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Crédits hypothécaires - Formation du contrat - Aspects fiscaux

2018.816

THEME

Crédits hypothécaires - Formation du contrat - Aspects fiscaux

AVIS

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;
Madame N. Spruyt; Messieurs R. Steennot, A. Guigui, J. Vannerom, membres;

Date : 10 juillet 2018

1. DESCRIPTION DE LA PLAINTE
En septembre 2006, le requérant a acquis un immeuble en construction sis en Belgique avec son père, celui-ci en qualité d’usufruitier et le requérant, nu-propriétaire. Le prix de vente n’a pas été payé intégralement en septembre 2006 mais devait l’être en décembre 2007. Le père du requérant avait négocié des modalités de paiement différées particulières avec le promoteur et notamment le versement de 15 mensualités de 475€ jusqu’en décembre 2007 et ensuite une somme de 80.000,04€. En ce qui concerne le requérant, la nue-propriété était financée à partir de fonds propres.
Malheureusement, quatre mois plus tard, en janvier 2007, le père du requérant est décédé et son usufruit s’est éteint, laissant pleine propriétaire à lui mais il restait encore un solde à payer au vendeur comme en atteste la déclaration de créance de 89.132€ du promoteur qui est reprise dans la déclaration de succession du père.
En qualité de pleine propriétaire par la suite du décès du père mais pour conserver la propriété de cet immeuble que le requérant occupait désormais, il a dû conclure un crédit pour financer le solde du prix restant à payer au promoteur. C’est dans ce cadre que le requérant a conclu un crédit avec la banque X en décembre 2007 pour un montant de 83.450€ pour une durée de 25 ans.
Lors des échanges avec la banque, le requérant a insisté pour que la formule de crédit choisie le permette de bénéficier de la réduction d‘impôts. Ceci étant, le requérant n’a pas reçu l’attestation de base à la signature de l’acte de crédit et apparemment une erreur s‘est glissée dans l’acte de crédit car le but mentionné dans l’acte de crédit est « autre immeuble », sans doute à cause de la complexité du dossier.
Le 18 février 2008, le requérant a acquis une cave et un parking dans l’immeuble qu’il a également financé au moyen du crédit conclu en décembre 2007 et la réception provisoire de l’immeuble a eu lieu concomitamment, soit le 18 février 2008.
Le 26 décembre 2012, pour obtenir un taux plus avantageux, le requérant a refinancé son crédit hypothécaire auprès de la banque Y mais ceci n’a pas été précisé dans l’acte de crédit et le but du crédit initial refinancé non plus. Il n’a pas non plus reçu d’attestation lui permettant de bénéficier de la réduction d‘impôts.
A cette époque, il semble que le requérant avait déjà soulevé le problème auprès de la banque X qui a émis une attestation de base le 4 février 2013 pour un montant de 14.000€ qui représente la somme ayant permis d’acquérir la cave et le parking mais pas pour le solde qui, selon la banque X, concernait apparemment l’achat de la nue-propriété.
Lors d‘un contrôle fiscal récent et compte tenu de l’absence de précision dans les deux actes de crédit, le fisc a relevé dans le dossier du requérant qu’il n’existait pas d’attestation de base délivrée par l’organisme prêteur pour bénéficier de la réduction d’impôts sur la totalité du crédit, ni d’attestation 281.61 (preuve de paiement annuel de l’emprunt délivré par l’organisme prêteur). Partant, le fisc considère que le requérant ne rapporte pas à suffisance la preuve que son crédit remplit les conditions pour pourvoir déduire l’amortissement en capital soit, à partir du mois de janvier 2005 :
- But du crédit : acquérir, construire, ou rénover l’habitation propre,
- Crédit hypothécaire d’une durée de 10 ans minimum,
- Conclu dans l’espace économique européen.
Le requérant donc demandé à la banque X de lui adresser un duplicata de l’attestation de base pour la totalité de son crédit initial mais la banque X lui a adressé une attestation limitée à 14.000€. Il souhaite que cette attestation soit corrigée car le crédit conclu en octobre 2007.
2. POSITION DE LA BANQUE
La banque considère que le crédit conclu en octobre 2007 visait à acquérir la nue-propriété du bien et que dès lors que seul le propriétaire, le possesseur, l’emphytéote ou l’usufruitier peuvent bénéficier de la réduction d’impôts postulée, il n’y avait pas lieu à délivrer l’attestation de base sur la totalité du montant emprunté mais uniquement pour le financement de la cave et du parking, acquis plus tard en plaine propriété.
