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Investissements, fonds de pension et titres - Gestion de fortune - Autres (option, STRIP,…)

2021.4520

THEME
Investissements, fonds de pension et titres - Gestion de fortune - Autres (option, STRIP,…)
AVIS

Présents
Madame Françoise Sweerts, Président
Madame N. Spruyt; Messieurs R. Steennot, A. Guigui, P D’Haen, J. Vannerom, membres;

Date : 21 décembre 2021

1. LA PLAINTE
Le Conseil du Requérant a introduit une plainte à l’égard de la Banque pour les raisons suivantes :
Le Requérant a conclu en 2018 une convention de gestion discrétionnaire avec la Banque. Ce contrat prévoyait des stratégies de ventes de call spreads et de put spreads, dans le cadre d’une stratégie générale dite « Iron Condor ».

Il estime que la Banque a fautivement manqué à plusieurs de ses obligations et ne s’est pas comportée comme un gestionnaire normalement prudent et diligent.

En effet, le Conseil du Requérant affirme que la Banque n’a pas respecté la stratégie d’investissement initialement prévue qui devait engendrer des revenus réguliers, être décorrélée des marchés et dotée d’un contrôle des risques rigoureux.

Tel ne fut pas le cas, le portefeuille du Requérant affichant une perte de 161.000 euros après 15 mois de gestion.

La stratégie adoptée était beaucoup plus risquée que celle convenue contractuellement et, après avoir fait appel à un expert, il a été conclu que la stratégie appliquée par la Banque ne respecte pas la définition d’un Iron condor.

Par ailleurs, le Conseil du Requérant soulève le fait que le gestionnaire n’a pas tenu compte des conditions de marché et qu’il n’a pas fait usage d’instrument de couvertures. Ce dernier a également fait preuve de passivité et la stratégie d’investissement est, à certains moments, incohérente (aucune transaction le jour du settlement ou même durant un mois entier).

Enfin, il semble qu’aucun contrôle du gestionnaire n’ait été exercé par la Banque malgré les pertes considérables subies par le Requérant et ce, bien que ce dernier ait fait part de ses doutes quant à la stratégie adoptée.

L’expert mandaté estime que les pertes résultant des manquements de la Banque peuvent être évaluées entre 128.000 euros et 276.000 euros.

Le Conseil du Requérant a tenté d’obtenir une indemnisation auprès de la Banque mais en vain.
2 POSITION DE LA BANQUE
Le postulat de base de sa plainte est que la Banque n’aurait pas respecté la stratégie prévue, soit une stratégie d’Iron condor. Or, le contrat conclu avec le Requérant ne concerne pas de l’Iron condor. Il est donc logique que la stratégie adoptée ne respecte pas la définition de l’Iron condor. Ceci ressort notamment :

• De la présentation Powerpoint remise en main propre au Requérant. Le début de la présentation mentionne le terme Iron condor afin d’expliquer le concept servant de base théorique à la stratégie optionnelle envisagée mais la suite de la présentation indique explicitement que les maturités de vente et d’achat des calls et des puts diffèrent (respectivement 3 mois et 1 mois comme stratégie de base). Le produit n’est donc pas un Iron condor.
• De l’annexe du contrat de gestion discrétionnaire conclu le 26 novembre 2018 qui mentionne que le contrat concerne une stratégie optionnelle sur indice. Vente call et put spread. Il n’est pas fait mention d’un Iron condor, ni de maturités, fussent-elles identiques, à respecter entre les ventes et les achats. Si la volonté des parties avait été de mettre en place une stratégie Iron condor pure et simple ou une vente de calls et put spreads avec les mêmes maturités, il aurait été logique de reprendre cette terminologie dans les documents contractuels, ce qui n’a pas été le cas.
• De l’absence de réaction du Requérant quant au 153 bordereaux reçus et aux rapports et extraits de compte mentionnant clairement les maturités. Absence de réaction étonnante eu égard à la parfaite maîtrise des produits financiers dont il dispose.
L’intégralité de la plainte et tous les calculs hasardeux présentés par le Requérant reposant sur l’allégation selon laquelle il aurait conclu un contrat portant sur l’Iron condor, la Banque estime qu’elle pourrait conclure ici puisqu’il est démontré que cette allégation est erronée.

