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Instruments financiers – placements inappropriés

 

2008.0964

 

THEMES

 

Instruments financiers – placements inappropriés.

 

AVIS

 

Présents :
Messieurs A. Van Oevelen, Président ;

Madame L.-M. Henrion, Vice-Président;

Messieurs P. Drogné, N. Claeys, L. Jansen, W. Van Cauwelaert, C.-G. Winandy, membres.

 

Date : 20 janvier 2009

 

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Fin 2005, le requérant demanda à la banque de lui proposer un placement de 575.000 euros qui devrait tenir compte de son âge (84 ans à l’époque), de son état de santé (problèmes cardiaques), outre la maladie grave de son épouse, et devrait donc être à court terme et présenter un rendement normal et non spéculatif.

 

Il recherchait un placement donnant un rendement supérieur à celui d’un livret d’épargne et qui soit soumis à des règles claires lui permettant de comprendre son évolution.

 

Le requérant avait à l’époque en dehors du placement envisagé 58.000 euros en compte d’épargne et compte à vue et possédait des terrains au Portugal valorisés à environ un million d’euros.

 

La banque lui proposa un produit « maison » consistant en des obligations en euros ayant pour caractéristiques :

 

  • Un capital garanti à l’échéance située à 12 ans, la banque ayant par ailleurs la faculté de le rembourser anticipativement.
  • Un premier coupon garanti à 5% brut, les coupons suivants n’étant pas garantis et leur taux étant lié à l’évolution de l’Euribor à 12 mois.
  • Une valeur évoluant en fonction des taux d’intérêt à court et à long terme, les obligations étant côtées sur la bourse du Luxembourg.

La classe de risque de ces obligations était de 4 sur une échelle allant de 0 à 6.

 

Le requérant réserva sa décision, souhaitant y réfléchir.

 

Une seconde entrevue fut fixée. Le requérant fut reçu par deux personnes de la banque, dont une conseillère financière qui établit son profil d’investisseur. Les principales informations ressortant de ce document sont les suivantes :

 

  • Pour le requérant, un placement doit avant tout lui garantir une certaine sécurité, quitte à abandonner la possibilité de performances substantielles.
  • L’objectif de son investissement est d’obtenir un produit pouvant contribuer à la couverture de ses besoins financiers actuels.
  • Il souhaite pouvoir récupérer son capital dans un délai de 3 à 5 ans.
  • En cas de dépenses inattendues, telles que nouvelle voiture ou aménagements, il a suffisamment de revenus pour ne pas devoir faire appel à ses investissements.
  • Il estime sa situation financière comme étant solide.
  • Il souhaite rester en terrain connu dans le cadre de la gestion de son patrimoine, dit avoir une relativement bonne connaissance des produits financiers, et a ou a eu des investissements en compte d’épargne, obligations et actions ou sicavs d’actions.

 

La banque conclut, vu la très grande réticence du requérant vis-à-vis du risque, à un profil défensif. Elle relève que le requérant ne souhaite pas un placement de son capital à long terme.

 

Le requérant expose qu’il exprima à ses interlocutrices ses réticences à l’égard du produit proposé qui ne correspondait pas à ses souhaits vu notamment son échéance à 12 ans. Nonobstant cela, les deux dames argumentèrent pour finir par le convaincre et ce sans lui proposer d’autre alternative ni une diversification du placement.

 

C’est ainsi qu’il souscrivit le 2 décembre 2005 575.000 euros dans le produit litigieux, à échéance du 15 janvier 2018.

 

Le requérant dit avoir, très vite après la souscription, à une date non précisée, rencontré la conseillère financière de la banque pour lui demander le remboursement des obligations. Il lui fut répondu que cela allait lui coûter dans les 65.000 euros vu le cours élevé de l’Euribor.

 

Finalement, le requérant vendit les obligations le 10 avril 2007 au prix net de 477.559,90 euros. Entre-temps il avait perçu un coupon le 15 janvier 2007 de 29.229,15 euros.

 

Il estime avoir subi une perte de 68.210,95 euros (97.440,10 euros – 29.229,15 euros) à laquelle il ajoute les intérêts couvrant la période du 15 décembre 2006 au 10 avril 2007.

 

Le 21 novembre 2007, il écrivit à la banque pour demander le remboursement de la perte subie lors de la revente des obligations, estimant que celles-ci lui avaient été vendues sans tenir compte ni de ses souhaits, ni de son profil d’investisseur, ni de son âge.

 

La banque fit part de son refus par lettre du 20 février 2008, estimant d’une part que le requérant avait agi en connaissance de cause, n’étant par ailleurs pas néophyte en matière financière, et d’autre part que les conseils prodigués par l’agence ne constituaient que des options suggérées en fonctions des souhaits exprimés, le client décidant seul en final de les suivre ou non. Elle précisait, quant à la durée du placement, ne pas avoir commis de faute en proposant le produit litigieux dès lors que son client avait un patrimoine ne se limitant pas à ce placement et qu’il recherchait un rendement supérieur à celui d’un livret d’épargne. En outre, la durée réelle du placement n’était pas encore connue à ce jour.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

L’analyse de l’ensemble des circonstances du dossier mène à conclure à une responsabilité partagée de la banque et du requérant.

 

La banque ne s’est pas comportée en banquier normalement diligent et prudent en proposant un investissement dans lequel le capital ne pourrait avec certitude être récupéré qu’à échéance de 12 ans, alors que le requérant avait 84 ans, une santé fragile, de même que son épouse, et qu’il avait affirmé sa volonté d’un horizon de placement limité à 3 ou 5 ans, ce que la banque a expressément souligné lors de l’établissement du profil de son client.

 

La somme à placer était relativement importante, ce qui, spécialement au vu des hésitations du client, justifiait la présentation d’autres produits que le produit « maison » et une possibilité de diversification.

 

Si la banque estimait qu’il n’y avait pas de produit donnant un rendement supérieur à un livret d’épargne qui puisse répondre au souhait du requérant de pouvoir récupérer son capital après 3 à 5 ans, il lui appartenait d’en informer son client et non de lui proposer d’emblée un produit qui ne correspondait pas à sa volonté confirmée lors de l’établissement de son profil.

 

La circonstance que le requérant avait d’autres biens ne fondait pas la banque à adopter le comportement critiqué.

 

De son côté le requérant n’était pas un néophyte en matière financière. Il a pris un délai de réflexion et a ensuite tardé à se plaindre.

 

Le Collège estime qu’il serait juste au vu de cette analyse que la banque prenne en charge la moitié de la perte subie par le requérant, soit 34.105,48 euros. En revanche, les intérêts réclamés pour la période « du 15 décembre 2006 au 10 avril 2007 » ne sont pas justifiés.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège estime que la plainte du requérant est recevable et partiellement fondée.

 

Il invite la banque à dédommager le requérant à concurrence de 34.105,48 euros.

 

La banque a suivi l’avis du Collège.