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Mise sous administration provisoire – virement non autorisé – mandat non valable dès le moment du dépôt de la requête.

2012.1810

 

THEME

 

Mise sous administration provisoire – virement non autorisé – mandat non valable dès le moment du dépôt de la requête.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Madame M. Mannès, membre.

 

Date : 22 octobre 2013

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

La requérante, âgée de 85 ans, est une cliente de longue date de la banque.

 

Dans le courant du 1er semestre 2011, des contacts se nouent entre le directeur de l’agence de de la banque et le neveu de la requérante dans le cadre de la liquidation de la succession de feu l’époux de la requérante.

 

Selon les explications fournies par le neveu, le directeur de l’agence de la banque s’est inquiété auprès de lui d’abus de faiblesse dont la requérante serait la victime. Il a attiré son attention sur des virements signés par sa tante au profit de sa cousine pour l’hébergement de ses chats (un virement de 3.000 € et un ordre de versements mensuels de 300 €), ainsi que sur une demande téléphonique de sa tante de transfert de 50.000 € vers le compte de sa cousine.

 

Le 13 avril 2012, le neveu dépose entre les mains du juge de paix de Verviers une requête de mise sous administration provisoire de sa tante.

 

Le 27 avril 2012, la requérante fait transférer ses comptes à une autre agence de la banque.

 

Concomitamment, dans cette agence, en présence de sa nièce, elle exécute un virement électronique de 30.000 € de son compte vers celui de sa nièce.

 

Par une ordonnance du 00/00/2012 du juge de paix, la requérante est placée sous administration provisoire et son neveu est désigné en qualité d’administrateur provisoire avec une mission de représentation générale.

 

Cette décision est publiée au Moniteur belge, le 00/00/2012.

 

Le neveu, qui sera ultérieurement remplacé dans cette fonction par un avocat, demande l’annulation par la banque du virement de 30.000 € effectué au profit de sa cousine chez qui la requérante est hébergée.

 

Le nouvel administrateur provisoire maintient cette demande.

 

La banque s’y refuse et conteste toute responsabilité aux motifs que :

 

-        au jour de l’opération litigieuse, soit le 27 avril 2012, la requérante était encore juridiquement capable, l’ordonnance de mise sous administration provisoire n’étant prononcée que le 9 mai suivant;

-        la requérante a valablement signé l’opération litigieuse au moyen de sa carte de banque et de son code secret;

-        elle était présente lors de l’opération;

-        une banque n’a pas à refuser d’effectuer les transactions sollicitées par son client au risque d’engager sa responsabilité;

-        la nièce disposait, jusqu’au 4 janvier 2012, d’une procuration sur les comptes de sa tante, ce qui n’est pas le cas du neveu.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

Afin que les tiers soient avisés de la mise sous administration provisoire d’une personne, toute décision portant désignation d’un administrateur provisoire est insérée par extrait au Moniteur belge (article 488bis e) § 1er du Code civil).

 

Tenant compte de la mission limitée de l’administrateur provisoire, le juge de paix peut toutefois décider que sa décision fera uniquement l’objet d’une notification par les soins du greffe aux personnes qu’il détermine (article 488bis e) § 2 du Code civil).

 

Il n’a pas été recouru à cette dérogation en ce qui concerne la requérante puisque la décision du juge de paix du 00/00/2012 a été publiée au Moniteur belge, le 00/00/2012.

 

Cette publication est postérieure au virement critiqué.

 

Vainement la banque entend-elle se retrancher derrière cette publication ou à tout le moins la connaissance qui lui a été donnée par l’administrateur provisoire, le 28 avril 2012 au soir, du dépôt de la requête de mise sous administration provisoire de sa cliente. En vain également relève-t-elle que la requérante était toujours juridiquement capable, le 27 avril 2012, lorsqu’elle a réalisé personnellement cette opération de manière électronique ou encore qu’une banque ne peut refuser d’effectuer les transactions sollicitées par son client au risque d’engager sa responsabilité.

 

Entre la protection des intérêts des tiers, même de bonne foi, et ceux de la personne mise sous administration provisoire, le législateur belge a, en effet, choisi de protéger ceux de la personne mise sous administration provisoire et ce, à dater de la mise en mouvement de la procédure en désignation d’un administrateur provisoire et plus précisément à dater du dépôt de la requête en désignation d’un administrateur provisoire.

 

L’article 488bis, I du Code civil dispose que « Tous les actes accomplis par la personne protégée en violation des dispositions prévues à l'article 488bis, f), sont nuls. Cette nullité ne peut être demandée que par la personne protégée ou son administrateur provisoire.
L'alinéa 1er est applicable aux actes accomplis à partir du dépôt de la requête en désignation d'un administrateur provisoire »
.

 

En l’espèce, s’il n’est pas contestable qu’à la date du 27 avril 2012, la banque ignorait le dépôt d’une requête de mise sous administration de sa cliente, il demeure que :

-        le versement litigieux constitue un acte visé par l’article 488bis,f), § 3, b), soit un acte d’aliénation d’un bien meuble;

-        en application de l’article 488bis, I du Code civil, l’administrateur provisoire de la requérante est autorisé à en poursuivre l’annulation;

-        et toujours en application de l’article 488bis, I, cette annulation opère avec effet rétroactif.

 

La requérante ne pouvait dès lors pas donner mandat ou l’ordre à sa banque de poser un acte de disposition. A défaut d’un mandat valable émanant de sa cliente, la banque ne pouvait transférer les fonds de cette dernière vers le compte de la nièce de la requérante.

 

La demande de l’administrateur provisoire d’annuler le versement critiqué est dès lors fondée.

 

Rien n’interdit à la banque de se retourner contre la bénéficiaire sur la base de la théorie du paiement de l’indu.

 

Enfin, il est totalement irrelevant que la nièce disposait, jusqu’au 4 janvier 2012, d’une procuration sur les comptes de sa tante.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère que la demande de la requérante est recevable et fondée;

 

Il invite la banque à restituer à l’administrateur provisoire de la requérante la somme de 30.000 €, majorée des intérêts calculés au taux légal à dater du 27 avril 2012;

 

La banque n’a pas suivi l’avis du Collège.