La Banque souhaite toutefois revenir sur les conclusions de l’expert afin d’y répondre point par point :

• La stratégie adoptée n’a pas respecté un Iron condor et, durant le mois de février 2020, la définition d’un spread de put.
La Banque rejoint l’expert sur cette analyse et confirme bien volontiers que la stratégie poursuivie n’a pas respecté les principes attendus d’une stratégie Iron condor puisqu’il n’a pas été convenu d’une telle stratégie avec le Requérant. Par ailleurs, la période de février 2020 durant laquelle la définition d’un spread de put n’a pas été respectée a été limitée à deux jours ouvrables et l’expert ne démontre pas que cela a engendré un préjudice concret.

• Le risque du portefeuille s’est fortement accru en 2020 (via l’écartement des spreads ou la vente d’options dans la monnaie), impliquant des pertes potentielles importantes dans un contexte de forte volatilité des marchés.
La Banque estime que cette analyse post factum de la situation en 2020 est peu pertinente puisqu’elle est dénuée de toute conclusion.

• La stratégie de départ ne correspondait plus aux conditions de marché en 2020 et aucune mesure visible n’a été prise pour réduire les positions ou patienter le temps que les marchés ne se calment.
Il s’agit à nouveau d’une analyse à postériori de la part de l’expert. La Banque a continué à appliquer la stratégie convenue contractuellement au cours de l’année 2020. L’anticipation du gestionnaire était que la période de volatilité exceptionnelle que vivaient les marchés financiers ne pouvait pas toucher à sa fin à moyen terme. La Banque convient toutefois que la stratégie convenue est davantage adaptée aux situations de marché évoluant dans un canal restreint par rapport à sa moyenne.

Il est impossible de préjuger de ce qu’il serait advenu du portefeuille du Requérant s’il avait respecté l’horizon d’investissement recommandé de 8 ans plutôt que de mettre fin au service de gestion au moment où la volatilité extrême du marché mettait le mark-to-market de son portefeuille sous une grande pression.

• La stratégie d’investissement est, à certains moments, incohérente : aucune transaction le jour du settlement ou même durant un mois entier.
Durant les 18 mois de la relation avec le Requérant, la stratégie appliquée a toujours été celle convenue contractuellement. Pour rappel, le contrat ne prévoit pas de maturité spécifique quant à l’achat/vente des calls et des puts. La Banque a demandé au Requérant de lui indiquer où se situe l’incohérence et quelles ont été les conséquences pour lui, mais sans réponse.

• Certaines transactions sont contraires à la logique.
La Banque a demandé, sans réponse, à recevoir les indispensables compléments d’informations si l’expert souhaite maintenir cette conclusion.

• Le portefeuille aurait probablement subi des pertes vu la forte variabilité des marchés en 2020 mais l’ampleur aurait pu être atténuée avec des mesures supplémentaires de gestion des risques.
Une analyse post-factum et non argumentée ne permet pas de démontrer que « l’ampleur aurait pu être atténuée ». En outre, cela ne démontre pas une quelconque violation des termes du contrat. Il convient de se replacer au moment des faits, et non 8 mois après la fin de l’année écoulée pour interpréter ce qui aurait dû, ou non, être fait.

• Certains de ces éléments peuvent justifier la décision d’arrêter la gestion du portefeuille en mai 2020.
La Banque ne comprend pas pourquoi ce point est repris parmi les fautes imputés à la Banque. Le Requérant, et non la Banque a décidé de mettre fin au contrat de gestion discrétionnaire par son appel téléphonique du 25 mai 2020, confirmé par son e-mail du même jour.