De plus, la banque considère que le crédit accordé en octobre 2007 ne visait pas à acquérir un droit réel immobilier nouveau et le crédit mis à disposition ne concerne pas l’usufruit puisqu’il s’est éteint en janvier 2007. Il ne s’agit pas non plus d’un refinancement d’un crédit existant mais concerne le paiement d’une dette immobilière existante dans le chef du de cuius. Selon la banque, pour donner droit à l’avantage fiscal, le crédit doit être immobilier, privé et direct. En l’espèce, il n’est pas direct mais indirect considérant qu’il n’existe aucun rapport direct entre le requérant et l’acquisition ou la conservation d’un droit immobilier.
3. AVIS DES EXPERTS
Conformément à l’article 14, premier alinéa 1°, du Code d’Impôt sur les Revenus (ci-après dénommé «CIR 92»), les intérêts de dettes peuvent être déduits de l'ensemble des revenus immobiliers à la condition que les dettes soient contractées spécifiquement en vue d'acquérir ou de conserver ces biens. La question qui se pose est de savoir si le crédit qui a été contracté par l’héritier, après l’acquisition de la pleine propriété à la suite du décès de l’usufruitier, en vue de supporter la dette de l’usufruitier à l’égard d’un tiers, peut être considéré comme étant contracté spécifiquement en vue de conserver le bien immeuble concerné.
Dans le commentaire administratif relatif à l’article 14 CIR 92 (http://www.2747.com/2747/law/tax/realestate/2008/belgie14admin.html), on relève les considérations suivantes :
-En instaurant un lien spécifique entre la dette contractée et l'acquisition ou la conservation de biens immobiliers, le législateur visait en particulier à mettre à fin à certains abus tendant à justifier la déduction des intérêts sur la base du raisonnement général selon lequel l'emprunt contracté à une fin quelconque avait permis d'empêcher que des biens immobiliers dussent être réalisés.
- En particulier en ce qui concerne les crédits contractés pour conserver les biens immobiliers, le lien entre la dette et la conservation du bien immobilier doit être interprété strictement, à savoir que les dettes doivent être contractées dans le but d'augmenter la valeur du bien immobilier ou de maintenir le même niveau en effectuant des travaux de rénovation, d'amélioration, de modification, de modernisation ou d'entretien.
En 2007, la Cour de Cassation a décidé: “Ne peuvent être qualifiées de dettes qui ont été contractées spécifiquement en vue de conserver des biens immobiliers, les dettes contractées par un contribuable afin d’éviter l’éviction d’un bien immobilier, si cette éviction est la conséquence de difficultés de paiement résultant du fait que le contribuable a effectué des dépenses ou des paiements qui sont étrangers au bien immobilier (Cass. 20 décembre 2007).
In casu, la dette contractée par le défunt et le remboursement assumé par l’héritier par le biais du crédit contracté concernent le même bien immobilier. En outre, le montant du crédit contracté et le montant de la dette de l’usufruitier –de cuius- sont similaires.
Compte tenu 1) du lien étroit entre la dette du de cuius et le montant du crédit contracté et 2) du fait que les deux concernent le même bien immeuble, il convient de dire que la dette a été contractée spécifiquement dans le but d’acquérir /conserver ce bien immobilier.
La constatation que la dette n'a pas été contractée dans le but d'augmenter la valeur dudit bien ou d’en maintenir la valeur en effectuant des travaux de rénovation, amélioration, rénovation, modernisation ou travaux d'entretien n’a pas d’incidence. C’est aussi le cas lorsqu’un crédit a été contracté pour le paiement des droits de succession. Il n’y a donc pas d’abus dans le chef de l’emprunteur dans cette hypothèse.
La banque, selon le collège d'experts, doit délivrer les attestations requises. Le collège d'experts souhaite souligner que l'interprétation proposée par la banque était raisonnable. Compte tenu des possibilités d’interprétation de cet article 14 CIR 92, la banque n’est redevable d’aucune indemnité.
4. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN
Compte tenu de ce qui précède, l’Ombudsman rejoint la position des experts et considère que les attestations requises doivent être délivrées au requérant.
L’Ombudsman invite donc la banque à faire le nécessaire en ce sens.