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Opérations contestées - disparition de la carte bancaire - absence de preuve de la négligence grave.

2013.2233

 

THEME

 

Opérations contestées - disparition de la carte bancaire - absence de preuve de la négligence grave.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Madame M. Mannès, membre.

 

Date : 19 août 2014

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

En matinée du lundi 23 septembre 2013, la requérante dépose plainte auprès de la police. Elle expose avoir utilisé sa carte bancaire pour la dernière fois dans une grande surface le jeudi 19 septembre 2013 et avoir constaté, ce lundi matin, sa disparition ainsi que l’existence de deux retraits de 600 €, chacun, réalisés les 20 et 21 septembre 2013 dont elle n’est pas l’auteur.

 

Elle sollicite l’intervention de la banque – dont elle stigmatise l’absence de réponse à ses courriers – pour les deux retraits frauduleux.

 

La banque se refuse d’intervenir aux motifs que les circonstances de fait lui permettent de présumer que le code secret a été noté sur la carte ou était facilement identifiable. Elle souligne à cet effet que :

 

-      la dernière utilisation non contestée de la carte, soit le 19 septembre 2013 à 15h33, a été effectuée plus de 24 heures avant la première utilisation frauduleuse, soit le 20 septembre 2013 à 18h56, ce qui exclut l’hypothèse où la requérante aurait été épiée lors de l’introduction de son code;

 

-      dès le deuxième essai, le fraudeur a eu accès au bon code;

 

-      la requérante n’a aucune idée de la manière dont la carte a disparu;

 

-      la tentative d’un troisième retrait de 600 € opérée le 23 septembre 2013 à 8h10 du matin a échoué car la limite hebdomadaire de 1.250 € était presque atteinte;

 

-      les deux retraits litigieux et la tentative de retrait ont eu lieu, dans la ville de résidence de la requérante et dans un intervalle de temps assez long, ce qui ne correspond pas au modus operandi habituel pour ce type de fraude;

 

-      après l’opposition faite sur la carte le 23 septembre 2013, il n’y a plus eu de tentative d’opération.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

L’article 31, § 2 de la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement (actuellement intégrée dans le Code de droit économique) précise que l’utilisateur de services de paiement prend toutes les mesures raisonnables afin de préserver la sécurité de sa carte et de son code secret.

 

L’article 37, § 1 de la même loi prévoit que le client supporte jusqu’à la notification faite de la perte, du vol ou de l’utilisation frauduleuse de sa carte, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée et ce à concurrence d’un montant de 150,00 €, sauf s’il a agi avec négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond prévu n’est pas applicable.

 

L’article 37, § 3 indique que la charge de la preuve en matière de fraude, d’intention ou de négligence grave incombe au prestataire de services de paiement. Pour l’appréciation de la négligence, le juge tient compte de l’ensemble des circonstances de fait.

 

Il mentionne cependant que l’utilisation de l’instrument de paiement avec le code connu du seul utilisateur de services de paiement ne constitue pas une présomption suffisante de la négligence de celui-ci.

 

Il résulte de cette dernière disposition que la seule utilisation de la carte bancaire de la requérante avec le bon code n’emporte pas la preuve d’une négligence grave dans le chef de celle-ci.  Rien n’établit que la requérante aurait noté son code sur sa carte ou sur un document conservé dans son portefeuille, ce qu’elle conteste formellement. Le fait que ce n’est qu’au deuxième essai qu’un retrait a pu être opéré contredit d’ailleurs l’hypothèse du code noté sous une forme quelconque dans son portefeuille.

 

Si comme la banque le relève les circonstances de la disparition de la carte bancaire de la requérante ne sont pas claires, il demeure que le législateur a décidé de faire reposer la charge de la preuve de la fraude, de l’intention ou de la négligence grave sur le prestataire de services de paiement.

 

Le Collège est d’avis, en l’espèce, que si le modus operandi est certes inhabituel (les fraudeurs s’empressant en général d’utiliser le plus rapidement possible la carte dérobée), il n’emporte toutefois pas la preuve d’une négligence grave dans le chef de la requérante.  Les éléments mis en exergue par la banque, pris isolément ou ensemble, sont insuffisants à rapporter la preuve qui lui incombe.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère dès lors que la demande d’indemnisation de la requérante est recevable et fondée. Il invite la banque à rembourser à la requérante la somme de 1.050,00 € calculée comme suit :

 

-      - retraits frauduleux :           1.200,00 €

-      - franchise :                          150,00 €

-      - montant à rembourser :     1.050,00 €

 

La banque n’a pas suivi l’avis du Collège.