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Crédits hypothécaires – Exécution du contrat – Enregistrement BNB

 

2016.3491

 

THEME

 

Crédits hypothécaires – Exécution du contrat – Enregistrement BNB

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président ;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président ;

Monsieur E. Struye de Swielande, membre ;

Madame M. Mannès, membre.

 

Date : 21 février 2017

 

  1. VOTRE PLAINTE

 

Le demandeur a introduit en août 2013, auprès de la banque une demande de crédit hypothécaire pour un bullet de 180.000 euros en 36 mois dans le cadre d'une opération immobilière portant sur un bien privé à Jette. Le but du crédit est de payer les honoraires du géomètre et de l'architecte, les frais de commercialisation du projet et de constituer des liquidités pour 12.000 euros. Le bullet est garanti par une hypothèque sur le bien concerné par l'opération et sera remboursé par la vente de ce bien.

 

Le demande de crédit et l'offre de la banque font référence à la loi sur le crédit hypothécaire du 4 août 1992 mais l'acte d'avance de 180.000 euros, qui est annexé à l'acte authentique du 12 septembre 2013, prévoit l'application conventionnelle de la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation. Le terme du crédit est fixé au 12 septembre 2016, date à laquelle capital et intérêts doivent être remboursés, pour un total de 239.253,45 euros.

 

En date des 18 mars 2016 et 18 mai 2016, la banque adresse deux lettres au demandeur lui rappelant les montants à payer à l'échéance du 12 septembre 2016, et le 14 juillet 2016, elle envoie par recommandé un nouveau rappel concernant ladite échéance, avec indication des conséquences du non-paiement. Le texte de ce “rappel", bien que sans référence explicite à la loi sur le crédit hypothécaire, en reprend les termes de l'article 45 et évoque un intérêt de retard de 0,50 %.

 

Le 12 septembre 2016, jour même de l'échéance, le crédit fait l'objet d'un enregistrement pour défaut de paiement à la Centrale des crédits aux particuliers, comme prêt à tempérament.

 

Le demandeur, par l'intermédiaire de son avocat, estime que le crédit bullet de soudure est bien un crédit hypothécaire, que les rappels envoyés avant l'échéance n'ont aucune valeur juridique car envoyés prématurément et que l'enregistrement pour défaut de paiement, intervenu le jour même de l'échéance, est erroné car il ne respecte pas  l'article 5, § 1er, 3° de l'arrêté royal du 7 juillet 2002 (enregistrement permis soit lorsqu'un montant échu n'est pas payé pendant trois mois, soit un mois après l'envoi du recommandé prévu par l'article 45 de la loi sur le crédit hypothécaire). Sur cette base, il demande la suppression de l'enregistrement incorrect et la révision du décompte des intérêts et pénalités.

 

  1. POSITION DE LA BANQUE

 

La banque estime que l'enregistrement dans la Centrale des crédits aux particuliers est correct. Elle défend l'application de la loi sur le crédit à la consommation, sur base de l'acte d'avance annexé à l'acte authentique, et la validité de l'enregistrement du défaut de paiement, au jour même de l'échéance, sur base de l'article 5, §1, 1°, c) dudit arrêté royal du 7 juillet 2002, c'est à dire parce que les montants de terme restant à échoir sont devenus exigibles. Elle confirme aussi son décompte d'intérêts et de pénalités, comme étant conforme à l'article 27bis de la loi sur le crédit à la consommation.

 

  1. AVIS DES EXPERTS[1]

 

Le Collège s'est d'abord penché sur la détermination de la législation applicable afin de pouvoir vérifier ensuite dans quelle mesure celle-ci est correctement respectée, d'une part, pour l'enregistrement dans la Centrale des crédits aux particuliers et, d'autre part, pour le calcul des intérêts de retard et pénalités.

 

A titre de remarque préalable, indépendamment de la question de la législation applicable, le Collège estime que les rappels, ordinaires ou par recommandé, adressés par la banque avant l'échéance du 12 septembre 2016, sont prématurés et ne peuvent avoir aucune conséquence juridique en matière d'enregistrement ou de calcul d'intérêts.

 

Le Collège relève que pendant toute la phase précontractuelle, de la demande introduite par le demandeur à l'offre émise par la banque, l'opération est clairement soumise à la loi sur le crédit hypothécaire alors que, sans autre information complémentaire à l'attention du demandeur, elle prend, lors de la signature de l'acte authentique, la forme d'un crédit à la consommation garanti par une hypothèque. Il s'ensuit une confusion par manque d'information de la banque envers le demandeur. A cet égard, le Collège se réfère au Code de droit économique, Livre VI sur les Pratiques du marché et la protection du consommateur, article 37, §2, qui prévoit qu'en cas de doute sur le sens d'une clause , c'est l'interprétation  la plus favorable au consommateur qui prévaut; sur cette base, dans le cas du demandeur, il y a lieu de dissiper la confusion en optant pour l'application de la loi sur le crédit hypothécaire plutôt que celle de la loi sur le crédit à la consommation, la première lui étant plus favorable.

 

Le Collège estime par ailleurs que le financement des honoraires de géomètre, d'architecte et de pré-commercialisation, liés à une opération de transformation d'un bien immobilier en vue de le vendre, rentre dans le champ d'application de l'article 1 de la loi du 4 août 1992 sur le crédit hypothécaire car il concourt à la conservation de droits réels immobiliers. 