La Banque a démontré que le contrat conclu avec lui ne porte pas sur de l’Iron Condor et que les montants des prétendus préjudices du Requérant sont très nébuleux (entre 128.000 euros et 276.000 euros pour un poste) et en tout état de cause calculés sur un postulat erroné de stratégie Iron condor (donc pas la stratégie contractuellement convenue et appliquée) et en tenant compte, 8 mois plus tard, d’une évolution de marché par définition inconnue à l’époque. Le tout calculé par un expert mandaté exclusivement par le Requérant.

Depuis le début du dossier, il prétend également que le collaborateur de la Banque ne fait l’objet d’aucun contrôle et qu’il ne prendrait même pas la peine de répondre à vos communications. Ceci est totalement faux et en contradiction avec les pièces du dossier.

Enfin, un nouvel argument repris dans la plainte concerne la prétendue absence de couverture sur le produit durant l’absence du collaborateur en charge du dossier au mois de mai 2020. Une fois de plus, cela va totalement à l’encontre de la réalité. En effet, vous trouverez ci-dessous un résumé des couvertures applicables lors de cette période :



Echéance juin 2020 Echéance juillet 2020 Echéance août 2020

PUT vendeur strike 2900 -20
PUT vendeur strike 2500 -20
PUT vendeur strike 2500 -20
PUT acheteur strike 2300 60

Call vendeur strike 2900 -20
Call vendeur strike 2900 -20
Call vendeur strike 2900 -20
Call acheteur strike 3100 60

La Banque estime donc n’avoir commis aucune faute dans l’exécution du mandat du Requérant. La Banque comprend qu’il soit déçu des performances du produit mais l’argumentaire développé ne tient pas face à la réalité des faits et des pièces de ce dossier.

3 POSITION DU COLLEGE
I. Faits
En date du 26 novembre 2018, le Requérant a conclu avec la Banque une convention de gestion discrétionnaire.

Dans le cadre de cette convention, une somme de 500.000 € fut confiée en gestion à la Banque par le Requérant dans le courant du mois de décembre 2018.

Le 25 mai 2020, le Requérant décida de mettre un terme à cette convention en raison des importantes pertes financières encourues à raison des opérations financières réalisées par la Banque, en son nom et pour son compte, dans le cadre de ladite convention. A la clôture des opérations, la somme de 500.000 € initialement investie ne s’élevait plus qu’à 338.873,15 €. Il en résulte que la perte en capital du Requérant se sera élevée à +/- 161.126,85 € au terme de 15 mois de gestion discrétionnaire, ce qui représente une performance cumulée négative de 33%.

A cet égard, le Requérant estime que la Banque a manqué à plusieurs de ses obligations et ne s’est pas comportée comme un gestionnaire normalement prudent et diligent ce qui lui a causé un dommage estimé à 286.126,85 €.

La Banque considère par opposition n’avoir commis aucune faute dans l’exécution de son mandat et refuse par conséquent toute indemnisation au profit du Requérant.

II. Manquements constatés au devoir de diligence

Après examen des pièces du dossier et des arguments respectifs des parties, le Collège estime que la Banque a manqué au devoir de diligence qui s’imposait à elle dans l’exercice de son mandat de gestion discrétionnaire en vertu notamment des dispositions de l’article 27, §1er de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux service financiers.

Les manquements de la Banque concernent plus particulièrement son obligation d’information, son obligation de connaître son client ainsi que son obligation d’établir une méthode appropriée d'évaluation et de comparaison.

