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Instruments financiers, conseil en placement inapproprié.

2007.2173

 

THEMES

 

Instruments financiers, conseil en placement inapproprié.

 

AVIS

 

Présents :
Messieurs A. Van Oevelen, Président ;

Madame L-M. Henrion, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, P. Drogné, N. Claeys, R. Jonckheere, Cl. Louis, membres.

 

Date : 28 octobre 2008

 

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

En 2005, le requérant, âgé de 68 ans, disposait à la banque d’un livret d’épargne avec une somme de quelque 50.000 euros.

 

Au mois d’août, la banque prit l’initiative de lui proposer une alternative attrayante selon elle au placement à court terme que constituait son livret d’épargne, consistant en l’achat de deux obligations, l’une de la BEI, l’autre de la Banque X, chacune à concurrence de 20.000 euros.


Les bordereaux d’achat indiquaient pour les obligations BEI :

« INTERÊT                 :  7,5%

   DUREE                    :  5/08/2005 – 5/08/2020

   CARACTERISTIQUES :  CPS 1 :7,5%   CPS 2 : 5%   PUIS 4* (CMS 10 ANSCMS 2 ANS) MIN

       1% ET MAX CMS 10 ANS – CALL POSSIBLE 05.08.07 …»

 

 

et pour les obligations de la Banque X :

« INTERÊT                 :  7%

   DUREE                    :  28/02/2005 – 28/02/2035

   CARACTERISTIQUES :  7% JUSQU’EN 02/2006 PUIS 5% JUSQU’EN 02/2016 APRES 4* (10 ANS

       CMS – 2 ANS CMS) CPS MIN 2% MAX 10% … »

 

Le requérant expose que l’employée de la banque lui fit miroiter un meilleur rendement avec des intérêts élevés et réguliers de 7, 7,5 et 5% comme indiqué sur le document manuscrit qu’elle lui remit à l’époque.

 

Ses premières inquiétudes apparurent lorsqu’il reçut, fin 2005, l’état de sa situation patrimoniale faisant apparaître des moins-values de 8 et 9%. La banque le rassura à plusieurs reprises en lui disant de patienter et qu’il y avait peut-être une erreur…

 

S’informant davantage, il comprit qu’il devrait attendre respectivement 2020 et 2035 pour pouvoir récupérer son capital placé, soit à l’âge de 83 et 98 ans, et qu’en attendant ses coupons seraient aléatoires.

 

En 2007, il s’en ouvrit plus officiellement à la banque, estimant qu’il avait été déraisonnable de sa part de lui faire substituer son livret d’épargne par de tels placements à 15 et 30 ans qu’il était obligé de conserver jusqu’à l’échéance finale pour retrouver son capital, ce que l’employée de la banque ne lui avait pas dit.

 

Il reprocha également à la banque de ne pas avoir procédé à une évaluation de sa situation patrimoniale avant de lui proposer un tel investissement qui était inadéquat vu son âge à l’époque et son besoin de revenus réguliers provenant de son épargne pour pouvoir vivre décemment.

 

La banque refusa d’intervenir, considérant que le requérant avait été valablement informé des conditions des deux obligations telles que reprises sur les bordereaux de souscription, et que les explications lui avaient été fournies par son employée en parfaite cohérence avec son profil d’investisseur en produits « sûrs » recherchant la sécurité.

 

La banque n’avait pas de vue sur la situation globale du requérant. Elle connaissait son carnet d’épargne chez elle, qui était à l’époque de 50.000 euros et lui donnait un intérêt de 2,5% (à la date du 16.08.2005).

 

Elle savait que son horizon d’investissement était de 6 à 8 ans, qu’il avait peu d’expérience en placements et n’acceptait que de très faibles fluctuations de son portefeuille, privilégiant la sécurité et la préservation de son capital.

 

Au moment de la souscription litigieuse, la banque ne disposait pas de fiche technique pour les deux produits concernés à remettre à la clientèle.

 

Il ressort des éléments fournis qu’en 2005 le requérant vivait avec son épouse et sa fille à charge, étudiante à l’université, dans une maison en propriété indivise entre les époux. Il bénéficiait d’une retraite d’enseignant et avait trois livrets d’épargne pour quelque 70.000 euros.
Il avait besoin de revenus réguliers en plus de sa retraite pour faire face à ses dépenses courantes.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

L’analyse de l’ensemble des circonstances du dossier mène à considérer que la banque ne s’est pas comportée en banquier normalement diligent et prudent, en prenant l’initiative de proposer au requérant un investissement inadapté à ses besoins.

 

En effet, celui-ci était satisfait de son livret d’épargne et c’est la banque qui va l’interpeller pour lui proposer un autre investissement en lui faisant miroiter des intérêts élevés.

 

La manière dont ces intérêts sont présentés sur les bordereaux (« intérêt : 7% ») accentue davantage le taux phare procuré, qui n’est que très temporaire, plutôt que les taux successifs ultérieurs, plus aléatoires, qui sont mentionné sous un autre verbo intitulé « caractéristiques » un peu plus bas.

 

Le document manuscrit établi par l’employée de la banque, qui ne fait était que de taux variant de 7,5 à 5% sur 30 ans confirme que l’information donnée par la banque soulignait les intérêts élevés qui seraient procurés.

 

Par ailleurs, l’investissement proposé ne correspondait pas à l’horizon de placement indiqué par le requérant.

 

Il s’est retrouvé avec un capital bloqué à très longue durée, ce qui est très différent de la situation d’un carnet d’épargne.

 

Vu la dévalorisation rapide du capital, il ne peut plus le récupérer avant des échéances lointaines, ce à quoi il ne s’attendait pas, à défaut d’information précise à ce sujet.

 

La banque n’a en outre pas fait l’analyse de la situation patrimoniale globale du requérant.
Il était important pour lui de bénéficier de revenus complémentaires réguliers. La proposition d’investissement faite n’en tient pas suffisamment compte vu les risques de tomber très vite à un intérêt minimum bas comme ce fut le cas pour les obligations BEI.

 

La banque a manqué à son obligation d’information et a conseillé des placements inadaptés aux besoins du requérant. Celui-ci en a subi un dommage dont elle doit réparation.
Ce dommage se définit par rapport à la situation du requérant avant l’achat des obligations critiquées.
Il appartient à la banque de remettre le requérant dans la situation qui aurait été la sienne aujourd’hui s’il avait conservé les 40.000 euros sur son livret d’épargne.

 

La banque devrait racheter les obligations litigieuses du requérant en lui payant le prix du capital investi (40.000 euros) et devrait, le cas échéant, lui payer la différence d’intérêts dont le requérant n’aurait pas bénéficié par rapport à ceux qu’il aurait perçus depuis le mois d’août 2005 si les 40.000 euros avaient été maintenus sur son carnet d’épargne.
Toute autre solution aboutissant à un résultat équivalent pourrait également être envisagée.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège estime que la plainte du requérant est recevable et fondée.

 

Il invite la banque à lui racheter les obligations litigieuses au prix de 40.000 euros, et à lui payer, le cas échéant, la différence d’intérêts dont le requérant n’aurait pas bénéficié par rapport à ceux qu’il aurait perçus depuis le mois d’août 2005 si le capital de 40.000 euros avait été maintenu sur son carnet d’épargne, ou à proposer toute autre solution offrant un résultat équivalent.

 

La banque n’a pas suivi l’avis du Collège.