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Investissements – Fonds de pension – Titres – Comptes titres

 

2016.948

 

THEME

 

Investissements – Fonds de pension – Titres – Comptes titres

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, L. Jansen, membres

Madame N. Spruyt, membre.

 

Date : 12 juillet 2016

 

 

1.       LES FAITS

 

Le requérant a introduit une plainte à l’égard de la banque car :

 

Sur les conseils de la banque, il a acheté en février 2015 les titres ‘X’, ‘Y’ et ‘Z’ pour un montant total de 305.287 euros.

 

En date du 4 avril 2016, il accuse une perte de 183.187 euros.

 

Il reproche à la banque le non-respect de ses engagements contractuels. Premièrement, parce que la banque ne l’a pas prévenu de la chute des titres qu’elle lui avait conseillés alors que selon le contrat elle s’était engagée à le prévenir de tout évènement important et deuxièmement parce qu’elle ne lui a pas signalé le conflit d’intérêt créé par certains placements de la banque.

 

Le requérant reproche également à la banque de ne pas lui avoir transmis toute l’information à sa disposition, que celle transmise était mensongère et ce, selon le requérant, pour lui permettre de se défaire d’abord de ses propres investissements.

 

Enfin, le requérant estime que la banque n’a pas respecté la réglementation financière en modifiant son profil d’investisseur de conservateur en dynamique malgré son refus par e-mail.

 

Il souhaite que les pertes subies sur les trois titres, soit la somme de 183.187 euros, lui soit restituée par la banque.

 

1.       POSITION DE LA BANQUE

 

Description résumée :

 

Le requérant reproche à la banque ses conseils d’achats des titres ‘Z’, ‘X’ et ‘Y’. Ces trois actions ont subi une chute importante en quelques mois après leur achat et il déplore que la banque ne l’ait pas informé de cette chute de cours.

 

Il insiste particulièrement au sujet de l’action ‘X’ car il a découvert que la banque était actionnaire principal de ‘X’ et qu’à ce titre elle devait disposer d’information privilégiée. Il soupçonne même la banque d’avoir manipulé l’information, poussé ses clients à l’achat pour faire monter le prix et vendre ainsi ses parts à très bon prix.

 

Il ajoute à ses doléances la non-conformité de son profil. Il n’aurait jamais marqué son accord sur le profil dynamique et il s’est toujours considéré comme conservateur. Il déclare ne pas être un « boursicoteur » et que ses positions sont à long terme.

 

Il demande à la banque de prendre en charge la perte qu’il a subie sur les trois actions en question.

 

Aperçu des faits :

 

Le 04/11/2013 : Appel entre le requérant et son chargé de relation. Il vient d’entrer en relation avec ce service et celui-ci souhaite vérifier le profil dynamique avec lui mais il déclare que ce n’est pas la peine. Il confirme être dynamique et qu’un temps la banque a voulu lui proposer d’être conservateur mais que selon lui c’est totalement incorrect. Il ne veut que des actions. Le conseiller souhaite néanmoins passer en revue le questionnaire du profil qu’il avait complété mais il ne veut pas et estime que c’est une perte de temps.

 

Le 13/02/2015 : Il s’entretient par téléphone avec son chargé de relation et il place trois ordres d’achat en ligne pour les actions ‘W’ (non contesté), ‘Y’ (11.000 actions au cours de 9,007 euros soit 99.691,26 euros) et ‘Z’ (15.000 actions au cours de 7,55 USD soit 100.262,25 euros).

 

Le 03/03/2015 : Il place un ordre d’achat en ligne sur les actions ‘X’, 3.000 actions au cours de 34,5 euros soit 103.986,45 euros.

 

Le 05/10/2015 : Il écrit à la banque afin de faire part de sa contestation concernant l’achat des titres ‘Z’, ‘Y’ et surtout ‘X’.

 

Le 19/10/2015 : Vente des actions ‘Y’ en ligne, 11.000 actions au cours de 5,2623 euros soit pour un total de 57,526,41 euros. Perte actée de 42.164,87 euros.

 

Le 15/12/2015 : La banque communique au requérant sa position et il vend ses 15.000 actions ‘Z’ au prix de 3,4479 USD soit 46.504,45 euros. Perte actée de 53.757,80 euros.