- Obligation d’information
Il appartient aux entreprises règlementées, telle que la Banque, de fournir à ses clients et clients potentiels, en temps utile et sur un support durable, des informations appropriées concernant notamment les stratégies d’investissement proposées. Ces informations doivent être fournies sous une forme compréhensible de manière à ce que le client puisse raisonnablement comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instruments financiers proposé ainsi que les risques y afférents et puisse par conséquent prendre des décisions en matière d’investissement en connaissance de cause. En ce qui concerne, la gestion discrétionnaire des obligations d’informations complémentaires sont mises à charge des entreprises règlementées qui doivent fournir des informations appropriées en ce qui concerne notamment les points suivants :

• Une indication des valeurs de référence auxquelles seront comparées les performances du portefeuille du client ;
• Les types d'instruments financiers susceptibles d'être inclus dans le portefeuille du client ainsi que les types de transactions susceptibles d'être effectuées sur ces instruments, y compris les limites éventuelles;
• Les objectifs de gestion, le niveau de risque par le gestionnaire lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire et toute contrainte particulière y afférente.
Compte tenu des dispositions légales et règlementaires en vigueur, il appartient en l’espèce à la Banque de démontrer qu’elle s’est conformée à son obligation d’information. A cet égard, la Banque renvoie d’une part à la documentation contractuelle standard signée par le Requérant. Il apparait toutefois clairement que cette documentation contient des mentions contradictoires en ce qui concerne la stratégie d’investissement choisie par le client. D’un côté, on peut y lire que le client opte pour une stratégie d’investissement « dynamique » dont la définition renvoie à une stratégie d’investissement classique de croissance par le biais d’une forte exposition au marché des actions que ce soit par le biais de lignes individuelles ou par le biais d’OPC en actions. Le choix opéré par le client parmi les diverses stratégies d’investissement prévues par le document contractuel est ensuite totalement contredit par le biais d’une mention manuscrite censée refléter les souhaits particuliers du client et exprimés dans les termes suivants « stratégie optionnelle sur indice vente call et put spread ». Outre cette mention manuscrite, la documentation contractuelle ne comporte aucune autre information qui permettrait au client de comprendre les objectifs de gestion, le niveau de risque pouvant être pris par le gestionnaire lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire et les contraintes particulières y afférentes.

Outre la documentation contractuelle, la Banque prétend avoir fourni des informations complémentaires au client par le biais d’une présentation « power point » intitulée « stratégie optionnelle visant à dégager un revenu régulier ». Force est toutefois de constater que ce document comporte de nombreuses lacunes et ambiguïtés. En ce qui concerne le niveau de risque associé à la stratégie d’investissement optionnelle, le document suggère (exemple chiffré à l’appui) qu’il s’agit d’une stratégie comportant un « risque limité et connu d’avance ». Le document semble par la suite indiquer que dans la stratégie envisagée, les ventes de calls et de puts seraient en réalité couvertes par des achats de put et call de plus courte durée. S’il est indiqué que cette manière de procéder permet de réduire les coûts de la protection, il n’est fait aucune mention des risques que cela comporte pour l’investisseur. Le document ne précise pas non plus que cette manière de procéder remet totalement en cause le caractère limité et connu d’avance des risques financiers associés à la stratégie d’investissement envisagée. Le document ne comporte par ailleurs aucune information concernant certains autres paramètres essentiels de la stratégie envisagée tels que par exemple l’ampleur du «canal » à l’intérieur duquel l’indice sous-jacent sera censé évoluer ainsi que la possibilité de ne couvrir qu’une partie des ventes de calls et de put. Ce document, ni aucun autre document d’ailleurs, ne fait mention d’un quelconque indice de référence auquel le client pourrait se référer en vue de comparer les performances de son portefeuille.

Sur bases des éléments ci-dessus, le Collège estime que la Banque a manqué à l’obligation d’information vis-à-vis de son client.

