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Investissements, fonds de pension et titres – Publicité et information à la souscription – Actions.

2017.2593

THEME

Investissements, fonds de pension et titres – Publicité et information à la souscription – Actions.

AVIS

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;
Madame N. Spruyt; Messieurs R. Steennot, A. Guigui, membres;

Date : 23 janvier 2018

1. DESCRIPTION DE LA PLAINTE

Les faits et l’argumentation des parties

Début août 2017, le requérant envisageait d’acheter plusieurs actions S., y voyant une certaine opportunité financière. Afin de mesurer le risque, il a consulté au moyen de son téléphone mobile, les analyses que la banque met à disposition de ses clients, sous l’onglet “analystes” de l’application de cette banque. Cet écran qui ne comporte pas de ‘disclaimer’ mentionne que la valorisation est intéressante, que les analystes sont positifs et le risqué modéré. Sur cet écran on retrouve une date et une heure. Sur l’écran “Détails” il n’est fait mention d’aucune date. Sous le point “Analystes” on peut lire que “(…) l’opinion des analystes sur les perspectives des actions S. a été plutôt optimiste ces trois derniers mois (…)”.

Sur base de ces informations le requérant achète le 4 août 2017 pour 4637,37 et 4906,09 euros d’actions. Le même jour il renforce sa position en achetant 1925,57 euros d’actions. Le 8 août 2017 il achète des actions pour un montant de 1.925,57 euro et le 15 août 2017 il achète encore des actions pour un montant de 2732,24 euros. Il s’agit d’un montant de 14.201,27 euros au total.

Quelques jours s’écoulent et le cours de cette action varie fortement avec une forte tendance à la baisse. Le requérant se renseigne et constate que S. avait déjà annoncé, le 10 mai 2017, son intention de se faire déclarer faillite. Le 11 mai 2017 cette entreprise était déclarée en faillite.

Argumentation du requérant

Le requérant est d’avis qu’à défaut de mention d’une date d’analyse sur l’écran ‘Détails’ de l’application mise à sa disposition par la banque, il pouvait de bonne foi supposer que l’information se rapportait aux trois derniers mois à dater du jour de la consultation, alors qu’il en était autrement. Il estime que l’information fournie par la banque n’est dès lors pas actuelle et ne répondait donc pas aux obligations de la banque. Le requérant soutient que s’il avait eu conscience des risques extrêmement élevés que comportait ce placement, il n’aurait jamais investi dans cette valeur. Ce n’est donc pas le contenu de l’information mise à la disposition du requérant qui est erroné, mais la notion temporelle qui est lacunaire et laisse supposer de bonne foi que les données étaient à jour.

En outre, le requérant invoque l’article 19 de la directive 2004/39/CE concernant les marchés d’instruments financiers, qui prévoit que “Toutes les informations, y compris publicitaires, adressées par l’entreprise d’investissement à des clients ou à des clients potentiels, sont correctes, claires et non trompeuses.”

En troisième lieu le requérant invoque l’article VI.55, § 1er, 2°, e) du Code de droit économique, qui dispose : “En temps utile, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat ou par une offre, il doit être informé sans équivoque, de manière claire et compréhensible, et par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée, au moins sur les éléments suivants :

2° le service financier

e) toute limitation de la durée de validité des informations fournies;
…”
Sur la base de ces arguments le requérant réclame le remboursement de la totalité de son investissement, soit 14.201,27 euros.

Argumentation de la banque

Tout d’abord la banque fait valoir que ses conditions générales s’appliquent à l’application mise à disposition du requérant, puisque dans les conditions d’utilisation de l’application Android se trouve à l’article 1er la mention suivante : “Sauf dans la mesure où les Conditions d’utilisation y dérogent expressément, les Conditions Générales de la Banque, disponibles sur le site sous l’onglet “document center” demeurent d’application en ce qui concerne l’utilisation de l’application Android et les Opérations effectuées par le Client au moyen de cette application.”

Ensuite la banque invoque que les articles 70 et 72 de ses conditions générales emportent leur plein effet.

