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Crédits hypothécaires - Exécution du contrat - Généralités

2020.5335

THEME
Crédits hypothécaires - Exécution du contrat - Généralités
AVIS

Présents :
Madame N. Spruyt; Messieurs R. Steennot, A. Guigui, P D’Haen, membres;

Date : 16 février 2021

1. LA PLAINTE
La plaignante a conclu avec la banque, dans le cadre d’ouvertures de crédits, plusieurs contrats de crédits dont deux de ceux-ci concernent le financement de travaux à effectuer dans un immeuble de la plaignante.
Les faits, selon la plaignante, peuvent se résumer comme suit :
- le vendredi 06/03/2020, la plaignante envoie par mail à l’agence une demande de prélèvement, accompagnée d’une facture d’acompte pour la livraison de matériaux et de mise en œuvre du chantier, à payer à son entrepreneur ;
- un collaborateur de l’agence confirme par retour de mail, le même jour, à la plaignante que le paiement de la facture à l’entrepreneur a bien été effectué le 06/03/2020 ;
- le mardi 10/03/2020, l’entrepreneur de la plaignante l’informe qu’il n’a pas perçu le paiement de sa facture ;
- le même jour, soit le mardi 10/03/2020, la plaignante se rend au guichet de son agence bancaire et explique que son entrepreneur n’a pas reçu le paiement de sa facture ;
- la guichetière effectue un nouveau paiement au profit du compte de l’entrepreneur sur la base d’un formulaire de demande de prélèvement crédit habitation daté du 06.03.2020 et signé à nouveau par la plaignante (le même formulaire que celui communiqué lors de la demande du 06/03/2020 effectuée par la plaignante via mail) et de la facture identique à celle produite lors de la demande de prélèvement du 06/03/2020.
La plaignante invoque qu’elle s’est adressée à la collaboratrice de la banque le 10/03/2020 en faisant mention que son entrepreneur « n’aurait pas encore reçu ledit paiement ». En parlant d’un paiement déjà effectué, il est évident, selon elle, que la plaignante faisait référence au paiement du 06/03/2020. Ce faisant, la collaboratrice de la banque aurait dû (devoir de conseil) vérifier si le paiement du 06/03/2020 avait été effectué et dans l’affirmative, elle aurait dû expliquer à la plaignante que l’entrepreneur allait recevoir le paiement seulement deux jours ouvrables après l’exécution du paiement (devoir d’information)
La plaignante estime que la réponse de sa banque n’est pas satisfaisante dans la mesure où :
- La cliente s’est adressée à la collaboratrice de la banque le 10/03/2020 en faisant mention de ce que son entrepreneur « n’aurait pas encore reçu ledit paiement » (sic courrier de la banque daté du 07/10/2020. Ce faisant, la collaboratrice de la banque aurait dû, selon la plaignante, en application du devoir de conseil, vérifier si le paiement du 06/03/2020 avait été effectué et dans l’affirmative, elle aurait dû expliquer à la cliente que l’entrepreneur allait recevoir le paiement seulement deux jours ouvrables après l’exécution du paiement, en application du devoir d’information qui lui incombe ;
- Manquant à son devoir de conseil et son devoir d’information, la guichetière de l’agence a procédé à un nouveau paiement en faveur de l’entrepreneur et ce en utilisant le même formulaire de demande de prélèvement crédit habitation envoyé par la plaignante, daté du 06/03/2020 auquel elle a attaché la même facture de l’entrepreneur envoyée également par mail le 06/03/2020
Elle estime que la banque a failli à diverses obligations, partant commis une erreur et doit dès lors restituer la somme de 5.300 EUR à la cliente.