- Obligation de connaître son client
Le devoir de diligence qui s’impose aux entreprises règlementées implique en outre l’obligation pour celles-ci de connaître leurs clients et de s’abstenir de leur proposer des services d’investissement qui ne répondent pas à leur profil de risque. Cela implique notamment l’obligation pour les entreprises règlementées :

- De récolter des informations concernant les connaissances et l’expérience du client en rapport avec le type spécifique de service qui lui est proposé ;
- D’évaluer, sur la base des informations collectées, s’il peut être légitimement considéré que le client dispose de suffisamment de connaissances et d’expérience pour comprendre les risques et le rendement potentiels dont s’assortit le service proposé ;
Concernant l’évaluation dont il est question ci-dessus, il est requis que les connaissances du client soient constatées dans les faits ce qui exclut de recourir à une autoévaluation dans laquelle il est demandé aux clients de répondre par oui ou non à la question de savoir s'ils connaissent un certain produit ou ont de l'expérience avec un certain produit.

En l’espèce, le Collège estime que compte tenu de la stratégie d’investissement proposée au Requérant, la Banque aurait dû, à tout le moins, vérifier les connaissances et l’expérience de ce dernier sur les opérations d’achat et de vente d’options (call/put).

A cet égard, il ressort des pièces du dossier que les seules informations récoltées par la Banque en ce qui concerne les connaissances et l’expérience du client sur de telles opérations se trouvent consignées dans un formulaire dont la partie 2 porte sur les connaissances et expérience en matière de marchés financiers, d’instruments financiers et de services d’investissement. Ce questionnaire comporte la question suivante :

« Produits dérivés : options, futurs, warrants, swap,
Etes-vous familier avec ces produits et/ou leur caractéristiques et leurs risques ? Savez-vous notamment :
- Que, selon ces caractéristiques, plusieurs types de risques (contrepartie, change, volatilité, taux, …) pouvant se cumuler et être particulièrement élevé ?
- Que certains de ces produits présentent un risque de perte en capital partielle ou total avant ou à l’échéance
- Que le risque de perte en capital, de ces produits est élevé et peut même aller au-delà de votre investissement initial »
A cette question, il était simplement demandé au client de répondre par oui ou par non. Bien que le Requérant ait indiqué être familier avec ce type de produits, le Collège estime que cette auto-évaluation n’a pas permis à la Banque de constater dans les faits que le Requérant disposait bien de connaissances suffisantes pour comprendre les risques associés aux opérations d’achat et de vente d’options (put/call).

Le fait que le client ait par ailleurs indiqué avoir occupé la fonction de banquier, avoir une connaissance élevée des marchés et instruments financiers et s’informer quotidiennement sur l’évolution des marchés financiers ne dispensait nullement la Banque de vérifier que ce dernier disposait bien d’une connaissance suffisante des opérations d’achat et de vente d’options. Force est en effet de rappeler que le Requérant était qualifié de client de détail au sens de la règlementation MIFID ce qui lui confère un niveau de protection impliquant l’obligation pour l’entreprise règlementée de vérifier que les produits et/ou services proposés à ce dernier sont bien appropriés au regard de ses connaissances et de son expérience.

Sur base de ce qui précède, le Collège estime que la Banque a manqué à son obligation de connaître son client

- Règles spécifiques en matière de gestion de portefeuille
Les entreprises règlementées qui fournissent des services de gestion de portefeuille doivent établir une méthode appropriée d'évaluation et de comparaison (par exemple une valeur de référence pertinente, prenant en compte les objectifs d'investissement du client et les types d'instruments financiers inclus dans son portefeuille) de sorte que le client à qui le service est fourni soit en mesure d'évaluer la performance de l'entreprise.

A cet égard, le Collège constate qu’aucune méthode d’évaluation et de comparaison n’a été établie par la Banque en l’espèce. Le fait qu’il s’agisse d’une gestion “sur-mesure” ne dispensait nullement la Banque d’établir une méthode d’évaluation et de comparaison.

Sur la base de ce qui précède, le Collège estime que la Banque a, dans l’exercice de son mandat de gestion discrétionnaire, enfreint les règles visant à protéger les clients.