L’article 70 de ces conditions générales dispose : “Les cours et autres informations sur des sociétés ou instruments financiers disponibles sur le Site Internet ne constituent en aucun cas un conseil de vente ou d’achat ou n’importe quel conseil que ce soit.”

L’article 72 de ces conditions générales dispose : “La Banque veille à recourir aux fournisseurs d’informations les plus fiables et réputés. L’ensemble de ces informations sont toutefois fournies à la Banque par des tiers, et notamment pour certains cours, par les marchés ou MFT concernés eux-mêmes. Le client accepte donc expressément que la Banque ne peut garantir d’exactitude de ces informations et qu’elle décline toute responsabilité pour des dommages résultant soit du caractère erroné de ces informations (notamment de l’exécution d’Opérations sur base de cours erronés ou de l’inexécution d’Opérations suite à des cours erronés), soit du défaut de transmission de ces informations (et donc notamment de la perte de chances ou d’opportunité.”
La dernière phrase des “Conditions d’utilisation” de l’application mise à disposition du requérant dispose : “Les Clients de la banque assument seuls la responsabilité et tous les risques liés aux ordres que seront transmis à la banque, étant entendu que la banque ne pourra être tenu pour responsable de l’opportunité des décisions d’investissement de ses clients et des conséquences financières de leurs ordres.”

2. AVIS DES EXPERTS (1)

D’une part les experts sont d’avis que les articles 70 et 72 des conditions générales de la banque et surtout la deuxième phrase de cet article 72 sont contraires à l’article VI.83, 13° et 30° du Code de droit économique qui disposent :
“Dans les contrats conclus entre une entreprise et un consommateur, sont en tous cas abusives, les clauses et conditions ou les combinaisons de clauses et conditions qui ont pour objet de

“13° libérer l’entreprise de sa responsabilité du fait de son dol, de sa faute lourde ou de celle de ses préposés ou mandataires, ou, sauf en cas de force majeure, du fait de toute inexécution d’une obligation consistant en une des prestations principales du contrat;

“30° exclure ou limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis de l’entreprise ou d’une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse par l’entreprise d’une quelconque de ses obligations contractuelles;”.

En effet, l’objet de l’obligation d’information de la banque est vidée de sa substance lorsqu’elle décline toute responsabilité pour le dommage du requérant résultant du fait que l’information fournie par la banque n’est plus à jour.

De ce qui précède il s’ensuit que les articles 70 et 72 des conditions générales de la banque sont nuls (article VI.84, § 1, premier alinéa, du Code de droit économique).

En outre, les experts estiment qu’en omettant de dater les informations fournies à son client, la banque a manqué à son devoir de fournir des informations correctes, claires et non trompeuses (l’article 27bis de la loi du 2 août 2002). En l’espèce, ce manquement était clairement de nature à induire en erreur le destinataire de l’information en question. En l’absence de référence temporelle, rien ne lui permettait de se rendre compte du fait que l’information qui lui était fournie n’était plus d’actualité.

D’autre part les experts sont d’avis que, puisqu’il s’agit ici d’un investissement ‘execution only’, le requérant a agi à ses propres risques et périls. En outre, il était également clairement indiqué que le cours de cette action variait fortement avec une forte tendance à la baisse. Par conséquence les experts sont d’avis que le requérant doit supporter un tiers du dommage.

En conclusion les experts demandent à la banque (1) de procéder sans délai à la vente des actions litigieuses ; (2) de quantifier la perte réellement subie par le client ; (3) d’indemniser le requérant à concurrence de 2/3 de la perte en question.

3. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN

Suite à l’introduction de la présente plainte et après analyse du Collège, L’Ombudsman se rallie à son avis.
L’Ombudsman invite dès lors la banque à communiquer sa décision endéans les 30 jours à Ombudsfin.

(1) Le collège s’est réuni le 23.01.2018 en présence de Monsieur A. Van Oevelen (Président), Madame N. Spruyt, Monsieur R. Steennot, Monsieur A. Guigui (membres) et l’avis a été définitivement approuvé par les experts, le 05.02.2018.