Vorige

Investissements, fonds de pension et titres – conseil en placement – actions.

2017.3573

THEME
Investissements, fonds de pension et titres – conseil en placement – actions.
AVIS

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;
Madame N. Spruyt; Messieurs R. Steennot, A. Guigui, J. Vannerom, membres;

Date : 16 avril 2018

1. DESCRIPTION DE LA PLAINTE
Le requérant est client chez la banque X et procède généralement lui-même à ses investissements. Son profil d’investisseur est un profil dynamique et il est en contact régulier avec la banque pour obtenir des informations techniques complémentaires qui le guident dans ses investissements. C’est un investisseur averti qui suit le marché activement.
Le 19 mars 2011, il a donné sa première instruction d’achat d’obligations grecques, pour une valeur de 500.000€ et qui correspondait à 50% de son portefeuille d‘investissement.
Le 24 mars 2011, il a donné sa deuxième instruction d’achat d’obligations grecques, pour une valeur de 100.000€.
Le 13 décembre 2011, il a donné sa troisième instruction d’achat d’obligations grecques, pour une valeur de 500.000€.
Le 26 janvier 2012, il a donné sa quatrième instruction d’achat d’obligations grecques, pour une valeur de 500.000€.
En janvier 2012, son portefeuille était, selon les déclarations de son conseil, intégralement investi en obligations grecques, et pour une somme nette de 1.028.656,01€. Il les a revendues en mai et juin 2012 pour une somme de 302.914,49€. Il estime avoir subi une perte de 725.741,52€ du fait d’avoir été mal conseillé par son interlocuteur de la banque.
Néanmoins, il ne conteste pas avoir donné ces instructions d’achat ni le contenu de l’entretien téléphonique retranscrit.
Compte tenu des évènements liés à la situation de la Grèce et de la restructuration de sa dette, plusieurs éléments ont été reprochés à la banque concernant la fourniture de services liés aux obligations grecques. A la suite d‘une instruction menée par l’auditeur de la FSMA pour la période du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2014, dans le cadre précité, divers éléments ont été mis en évidence sur le caractère inadéquat des services fournis par la banque à ses clients non professionnels concernant les obligations d’Etat grecques et ont abouti au règlement transactionnel conclu entre le FSMA et la banque en mars 2017 dont les critères d’intervention sont précisés comme suit :
(…)
Considérant le fait que la banque a collaboré à l’instruction;
Considérant que cette collaboration permet de recourir au règlement transactionnel dans les conditions
prévues à l’article 71, § 3, de la loi du 2 août 2002;
Considérant la banque s’engage à l’égard :
(i)de tous les investisseurs qui, dans le cadre d’un service de conseil en investissement ou de gestion de portefeuille discrétionnaire fourni par la banque, ont acheté des obligations d’Etat grecques :
-au cours de la période du 30 mars 2011 au 23 novembre 2011 pour ce qui concerne les
Profils conservateur, défensif ou neutre (56 transactions pour un total de 4.815.132 EUR);
-au cours de la période du 21 juillet 2011 au 23 novembre 2011 pour ce qui concerne les
Profils dynamique ou agressif (11 transactions pour un total de 1.198.487 EUR)
(ii) de tous les investisseurs qui, après le 24 novembre 2011, ont acheté des obligations d’Etat
grecques soit sous le code rouge, soit sous le code orange avec un poids disproportionnellement
élevé dans le portefeuille, à l’exception des transactions en execution only et des regroupements de positions existantes ; à rembourser ces investisseurs intégralement et sans aucun frais, pour la perte qu’ils ont subie à la suite, soit de la vente de ces obligations d’Etat grecques, soit de la réduction de valeur appliquée lors de l’offre publique d’échange;
La banque contactera de sa propre initiative les personnes concernées dans les meilleurs délais. (…)