 

Pour l'enregistrement d'un défaut de paiement relatif à un crédit hypothécaire soumis à la loi du 4 août 1992, c'est l'article 5, §1, 3° de l'arrêté royal du 7 juillet 2002 qui s'applique, lequel stipule que l'enregistrement peut avoir lieu "soit lorsqu'une somme due reste impayée pendant trois mois à dater de son échéance, soit lorsqu'une somme reste impayée un mois après l'envoi par le prêteur de l'avis recommandé prévu par l'article 45 de la loi sur le crédit hypothécaire". Le premier critère n'a pas été respecté par la banque puisque l'enregistrement date du 12 septembre 2016 et le second critère non plus puisque l'article 45 lui-même précise que le recommandé à envoyer par le prêteur suppose un défaut de paiement préalable alors que le seul rappel recommandé envoyé par la banque, à propos duquel elle prétend qu'il respecte l'article 45, précède l'échéance de deux mois.

 

L'enregistrement dans la Centrale des crédits aux particuliers est incorrect et doit être supprimé.

 

A propos de cet enregistrement dans la Centrale des crédits aux particuliers, le Collège tient à préciser que même en cas d'application de la loi sur le crédit à la consommation, quod non, ledit enregistrement aurait également été incorrect.

 

En effet, pour l'enregistrement d'un défaut de paiement relatif à un crédit à la consommation, il faut se référer à l'article 5, § 1er, 1° de l'arrêté royal du 7 juillet 2002, libellé comme suit : "Les défauts de paiement sont enregistrés dans la Centrale s'ils répondent aux critères suivants, pour le prêt à tempérament : a) trois montants de terme n'ont pas été payés à leur échéance ou l'ont été incomplètement, ou  b) un montant de terme échu n'a pas été payé durant trois mois ou l'a été incomplètement, ou c) les montants de terme restant à échoir sont devenus immédiatement exigibles."

 

 La banque en fait une mauvaise lecture car le point c) qu'elle utilise comme argument concerne en fait l'hypothèse de dénonciation ou de déchéance du terme alors même qu'il restait des termes à échoir, ce qui n'est évidemment pas le cas du crédit de Le demandeur. C'est le b) qui devrait s'appliquer : "un montant de terme n'a pas été payé durant trois mois ou l'a été incomplètement". En effet, le crédit est arrivé à son terme le 12 septembre 2016 et n'a pas fait l'objet d'une exigibilité avant terme qui, seule, aurait permis un enregistrement immédiat. L'enregistrement dans une hypothèse d'application de la loi sur le crédit à la consommation n'aurait pu intervenir qu'en cas de défaut de paiement subsistant trois mois après l'échéance, soit le 12 décembre 2016.

 

Pour le calcul des intérêts de retard, le Collège rappelle que seule une majoration des intérêts de 0,50 % est autorisée par la loi sur le crédit hypothécaire dont l'article 45 fait référence à l'article 1907 du Code civil. Pour pouvoir imputer cette majoration, l'envoi de l'avertissement prévu par l'article 45 de la loi sur le crédit hypothécaire est obligatoire et à défaut, il ne peut y avoir de majoration;  en outre l'échéance impayée bénéficie d'un délai de six mois, sans frais ni intérêts complémentaires. Le décompte adressé par la banque à Le demandeur en date du 20 décembre 2016 fait état d'un solde de 143.577,22euros au 12 septembre 2016 et de 68.190,80 euros au 27 octobre 2016, sans qu'il soit possible d'identifier clairement les paiements partiels effectués par Le demandeur. En toute hypothèse et en l'absence d'envoi du rappel recommandé régi par l'article 45 précité, le solde dû au 12 septembre 2016 bénéficie d'un délai de six mois à dater de son échéance, soit jusqu'au 12 mars 2017 et les intérêts courant depuis le 12 septembre 2016 ne peuvent être majorés de 0,50 % qu'à partir du 12 mars 2017, si la créance en capital reste impayée à cette date.

 

Le décompte des intérêts établi par la banque est incorrect et doit être revu.  En effet, la banque a utilisé la majoration maximale autorisée par la loi sur le crédit à la consommation, qui est de 10 % du taux du crédit de sorte qu'elle applique un taux de retard de 10,95 % alors que le taux applicable en l'occurrence selon la loi sur le crédit hypothécaire est de 10,45%. La pénalité de 7.553,86 euros n'est pas non plus applicable.

 

  1. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN

 

En conclusion, l’Ombudsman rejoint l’avis du Collège d’experts : c’est la loi sur le crédit hypothécaire qui doit s’appliquer à ce dossier avec les conséquences qui suivent : le fichage lui paraît erroné et les décomptes doivent être révisés.

 

Au vu de ce qui précède, l’Ombudsman invite donc la banque à supprimer le fichage négatif erroné à la Centrale des crédits aux particuliers et à dresser un nouveau décompte, au bénéfice de l’urgence et de préférence avant le 12 mars, clarifiant la somme restant due en capital et les intérêts conventionnels, en tenant compte du fait que si la créance en capital est totalement remboursée au 12 mars 2017, ni les frais ni la majoration d’intérêts de 0,50% ne pourront être réclamés.

 

En revanche, si la créance en capital n’était pas remboursée au 12 mars 2016, le décompte des intérêts de retard doit être revu et seul le taux de 10,45% (et non de 10,95%) peut être appliqué à partir du 12 mars 2017 en application de la loi sur le crédit hypothécaire. La pénalité de 7.553,86 euros n’est pas non plus applicable.

 


[1] Le collège s’est réuni le 21 février 2017 en présence d’A. Van Oevelen, M.-F. Carlier, M. Mannès, E. Struye et l’avis a été définitivement approuvé par les experts, le 6 mars 2017.