l’évaluation rigoureuse de la solvabilité du consommateur et vérifie que le consommateur sera à même de respecter ses obligations de remboursement. (…). A cet effet, le prêteur est en outre tenu de consulter la Centrale, à l’exception du dépassement.”

En quatrième lieu, le Collège est d’avis qu’il résulte des éléments du dossier que le prêteur n’a pas rempli les obligations qui découlent pour elle des articles VII.74, premier alinéa, et VII.75 du Code de droit économique.
L’article VII.74, premier alinéa, du Code de droit économique dispose : “Les prêteurs et, le cas échéant, les intermédiaires de crédit, fournissent au consommateur des explications adéquates grâce auxquelles celui-ci sera en mesure de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, le cas échéant en expliquant l’information précontractuelle qui doit être fournie conformément à l’article 70, § 1er, les caractéristiques essentielles des produits proposés et les effets particuliers qu’ils peuvent avoir sur le consommateur, y compris les conséquences d’un défaut de paiement du consommateur.”
L’article VII.75 du Code de droit économique dispose : “Le prêteur et l’intermédiaire de crédit sont tenus de rechercher, dans le cadre des contrats de crédits qu’ils offrent habituellement ou pour lesquelles ils interviennent habituellement, le type et le montant du crédit les mieux adaptés, compte tenu de la situation financière du consommateur au moment de la conclusion du contrat et du but du crédit.”

Le fait que le prêteur n’a pas rempli les obligations qui découlent des articles VII.69, § 1, premier alinéa, VII.77, § 1, VII.74, premier alinéa, et VII.75 du Code de droit économique a pour conséquence que les obligations des requérants doivent être réduites jusqu’au montant emprunté. Les requérants conservent le bénéfice de l’échelonnement des paiements. Les intérêts qu’ils ont déjà payés doivent être imputés sur les montants à payer.

Enfin le Collège veut formuler la remarque qu’il n’a pas de compétence en ce qui concerne l’achat de la pompe à chaleur chauffage. A propos de cet achat, les requérants peuvent prendre contact avec l’Ombudsman des Consommateurs.

4. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN
Il ressort du dossier que les anomalies soulevées dans le cadre du dossier de crédit traité par la société commerciale au nom et pour le compte de l’institution financière par le CPAS sont établies. En conséquence, l’Ombudsman rejoint la position des experts du Collège : la réduction des obligations du consommateur au remboursement du seul montant emprunté en capital ( article VII.194 du code de droit économique). Les requérants conservent donc le bénéfice de l’échelonnement des paiements et les intérêts qu’ils ont déjà payés doivent être imputés sur les montants à payer et ne peuvent plus être réclamés pour l’avenir.