Le requérant estime qu’il doit être dédommagé en application de ce règlement transactionnel mais la banque refuse d’intervenir.
2. POSITION DE LA BANQUE
Dans le cadre de la présente médiation, la banque a été interrogée et persiste dans son refus. Elle justifie son refus comme suit :
La banque relève qu’initialement le requérant contestait l’investissement effectué en janvier 2012 puis, compte tenu du rapport de l’entretien téléphonique, il s’est ravisé.
La banque confirme que cette problématique a fait l’objet d’une analyse approfondie et que compte tenu des critères convenus dans le règlement transactionnel, une liste des clients en droit d’obtenir une indemnisation a été dûment établie. Or le requérant n’y figure pas. En effet, ce dernier avait un profil dynamique, investissait en « execution only » et n’a pas fait de transactions dans la période qui entre ligne de compte pour ces investisseurs entre le 21 juillet et le 23 novembre 2011.
Il a exécuté trois transactions en 2010, deux transactions en mars 2011 mais qui n’entrent pas dans les critères d’intervention car il avait un profil dynamique et deux transactions en décembre 2011 et une en 2012, en « execution only ». En conclusion, aucune transaction ne répond aux conditions de ce règlement transactionnel et il n’y a pas lieu à intervenir.
3. AVIS DES EXPERTS
Le Collège d’experts estime que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que le demandeur fait effectivement partie des investisseurs que la banque s’est engagée à indemniser dans le cadre du règlement transactionnel formulé par l’auditeur de la FSMA et ayant reçu l’accord de la banque.
Aux termes du règlement transactionnel, il semble en effet que la banque ne se soit engagée à indemniser que les clients ayant investi dans le cadre des services de conseil en investissement et/ou de gestion de portefeuille discrétionnaire à l’exclusion de ceux ayant investi dans le cadre du service de simple exécution (« execution only »).
A cet égard, le Collège estime qu’au vu des éléments du dossier, il n’est pas possible de déterminer si les transactions du demandeur sont intervenues dans le cadre d’un service de conseil en investissement ou de simple exécution.
Toutefois, même à considérer que ces transactions soient intervenues dans le cadre d’un service de conseil, le demandeur n’apporte aucun élément permettant d’affirmer qu’il disposait d’un profil conservateur, défensif ou neutre. Or, pour les périodes auxquelles le demandeur a effectué ses investissements, l’engagement de la banque ne concerne que les clients disposant d’un de ces trois profils.
Le fait que les transactions du demandeur ne soient pas couvertes par les engagements de la banque ne signifie toutefois pas que sa responsabilité ne puisse être engagée en l’espèce.
A cet égard, le Collège estime que certains éléments du dossier laissent transparaître dans le chef de la banque de graves manquements à son obligation d’agir d’une manière honnête, équitable et professionnelle, qui serve au mieux les intérêts du client.
Le Collège estime en effet que les deux dernières opérations d’achat effectuées par le demandeur allaient manifestement à l’encontre de ses propres intérêts. Il convient en effet de rappeler qu’au moment de ces transactions sur les obligations d’Etat grecques :
• La dette grecque était gratifiée des notes suivantes, relevant toutes les trois de la catégorie « ultra spéculative avec faillite imminente et espoir limité de récupération du capital investi » : S&P CC ; Moody’s Ca ; Fitch CCC et que
• Le reste du portefeuille du client était déjà très largement investi dans ce même instrument financier.
Le Collège considère qu’en voyant son client concentrer progressivement l’intégralité de son portefeuille dans un seul et même instrument financier « ultra spéculatif », tout professionnel normalement prudent et diligent aurait à tout le moins pris la peine d’attirer l’attention de son client sur les risques encourus.
Il ressort cependant de la transcription de l’entretien téléphonique au cours duquel la dernière transaction d’achat a été confirmée, qu’aucun avertissement de la sorte n’a été délivré au demandeur.