 

Le 12/02/2016 : Il achète 15.000 actions ‘X’ supplémentaires au cours de 4,62 euros, prix total de 69.729,66 euros.

 

Avis de la banque :

 

Les déclarations du requérant ne concordent pas avec les appels enregistrés que la banque a pu écouter :

 

·         Il confirme avoir un profil Dynamique et refuse de revoir son profil.

·         Il ne veut que des actions, pas d’obligations ni de fonds.

·         Il n’a pas besoin de liquidité ou de bas de laine.

·         Il a choisi lui-même ‘Z’, ‘X’ et ‘Y’.

 

La banque l’informe qu’elle ne disposait bien évidemment pas d’information privilégiée quant à la situation de ‘X’ comme elle l’explique dans sa lettre du 15 décembre 2015.

 

Concernant le mail adressé à son conseiller le 13/02/2015, le requérant y confirme avoir placé 3 ordres sur ‘Z’, ‘Y’ et ‘W’. L’ordre d’achat ‘X’ a été placé quant à lui le 03/03/2015. Ce sont des ordres qu’il a choisi de passer seul en PC Banking. Il a choisi les montants et les actions.

 

Le requérant se plaint du conseil d’achat pour l’action ‘X’ mais la banque constate qu’il en avait acheté 5 fois plus en février 2016. Pour l’instant il possède toujours ses actions et il n’y a donc pas de perte actée.

 

Le requérant a été victime, comme beaucoup, de la situation défavorable des marchés survenue dès le 2e trimestre 2015 et vu les gros montants qu’il a choisi d’investir, les pertes sont bien entendu plus importantes. L’évolution des marchés est un élément sur lequel la banque n’a aucune prise et elle ne peut en être tenue responsable.

 

La banque estime que sans erreur de sa part, elle n’a pas à intervenir dans le préjudice du requérant.

 

2.       AVIS DES EXPERTS[1]

 

Lors de l’analyse du dossier, les experts ont conclu que :

 

« Les experts relèvent les points suivants :

 

1.       Le plaignant dispose d’une expérience et de connaissances en instruments financiers. Il disposait d’un portefeuille dont il a vendu une partie des actions suite à la chute des marchés à la mi-décembre 2014, ce qu’il a déclaré avoir regretté par la suite. Il dispose de warrants et de stocks options dans une société de biotechnologie. Il admet être un lecteur régulier d’un journal financier et être abonné à un périodique de conseil en investissements.

 

2.       La Banque produit un questionnaire, non signé par le plaignant, dont elle déduit que le plaignant a un profil dynamique. Cette classification est contestée par le plaignant qui affirme qu’elle aurait été décidée d’office par la Banque parce qu’il se refusait à acquérir les fonds qu’elle lui proposait. Il affirme avoir un profil conservateur.

 

Le Collège ne peut que constater qu’en l’espèce, le profil - et singulièrement les objectifs de placement -  ne sont pas établis par un document que l’article 27, § 4, de la loi du 2 août 2008 exige comme préalable indispensable à la construction d’une relation de qualité en matière de conseil en investissement.  Conformément à cette disposition, en l’absence d’une identification du profil convenue avec le client, la Banque aurait dû s’abstenir de fournir un conseil.

 

Il semble cependant que, malgré ses dénégations, le plaignant se soit effectivement comporté en investisseur audacieux, répartissant tout son investissement sur trois valeurs, négligeant ainsi une diversification recommandée par tous les professionnels et très fréquemment rappelée dans les journaux financiers. Pour une valeur au moins, il a réinvesti depuis la baisse du cours apparemment pour réduire le coût moyen d’achat.

 

3.       Par ailleurs, selon la Banque dont l’affirmation ne semble pas contestable, les actions qu’elle a proposées à l’époque étaient recommandées par plusieurs analystes d’autres institutions. Le plaignant affirme avoir d’ailleurs vérifié que les valeurs recommandées par la Banque, l’étaient également par le périodique d’investissement auquel il était abonné. Le choix des valeurs ne paraît donc pas en cause, l’évolution ultérieure des marchés étant par définition inconnue.

