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Opérations frauduleuses – cartes bancaires conservées dans la chambre d’hôpital – négligence grave.

 

2014.2026

 

THEME

 

Opérations frauduleuses – cartes bancaires conservées dans la chambre d’hôpital – négligence grave.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres
Madame M. Mannès, membre.

 

Date : 19 mai 2015

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Le requérant, âgé de 74 ans, est hospitalisé, le 11 avril 2014, et le reste plusieurs semaines consécutives.

 

Il est constant qu’il laisse son sac avec son portefeuille, contenant deux cartes bancaires, dans l’armoire de sa chambre d’hôpital.

 

Alors qu’il est encore à l’hôpital, ses cartes de débit et de crédit sont frauduleusement utilisées, entre les 9 et 12 mai 2014, en différents lieux du pays. Le montant total des opérations frauduleuses se chiffre à 5.354,08 €.

 

Les cartes sont bloquées le 12 mai à 16h51.

 

Le 15 mai suivant, une plainte est déposée auprès de la police.

 

Le requérant, en la personne de son mandataire, à savoir son fils, sollicite l’intervention de la banque. Il relève qu’il est un client de longue date de celle-ci et qu’aucun reproche ne peut lui être adressé. Il expose qu’il utilise sa date de naissance comme code secret pour ses cartes et que le personnel de l’hôpital a dû indiquer cette date dans son dossier médical ou sur un document laissé dans sa chambre. Mais, en ce qui le concerne, il n’a pas écrit ni communiqué le code de ses cartes bancaires et les a fait bloquer dès qu’il s’est aperçu de leur vol.

 

La banque refuse d’intervenir aux motifs que les circonstances de fait lui permettent de présumer que le code secret a été noté sur un document conservé dans le portefeuille ou était facilement identifiable. Elle souligne à cet effet que :

 

-      les transactions ont eu lieu directement avec le code secret correct;

-      le malfrat a dû avoir connaissance du code secret vraisemblablement à l’aide d’un indice qui se trouvait dans le portefeuille ou sur la fiche médicale affichée au pied du lit;

-      le requérant n’a pas été victime d’un skimming car sur les appareils utilisés par le malfrat, c’est la puce électronique qui a été utilisée et non la piste magnétique;

-      les cartes litigieuses n’ont pas été utilisées dans le mois précédant leur vol;

-      le requérant a conservé ses cartes dans une armoire de sa chambre tout en sachant que son code était détectable.

 

La banque ajoute qu’en vertu de ses conditions générales relatives aux cartes de banque et aux services Phone Banking et PC Banking, le non-respect des conseils de prudence repris à l’article VI.6 desdites conditions peut être considéré comme une négligence grave dans le chef du titulaire de la carte.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

L’article 31, § 2, de la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement (actuellement intégrée dans le Code de droit économique) précise que l’utilisateur de services de paiement prend toutes les mesures raisonnables afin de préserver la sécurité de sa carte et de son code secret.

 

L’article 37, § 1, de la même loi prévoit que le client supporte jusqu’à la notification faite de la perte, du vol ou de l’utilisation frauduleuse de sa carte, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée et ce à concurrence d’un montant de 150,00 €, sauf s’il a agi avec négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond prévu n’est pas applicable.

 

L’article 37, § 3, indique que la charge de la preuve en matière de fraude, d’intention ou de négligence grave incombe au prestataire de services de paiement. Pour l’appréciation de la négligence, le juge tient compte de l’ensemble des circonstances de fait.

 

Il mentionne cependant que l’utilisation de l’instrument de paiement avec le code connu du seul utilisateur de services de paiement ne constitue pas une présomption suffisante de la négligence de celui-ci.

 

Il résulte de cette dernière disposition que la seule utilisation des cartes bancaires du requérant avec le bon code n’emporte pas la preuve d’une négligence grave dans le chef de celui-ci.

 

En l’espèce, le Collège est toutefois d’avis qu’une négligence grave doit être retenue dans le chef du requérant en raison de l’ensemble des circonstances de fait suivantes.

 

La veille de la première opération frauduleuse, le fils du requérant a procédé, au sein de l’hôpital, à un retrait à l’aide d’une troisième carte bancaire du requérant ayant le même code secret. Il est cependant peu crédible que le malfrat ait pu prendre connaissance du code secret des deux autres cartes du requérant à cette occasion. Cette troisième carte n’a pas été dérobée et surtout elle a été utilisée par une personne autre que le requérant. Comment le malfrat pourrait-il imaginer que le code qu’il aurait surpris correspondrait à celui de deux autres cartes présentes dans l’armoire de la chambre du requérant ?

 

Quant bien même le code aurait été épié à cette occasion, il demeure qu’entre le moment où il a été hospitalisé et le 9 mai 2014, date de la première opération frauduleuse, le requérant a conservé ses cartes dans une armoire de sa chambre. Or, une chambre d’hôpital est un lieu aisément accessible et les hôpitaux recommandent communément de ne pas emmener d’objets de valeur ou des entreposer dans le coffre mis à la disposition de la patientèle. L’hôpital où le requérant a été hospitalisé conseille d’ailleurs, sur son site internet, de ne pas emporter d’objets de valeur et de les déposer dans le coffre de la caisse car il n’y en a pas dans les chambres. Le requérant pouvait également confier ses cartes de banque à sa compagne ou à son fils - qui manifestement veillaient sur lui - pour les mettre en un lieu sûr et les lui apporter en cas de besoin.

 

Par ailleurs, son code secret étant sa date de naissance (ce qui ne constitue pas une négligence grave en soi mais une imprudence), en laissant ses cartes dans sa chambre, il a contribué à l'aggravation du risque.

 

Dans ces circonstances particulières, il ressort que le requérant n’a pas pris les mesures raisonnables afin de préserver la sécurité de ses cartes et de son code secret alors qu’il a largement disposé du temps nécessaire à cet effet. Une négligence grave doit être retenue dans son chef.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère dès lors que la demande d’indemnisation du requérant est recevable mais non fondée.