Le Collège constate qu’au contraire, le préposé de la banque contribue à conforter le client dans sa démarche en spéculant avec lui sur l’issue du processus de restructuration de la dette grecque. Force est d’admettre qu’en agissant de la sorte, la banque a gravement manqué à son obligation d’agir au mieux des intérêts de son client.
Compte tenu de ce qui précède, le Collège estime qu’il appartient à la banque d’indemniser le demandeur à concurrence du dommage subi par ce dernier suite aux investissements réalisés en date du 13 décembre 2011 et du 26 janvier 2012.
Pour rappel, la transaction d’achat du 13 décembre 2011 portait sur un montant nominal de 500.000€ d’obligations grecques au prix de 46,05%, ce qui représentait un investissement de 246.110,66 € intérêts courus compris.
La transaction d’achat de janvier 2012 portait également sur un montant nominal de 500.000€ d’obligations grecques au prix de 41,12%, ce qui représentait un investissement de 223.927,87€ intérêts courus compris.
Dans le courant des mois de mai et juin 2012, l’entièreté de la position du client fût soldée pour un montant global de 302.914,49€ intérêts courus compris. Sachant que cette position correspondait initialement à un montant nominal d’1.600.000€ d’obligations grecques, il peut en être déduit un prix de vente théorique correspondant à 18,93% de la valeur nominale initiale (302.914,49€ / 1.600.000€ x 100).
Partant de ce prix de vente, il y a lieu de considérer que l’investissement réalisé en décembre 2011 a été soldé au prix de 94.650€ (500.000€ x 18,93%) ce qui représente une perte de 151.460€ (246.110,66€ - 94.650€).
En ce qui concerne l’investissement de janvier 2012, la perte s’élève à 129.277,87€ (223.927,87€ -94.650€).
Le dommage subi par le client ensuite des opérations d’achat de décembre 2011 et janvier 2012 s’élève donc à 280.737,87€ (151.460 € + 129.277,87€).
Le Collège estime que la banque doit rembourser cette somme au demandeur.
En ce qui concerne les deux premières opérations d’achat réalisées par le client en mars 2011 sur les titres de la dette grecque, le Collège estime qu’elles sont intervenues dans un contexte différent de celui exposé ci-dessus. Le Collège estime que les circonstances ayant permis de conclure à l’existence d’une faute dans le chef de la banque dans le cadre des deux dernières transactions ne sont pas réunies au moment des deux premières transactions. Le Collège en conclut qu’aucun dédommagement ne doit intervenir à raison du dommage subi par le demandeur en suite des deux opérations d’achat de mars 2011.
4. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN
Il ressort de ce dossier que l’Ombudsman ne dispose effectivement pas d’éléments suffisants pour établir si le requérant a agi dans le cadre d’un conseil en investissement ou en «execution only» et dès lors, vérifier l’applicabilité des critères déterminés dans le règlement transactionnel conclu à l’intervention de la FSMA.
En revanche, l’Ombudsman se rallie à l’analyse en droit commun suivie par le collège d’experts et estime que, pour les deux dernières instructions du 13 décembre 2011 et du 26 janvier 2012, la banque a manqué à son devoir de diligence en ne notifiant pas d’avertissement négatif d’investissement alors que l’intégralité du portefeuille allait être investi dans un seul et unique produit financé reconnu comme étant extrêmement risqué à cette date.
En conclusion pour les deux premières instructions, l’Ombudsman considère qu’il n’y a pas d’éléments permettant d’inviter la banque à intervenir mais en revanche pour les deux dernières instructions, il s’apparaît qu’au regard des règles de droit commun, une intervention serait raisonnable et équitable. Le dommage subi par le client à la suite des opérations d’achat de décembre 2011 et janvier 2012 a été évalué par les experts du Collège à 280.737,87 euros (151.460€ + 129.277,87€) suivant la formule : prix d’achat – prix de vente (18,93% x 500.000€) = perte
Dans le cadre de la présente médiation, l’Ombudsman invite donc la banque à intervenir dans le cadre de ce dossier à concurrence de 280.737,87€ en faveur du requérant.