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Crédits hypothécaires – garanties.

2018.1405

THEME

Crédits hypothécaires – garanties.

AVIS

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;
Madame N. Spruyt; Messieurs R. Steennot, A. Guigui, J. Vannerom, membres;

Date : 11 septembre 2018

1. DESCRIPTION DE LA PLAINTE
Le requérant s’est présenté à son agence bancaire en 2005 pour introduire une demande de crédit classique de 50.000€ en vue de financer l’acquisition d’un bien immobilier. Son investissement immobilier s’élevait à plus ou moins 120.000€.
L’employé de la banque, actuellement pensionné, lui a alors proposé un montage qui lui promettait en toute hypothèse un « gain » en fin de contrat outre le remboursement du crédit bullet et une partie du coût du crédit habitation. Il s’agissait de conclure un « prêt fiscalisé » de 50.000€ assorti d’un crédit bullet de 70.000€ dont la somme serait investie dans des contrats d’assurance-vie branche 21 et 23 proposés.
Ce montage lui a été expliqué sur base d’un tableau dressé par la banque et que le requérant produit dans le cadre de la présente médiation. Le requérant déclare que seul ce document lui a été remis ainsi que les contrats d’assurance-vie liés à des fonds d’investissement qu’il a signés. Ce tableau émanant de la banque revêt la forme d’une évaluation bancaire.
Le 5/12/2005, le requérant a donc souscrit ces deux crédits : un crédit classique de 50.000€ et un crédit habitation bullet pour 67.895€ dont l’échéance pour le paiement intégral du capital est fixée le 01/12/2020. La somme empruntée dans le cadre du crédit bullet a été investie dans deux contrats d’assurance-vie (branche 21 et 23), eux-mêmes mis en gage.
Ces contrats sont les suivants :
- un contrat d’un montant de 39.883,12€ : ce contrat mentionne une garantie en cas de vie au 01/10/2020 de 60.860,92€ (assurance-vie branche 21). Il devait assurer le remboursement du capital du crédit bullet et une partie du coût du crédit classique.
- un contrat d’un montant de 30.116,88€ : ce contrat lié à un fonds d’investissement a –entretemps- pris fin car la réserve de ce contrat a été épuisée le 1er septembre 2017 par le paiement d‘une rente mensuelle de 225€ depuis 2005 (assurance-vie branche 23). Il devait assurer le coût du crédit bullet.
Le requérant conteste ce montage car le résultat ne correspond pas à ce qui lui a été expliqué : il devait percevoir une rente toute la durée du contrat pour payer les mensualités de son crédit bullet et un capital à l’échéance de ses deux crédits qui permettait de rembourser le crédit bullet et une partie du coût de son crédit classique. Or le paiement de la rente a été arrêtée sans même lui en aviser et le requérant doit donc suppléer cette rente jusqu’à la fin du remboursement du crédit, soit une perte de 8.100€. De plus, selon ses calculs, il manquera 9.139,08€ pour le remboursement du capital de son crédit bullet et 5.146,77€ de bonus final, soit au total : 22.3885,85€.
Le requérant considère que s’il avait été correctement informé du risque au moment de la conclusion des contrats il n’aurait pas conclu ce genre de contrats. Le requérant estime que la banque a manqué à son devoir d’information et que le conseil n’était pas adéquat.
2. POSITION DE LA BANQUE
La banque relève que le tableau produit ne reprend pas l’entête de la banque. Il s’agit de projections de rendement basées sur les circonstances économiques et financières de 2005.
Par ailleurs, la banque relève que les contrats précisent bien l’absence de garantie de capital. La banque considère que le requérant a été informé correctement à la souscription des contrats d’assurance-vie branche 21 et 23 (par le contrat et les conditions générales) ainsi que tout au long des contrats, annuellement (par voie d‘extraits).
La banque indique qu’au vu des éléments du dossier, il n’est pas établi que la banque vous a informé que les contrats permettaient de garantir le 01/12/2020 le paiement du capital, intérêts et accessoires du crédit bullet. La banque évoque l’article 6 de la convention signée qui prévoit que « le remboursement en capital, intérêts et accessoires de la présente est en outre garanti par un gage faisant l’objet d’un acte séparé ».