III. Evaluation du dommage

Il ressort d’un examen approfondi des pièces du dossier que la Banque et le Requérant ne se sont, en réalité, jamais accordés sur toute une série d’aspects essentiels de la stratégie d’investissement à mener dans le cadre du mandat de gestion discrétionnaire confié à la Banque. Or il appartenait à la Banque d’identifier ces éléments essentiels, d’en informer adéquatement le client et de vérifier que ce dernier disposait bien de la connaissance et de l’expérience requise pour comprendre les risques et le rendement potentiel.

Les manquements de la Banque ne sauraient toutefois occulter le fait que le Requérant a manifestement accepté le principe d’une gestion de portefeuille reposant sur l’achat et la vente d’options Put/Call. Or, ce type de stratégie d’investissement comporte toujours des risques de perte en capital. Il est donc incontestable qu’en confiant la gestion de son patrimoine à la Banque, le Requérant savait ou devait savoir que cette démarche pourrait aboutir à la réalisation d’une perte en capital.

Il en résulte que même si la Banque n’a pas exécuté son mandat de gestion conformément aux attentes du Requérant, ce dernier ne peut raisonnablement s’en prévaloir pour prétendre à une indemnisation complète de sa perte. Il est clair que sa perte constitue, à tout le moins en partie, la contrepartie ordinaire et naturelle de toute perspective de rendement.

Par ailleurs, la position de la partie Requérante consistant à « chiffrer » les conséquences financières défavorables de certains actes posés par le gestionnaire sans tenir compte des conséquences favorables des autres actes posés par ce dernier ne permet pas non plus d’aboutir à une estimation juste du dommage subi par le Requérant en raison des fautes commises par la Banque. Force est en effet de rappeler que la gestion d’un portefeuille s’apprécie en principe dans sa globalité et non opération par opération.

Le collège estime, pour sa part, que le dommage réellement subi par le Requérant en raison des fautes de la Banque correspond aux pertes financières qui sont le résultat d’une prise de risque excessive par rapport au niveau de risque accepté en connaissance de cause par le Requérant. Pour déterminer ce montant, il conviendrait de comparer la performance d’une stratégie optionnelle conforme au niveau de risque accepté par le client à celle effectivement menée par la Banque, ce qui n’est évidemment pas possible. Cette impossibilité de chiffrer précisément le dommage ne dispense toutefois nullement la Banque d’indemniser une partie des pertes financières encourues par le Requérant.

Le Collège est d’avis que cette indemnisation devrait à tout le moins comporter un remboursement des honoraires de gestion et autres types de revenus perçus par la Banque à charge du Requérant (droit de garde, courtage sur opérations, etc.). Elle devrait en outre comporter une indemnisation complémentaire à raison d’une partie de la perte en capital subsistant après le remboursement de l’ensemble frais et coûts associés au service de la Banque. En l’absence de critère précis pour fixer le montant de la perte en capital à indemniser, le Collège invite les parties à tenter de trouver un accord sur le montant raisonnable de cette indemnisation.

4. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN
Ombudsfin fait sienne la conclusion du Collège d’experts et dans ce contexte, elle a invité la Banque à lui transmettre une proposition en faveur du Requérant.

La Banque a répondu favorablement à cette demande en proposant une intervention, pour solde de tout compte, à hauteur de 31.347,50 euros dont le détail du calcul lui a été communiqué.

Suite à cette proposition, le Conseil du Requérant est revenu vers Ombudsfin afin de faire savoir qu’il estimait cette indemnisation insuffisante. Il a fait part de ses arguments et du fait qu’il estimera plus juste d’obtenir une intervention de 125.761,19 euros.

Ombudsfin a communiqué ses remarques à Ia Banque et dans le cadre de la médiation, Ombudsfin invite la Banque à transmettre une nouvelle proposition qui tienne compte de ses derniers arguments.

La Banque dispose d’un délai d’un mois pour faire part de son intention.