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Ordre des inscriptions hypothécaires.

 

2011.1987

 

THEME

 

Ordre des inscriptions hypothécaires.

 

AVIS

 

Présents :
Messieurs A. Van Oevelen, Président;
Madame  M.-F. Carlier, Vice-Président;
Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Mesdames M. Mannès, N. Spruyt, membres.

 

Date : 27 mars 2012

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Les requérants sont intervenus comme affectants hypothécaires pour des crédits professionnels accordés par la banque à leur fille en 2008. Dans ce cadre, une inscription hypothécaire a été prise en 3ième rang sur leur maison. Cette inscription a pris rang après deux inscriptions en 1er et second rang prises pour sureté de crédits octroyés par la banque aux requérants  en 1994 et 2005.

 

Suite à la dénonciation des crédits professionnels de la fille, la banque a poursuivi l'exécution forcée du gage. L' adjudication en vente publique de l'immeuble des requérants est intervenue le 17 mars 2011 et a rapporté un montant de 84.658 EUR que la banque a imputé le 19 octobre 2011 d'abord au remboursement complet des engagements de la fille à son égard, pour 68.529,71 EUR, et ensuite en diminution des engagements des requérants envers la banque, pour 16.128,29 EUR. De la sorte, les engagements de la fille sont totalement apurés et les requérants restent débiteurs de 51.505,70 EUR  en principal à l'égard de la banque.

 

Certains de ce que la banque allait procéder au remboursement complet de leurs engagements au moyen du produit de la vente de leur immeuble, les requérants ont arrêté  d'honorer les mensualités de leurs crédits. La banque a alors procédé à une saisie salaire auprès de l'employeur du requérant .

 

Point de vue des requérants

 

Les requérants s'opposent à l'utilisation faite par la banque du produit de la vente pour rembourser en premier lieu les engagements de leur fille alors que ceux-ci ne sont garantis que par un troisième rang. Ils demandent le respect strict de l'ordre des inscriptions hypothécaires, ce qui doit conduire à la rectification de l'imputation réalisée par la banque et donc d'abord au remboursement complet de leurs crédits envers celle-ci et à la mainlevée de la saisie salaire effectuée par la banque sur le salaire du requérant.

 

Point de vue de la banque

 

La banque justifie son choix de rembourser d'abord les crédits professionnels de leur fille avant ceux des requérants par le fait que seuls les engagements de la fille étaient entièrement exigibles au moment de la vente, par la notion d'hypothèque pour toutes sommes figurant dans ses actes d'ouverture de crédit, par l'absence de contredit des requérants au procès verbal d'ordre et par sa politique interne.

 

La banque refuse par conséquent de modifier son imputation du produit de la vente.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

La loi hypothécaire du 16 décembre 1851 prévoit le report des privilèges sur le prix de vente d'un bien immeuble et, en son article 81, l'ordre de préférence des créanciers entre eux selon les rangs fixés par les dates d'inscription des hypothèques consenties. L'article 1639 du code judiciaire précise que par l'effet de l'adjudication de l'immeuble, les droits des créanciers sont reportés sur le prix. Dans le cas présent, l'ordre de préférence ne s'établit pas entre des créanciers différents mais entre des créances différentes d'un même créancier; dans les deux hypothèses, ce sont les mêmes règles qui s'appliquent.

 

Le Collège estime que l'imputation du prix de la vente par la banque doit respecter l'ordre légal des inscriptions.

 

Le caractère d'exigibilité immédiate d'une créance par rapport à une autre ne justifie aucunement de déroger à l'ordre légal d'imputation pas plus que la politique interne de la banque. Le Collège relève d'ailleurs qu'aucune cession de rang n'est intervenue, pas plus que la subordination de la créance de la banque contre les requérants par rapport à celle contre leur fille. Les requérants ont par ailleurs refusé de donner suite à la demande de la banque, en août 2011, de marquer accord sur l'imputation du produit de la vente de leur immeuble en premier lieu sur les dettes de leur fille. Cette demande de la banque témoigne à elle seule de ce qu'une dérogation à l'ordre légal des inscriptions aurait dû être convenue, quod non, pour pouvoir être valable.

 

La notion de l'hypothèque pour toutes sommes ne peut pas non plus conduire à une modification de l'ordre légal d'imputation selon les rangs. Les requérants sont intervenus comme affectants hypothécaires et non comme codébiteurs des engagements de leur fille à l'égard de la banque. Ils sont donc de ce chef tenus propter rem et non en vertu d'une dette et il ne peut être question de considérer, comme l'évoque la banque, qu'une partie des crédits de leur fille serait couverte par l'inscription prise en 1er rang contre les requérants pour sûreté du crédit octroyé en 1994 et remboursé au moment de la vente de l'immeuble.

 

Enfin, le Collège ne peut suivre l'argument de la banque à propos de l'absence  de contredit par les requérants au procès verbal d'ordre du 21 juin 2011. Ce procès verbal relève les trois inscriptions hypothécaires au profit de la banque, dans l'ordre des rangs, précise le montant colloqué ainsi que les créances détenues par la banque contre les requérants d'une part et contre leur fille d'autre part, sans aucune indication des intentions de la banque d'imputer le produit de la vente autrement que dans le respect des rangs. Il est donc tout à fait normal que les requérants n'aient pas formulé de contredit au procès verbal d'ordre.

 

III. CONCLUSION

 

La demande des requérants est recevable et fondée.

 

Le Collège estime que la banque doit respecter l'ordre des inscriptions et imputer le prix de vente de l'immeuble au remboursement des crédits des requérants, sous bonne valeur.

 

En conséquence les poursuites entamées contre les requérants doivent être tenues pour nulles et la banque doit prendre toutes mesures nécessaires pour en faire disparaître les effets notamment en créditant les requérants des sommes indûment perçues postérieurement à la vente, majorées des intérêts au taux légal, et en supprimant les avis de saisie et les enregistrements erronés à la Centrale des crédits aux particuliers.