2 POSITION DE LA BANQUE

L’analyse des investigations dans ce dossier amène la banque à faire les constatations suivantes :
Le vendredi 06/03/2020, la plaignante envoie par mail à l’agence une demande de prélèvement, accompagnée d’une facture à payer à son entrepreneur.
Un collaborateur de l’agence confirme par retour de mail à la plaignante le jour même que le paiement de la facture à l’entrepreneur a bien été effectué le 06/03/2020.
Le paiement de cette facture, par le débit du compte de la plaignante en date du 06/03/2020 était immédiatement consultable et vérifiable par elle, soit sur ses extraits de compte soit via l’application.
Le compte bancaire de l’entrepreneur étant tenu auprès d’une autre institution financière, il est donc tout à fait normal qu’une facture payée le vendredi 06/03/2020 ne parvienne sur le compte du bénéficiaire qu’endéans les deux jours ouvrables bancaires après, soit le mardi 10/03/2020.
Le mardi 10/03/2020, la plaignante se présente au guichet de l’agence avec une demande de prélèvement, à laquelle est jointe une facture de l’entrepreneur et demande avec insistance à la collaboratrice de l’agence de la payer à l’entrepreneur, sans tarder, au motif que celui-ci n’aurait pas encore reçu ledit paiement. La plaignante n’ayant, à aucun moment lors de cette visite à l’agence, fait mention de l’opération demandée le vendredi 06/03/2020, le paiement est exécuté comme demandé lors de sa visite du 10/03/2020, la plaignante n’a pas non plus informé la collaboratrice qu’il s’agissait en fait de la même facture que celle qu’elle avait envoyée par mail le 06/03/2020 .
Il n’est pas du tout inhabituel que, dans des chantiers de construction ou de rénovation, l’entrepreneur établisse des factures successives de montants identiques au fur et à mesure de l’avancement des travaux; ni l’agence ni la collaboratrice rencontrée le mardi 10/03/2020, et a fortiori si la plaignante ne s’adresse pas à la même personne ni n’évoque la transaction enregistrée le vendredi 06/03/2020, n’ont la possibilité de vérifier ni d’imaginer qu’il puisse s’agir de la même facture et ne sont dès lors pas en mesure de se rendre compte de l’erreur de la cliente.
La signature de la plaignante sur les deux formulaires ‘Demande de prélèvement crédit habitation’ n’étant pas strictement identique ni apposée au même endroit, confirme que la cliente a bien complété deux documents pour une seule et même demande.
En conclusion : La banque ne trouve aucune explication à la motivation de la plaignante pour demander à deux reprises en cinq jours d’effectuer deux fois le paiement d’une seule et même facture. Elle ne comprend pas pourquoi la plaignante n’a pas fait mention lors de sa visite à l’agence le mardi 10/03/2020, de l’opération demandée et exécutée le vendredi 06/03/2020. La banque ayant suivi à la lettre les deux demandes de la cliente, elle ne relève aucune erreur commise par la banque ni aucun manquement dans les procédures à suivre.
La banque confirme qu’aucune erreur n’a été commise dans ce dossier et que la responsabilité du double paiement incombe totalement à la plaignante.
Néanmoins, la banque est disposée, à titre tout à fait exceptionnel et sans reconnaissance préjudiciable, à proposer d’adresser un courrier recommandé à l’entrepreneur afin de lui confirmer qu’il y a bien eu un double paiement d’une facture au départ d’un crédit habitation au nom de la plaignante et de demander à l’entrepreneur de reverser le montant (5.300 EUR) sur le compte de la banque qui se chargera ensuite, pour autant que l’entrepreneur réponde positivement à cette demande, de corriger les écritures comptables dans le crédit habitation de la plaignante. La banque ajoute qu’elle n’a pas pour autant la possibilité de contraindre l’entrepreneur à restituer les fonds. Cette proposition a été transmise à la plaignante mais dans la mesure où l’entrepreneur a déjà été mis en demeure sans y faire droit, elle persiste à demander l’intervention de la banque en sa faveur.
3 POSITION DU COLLEGE
1 Principes

L’exécution d’un ordre de paiement est de la responsabilité de la banque mais donner l’ordre correctement reste de la responsabilité du client donneur d’ordre.
Il lui appartient de vérifier le nom du bénéficiaire, son numéro de compte bancaire, le montant à lui verser et enfin si la transaction n’a pas déjà été exécutée sur la base d’instructions formelles déjà données de sa part.
Le collaborateur de la banque, dans ce cas exécute, l’ordre qu’il reçoit.
Les ordres de paiement litigieux ont toutefois lieu dans le cadre de l’exécution d’un contrat de crédit destiné à financer des travaux.
Le collaborateur de la banque a ainsi pour mission de vérifier que le paiement de la facture soit lié au plan de travaux convenu, au solde du crédit disponible.

2 application des principes au cas d’espèce

Selon un échange entre l’avocat de la plaignante et Ombudsfin, l’entrepreneur n’a pas réagi à la mise en demeure lui enjoignant de rembourser le paiement reçu et le chantier est, depuis lors, à l’abandon.
Les ordres de paiement se concrétisent par le prélèvement sur le contrat de crédit (crédit sur le compte courant de la plaignante) et par le versement sur le compte du bénéficiaire (débit du compte courant de la plaignante).
La plaignante a reçu la confirmation du débit de son compte courant à concurrence du montant de son premier ordre de paiement.
Le second ordre de paiement a été exécuté sur la base de l’information que l’entrepreneur n’avait pas été crédité du montant de sa facture.
La plaignante, en insistant sur l’urgence, a signé un nouveau document de prélèvement sans préciser qu’elle avait reçu la confirmation du débit de son compte courant à concurrence du premier ordre de paiement, transcrit dans ses extraits à la date du 6/03/2020.
Cette information était pourtant disponible non seulement pour la plaignante, mais aussi a fortiori pour la banque.
Il apparaît des éléments du dossier que toutes les informations utiles n’ont pas été échangées de manière adéquate entre les parties.
Il n’empêche que même face à une demande pressante de la plaignante le prêteur agit dans le cadre de l’exécution d’un contrat de crédit d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et des intérêts du consommateur (VII 130 du CDE).

Si on peut reprocher à la plaignante un manque de diffusion d’informations, la Banque, en tant que professionnelle se doit de vérifier les informations transmises.
Le collège estime que le préjudice du second versement doit être supporté pour un 1/3 par la plaignante et pour 2/3 par la banque.

4. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN
Dans le cadre de ce dossier, l’Ombudsman partage l’analyse du Collège d’experts et invite, dès lors, la banque à intervenir à concurrence de 2/3 du préjudice subi, soit à concurrence d’une somme de 3.533,50 EUR. La banque bénéficie d’un délai de 30 jours pour communiquer sa réaction. Il appartiendra alors à la plaignante de l’accepter ou de la refuser formellement. A cet égard, elle sera libre de sa décision, sachant que l’avis de l’Ombudsman est rendu en équité et peut dès lors être différent d’une décision judiciaire.