3. AVIS DES EXPERTS
Le Collège d’experts constate qu’au vu des capitaux propres dont disposait le requérant (+/- 70.000 €), ce dernier n’avait besoin que d’un crédit de 50.000 € pour financer son projet immobilier (=/- 120.000€).
Il lui a toutefois été proposé de contracter, en plus de son crédit hypothécaire de 50.000 €, un crédit bullet de 70.000 €. Il ressort des simulations fournies au requérant en 2005 que la souscription de ce nouveau crédit lui a été présentée par la banque comme un moyen de réaliser à terme des économies.
Cette simulation semble en effet indiquer que si le requérant contractait un crédit bullet de 70.000 € pour les placer dans des produits d’assurance-vie de type branche 21 et branche 23, le rendement généré par ces deux produits permettrait non seulement de couvrir les frais générés par le crédit bullet mais également de couvrir une partie, plus ou moins importante, des frais de l’emprunt hypothécaire initial de 50.000 €.
Il importe toutefois de signaler que seul un des deux produits d’assurance proposé au requérant offrait une garantie en termes de rendement et de remboursement du capital (branche 21). Or, le rendement garanti par ce produit n’était pas suffisant pour couvrir les frais du crédit bullet et donc à fortiori de couvrir une partie des frais liés au crédit hypothécaire initial du requérant. Pour ce faire, il fallait compter sur le rendement (hypothétique) généré par le second contrat d’assurance qui ne présentait lui aucune garantie de rendement ou de remboursement du capital.
A cet égard, le Collège d’experts constate que la simulation remise par la banque au requérant présente quatre scénarios dans lesquels les produits d’assurance génèrent un rendement suffisant pour couvrir les frais du crédit bullet et au moins une petite partie des frais liés à l’emprunt hypothécaire. Cette simulation n’évoque pas une seule fois la possibilité que les frais liés au crédit bullet (près de 40.000 €) puissent ne pas être couverts par les revenus générés par les produits d’assurance et que dans une telle hypothèse le « montage » proposé ne ferait qu’augmenter les coûts de financement du requérant.
Le Collège constate que si la banque a fourni au requérant des informations sur chaque produit pris isolément, elle a manqué à son devoir précontractuel d’information en ce qui concerne les risques et l’intérêt de la combinaison des différents produits présentés comme les éléments indissociables d’une solution de financement unique. Le Collège estime par ailleurs que cette obligation d’information précontractuelle s’imposait d’autant plus au regard de la complexité du montage proposé et de son caractère superfétatoire. Il paraît raisonnable de penser que si le requérant avait été correctement informé, il n’aurait pas souscrit le crédit bullet.
Le Collège d’experts estime donc que la banque doit indemniser le requérant à concurrence du dommage qu’il a subi ensuite de la conclusion dudit crédit bullet.
Sachant que ce crédit a occasionné au requérant un surcoût de 38.535 € (70.000 x 3,67% x 15) ; que ce surcoût ne sera vraisemblablement compensé par les revenus des deux produits d’assurance qu’à concurrence de 23.260 € . Le Collège évalue donc le dommage du requérant à 15.275 € (38.535 - 23.260).
Par conséquent, le Collège enjoint la banque à indemniser le requérant à due concurrence.
4. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN
Au vu des éléments du dossier, l’Obudsman rejoint l’analyse des membres du Collège. A l’appui de cette analyse, l’Ombudsman relève la mise en garde de l’Autorité des services et marchés financiers (FSMA) et du SPF Economie à l’encontre de ce type de formule : https://www.fsma.be/sites/default/files/public/content/FR/20180329_warning_fsma_spf_eco_fr.pdf.
En conséquence, l’Ombudsman invite la banque à indemniser le plaignant à concurrence de 15.275€.