 

4.       L’accusation faite à la Banque d’avoir incité le plaignant à acquérir une valeur au motif que le groupe auquel elle appartient, y détenait une participation importante, n’est pas crédible. Ce n’était qu’une valeur parmi la dizaine de valeurs recommandées (finalement retenue par le plaignant après qu’un premier ordre limité sur une autre valeur n’a pas pu être exécuté); elle faisait, comme les autres, l’objet de recommandations positives d’analystes externes (selon le plaignant : la presse encense le titre) et le fait qu’une autre société du groupe de la Banque y ait pris une participation montre qu’à tout le moins, cette autre société avait foi dans le développement.

 

5.       On ne retiendra pas davantage l’accusation du plaignant de ne pas lui avoir communiqué les informations privilégiées détenues du fait de cette participation. Ce serait à l’évidence reprocher à la Banque de ne pas avoir commis un délit d’initié alors qu’elle précise par ailleurs que l’organisation de son groupe est conçue pour rendre impossible (ou en tous cas, interdire) cet échange d’informations.

 

6.       Le plaignant dénonce également un conflit d’intérêt (qui aurait dû lui être signalé conformément aux règles MiFID) dans le chef de la Banque du fait de la participation détenue par sa société sœur. En réalité, il n’est pas démontré qu’à aucun moment, la Banque a fait valoir la participation du groupe pour amener le plaignant à investir ou à désinvestir. Au contraire, c’est le plaignant lui-même qui a suivi avec attention, dans les communiqués financiers et les journaux spécialisés, l’évolution de la prise de participation en cherchant à y déceler des éléments de confiance ou de défiance. Il était donc parfaitement informé de cette situation qu’il a suivie attentivement. Si conflit d’intérêt il pourrait y avoir, il a été sans incidence sur le conseil donné par la Banque.  

 

7.       Enfin, le plaignant fait grief à la Banque de ne pas l’avoir informé de l’évolution négative des cours des valeurs qu’il avait choisies. Le plaignant a eu recours à un service à distance de conseil en investissement mis gratuitement par la Banque à disposition des clients disposant d’un patrimoine mobilier d’au moins 85.000 euros.



Le document publicitaire auquel se réfère le plaignant précise : l’un de vos investissements arrive à échéance, les taux évoluent, une opportunité se présente, il y a une offre temporaire à saisir, un élément important dont je dois vous avertir… ? Je prends alors immédiatement contact avec vous afin que vous puissiez décider en connaissance de cause.



Le plaignant estime que la chute importante des cours était un élément important dont il était en droit d’attendre d’être informé immédiatement. Les experts constatent à cet égard que la communication publicitaire peut nourrir une certaine ambiguïté dans le chef du client en le laissant croire qu’il bénéficiera (gratuitement) de services comparables à ceux que pourrait offrir un gestionnaire de portefeuille. 

 

En conclusion, les experts estiment que le plaignant est responsable de l’essentiel de son dommage pour avoir adopté une stratégie de placement audacieuse. Ils considèrent cependant que la Banque a eu une attitude critiquable en fournissant un conseil en l’absence de profil précis, en n’alertant pas son client du manque de diversification (même si les ordres ont été placés informatiquement par le plaignant sans intervention de son conseiller en investissement), et en créant une apparence de suivi du portefeuille qui ne s’est pas concrétisée dans les faits. Le Collège estime qu’il y a lieu d’inviter la Banque à formuler une proposition de prise en charge partielle de la perte enregistrée ».

 

3.       CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN

 

Dans le cadre de ce dossier, l’Ombudsman informe le requérant qu’il suit l’avis des experts et qu’il invite dès lors la banque à formuler une proposition de prise en charge partielle de la perte enregistrée.

 

Concernant l’aspect de sa plainte lié à un éventuel conflit d’intérêt ainsi qu’à un possible délit d’initié, l’Ombudsman invite le requérant à en faire part à la FSMA, l’autorité des services et marchés financiers dont le siège se situe rue du Congrès 12-14 à 1000 Bruxelles.

 

 


[1] Le collège s’est réuni le 12.07.2016 en présence de Monsieur A. Van Oevelen (Président), Madame M.F. Carlier (Vice-Présidente), Madame N. Spruyt, Messieurs F. de Patoul, L. Jansen et E. Struye de Swielande (Membres) et l’avis a été définitivement approuvé par les experts, le 20.07.2016.