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Ordres sur internet – OTC unique de la banque – non respect du principe de best execution.

2013.0613

 

THEME

 

Ordres sur internet – OTC unique de la banque – non respect du principe de best execution.

 

AVIS

 

Présents :
Messieurs A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Mesdames M. Mannès, membre.

 

Date : 22 octobre 2013

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

A. Les faits

 

Le 2 novembre 2011, le requérant a introduit un ordre de vente d’obligations grecques, à concurrence de 5.000 €, à l’aide du logiciel de gestion par internet mis à disposition par la banque. Cet ordre est introduit à 8h21 avec un cours limite de 38%. Cet ordre a été exécuté sur le marché OTC à 39% à 11h42.

 

Le requérant a constaté par la suite que le même jour, un marché réglementé en Allemagne avait traité une volumétrie de cette obligation de l’ordre de 47.000 € avec un cours à l’ouverture de 42,95%, avec au cours de la journée un plus haut de 43,38 % et un plus bas de 41,01%.

 

Le requérant estime donc que la banque n’a pas respecté le principe de best execution repris dans la législation MiFID puisque le lieu le plus favorable n’a pas été choisi et il souhaite être indemnisé à concurrence de la différence entre les deux cours.

 

La banque expose que son logiciel de traitement des ordres par internet ne permet qu’un seul lieu d’exécution pour des opérations de ce type c’est-à dire l’OTC de la banque (à savoir la salle de marché, la banque intervenant alors comme contrepartie), et qu’aucun autre marché n’est prévu dans le système.

 

Le client est informé du lieu d’exécution lors de l’introduction de l’ordre. Pour la banque, cette forme d’exécution est conforme à l’obligation de best execution contenue dans les directives MiFID. Si le client souhaite d’autres lieux d’exécution, il doit se présenter en agence ou passer son ordre par téléphone. Dans ce cas, il est possible de choisir un marché réglementé comme autre lieu d’exécution.

 

La banque estime qu’aucune faute ne peut lui être imputée et avance les considérations et arguments suivants.

 

1)    La banque déclare avoir fait un choix commercial en limitant l’exécution des ordres d'obligations introduit par internet à son marché OTC. Implicitement, la banque soutient donc que ce choix est une stratégie commerciale qui, dans une économie libérale, relève de sa seule appréciation. Le Collège serait dès lors sans compétence pour prononcer un avis sur un choix qui relève de la liberté commerciale d’un opérateur.  

 

2)    La politique d’exécution doit inclure les lieux d’exécution permettant à l’entreprise d’investissement d’obtenir avec régularité le meilleur résultat possible pour l’exécution des ordres des clients. La banque n’est donc pas tenue de justifier ordre par ordre que le meilleur résultat a été obtenu pour le client ; c’est de manière générale qu’elle doit pouvoir justifier que le marché OTC est celui qui globalement fournit les meilleurs résultats.

 

3)    À titre subsidiaire, une comparaison des lieux d’exécution possibles pour une opération individuelle serait tronquée puisque le client peut obtenir des réductions par le logiciel qu'il n'obtient pas en agence tel qu'une réduction sur les frais de courtage à hauteur de 40 %. Même en considérant que le cours obtenu sur la bourse allemande soit plus intéressant pour le client dans ce cas-ci que sur le marché OTC, il faut savoir que le broker demande une commission de 30 EUR pour un ordre placé sur cette bourse. Ce montant de 30 EUR influence directement le cours indiqué au client puisque ces frais lui sont répercutés.

 

4)    Enfin, la confiance du plaignant n’a pas pu être surprise : c’est un ancien membre du personnel de la banque qui travaillait dans un service Personal Banking; il était donc bien informé des procédures et choix de marchés.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

L’article 28, § 1, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers précise :

 

Dans le cadre des conditions d'exercice de l'activité qui lui sont applicables, l'entreprise réglementée prend, conformément aux dispositions des §§ 2 à 6, toutes les mesures raisonnables pour obtenir, lors de l'exécution des ordres, le meilleur résultat possible pour ses clients compte tenu du prix, du coût, de la rapidité, de la probabilité de l'exécution et du règlement, de la taille, de la nature de l'ordre ou de toute autre considération relative à l'exécution de l'ordre. Néanmoins, chaque fois qu'il existe une instruction spécifique donnée par les clients, l'entreprise réglementée exécute l'ordre en suivant cette instruction.

 

Selon le deuxième paragraphe de cette même disposition L’entreprise réglementée établit et met en œuvre des dispositions efficaces pour se conformer au § 1er. Le troisième paragraphe ajoute que la politique d’exécution des ordres inclut au moins les lieux d’exécution qui permettent à l’entreprise réglementée d’obtenir, avec régularité, le meilleur résultat possible pour l’exécution des ordres des clients.

 

Le Collège considère que l’article 28 de la loi du 2 août 2002 impose aux entreprises réglementées de prévoir une organisation qui permette d’atteindre l’objectif de best execution tel qu’il est défini par la loi. La banque n’est donc pas fondée à se retrancher derrière la liberté du commerce pour justifier son droit à s’organiser comme elle l’entend. Quelque soit la manière dont elle structure ses services et son offre à sa clientèle pour le traitement des ordres portant sur des valeurs mobilières, elle doit le faire dans le respect du principe de best execution. Le Collège est donc compétent pour donner un avis sur la bonne application de la loi en l’espèce.

 

Le Collège constate que pour un ordre identique passé aux guichets, la banque prévoit plusieurs lieux d’exécution (OTC ou marché réglementé). Ceci signifie que la banque considère que selon les cas, un marché réglementé peut s’avérer plus avantageux que son OTC. 

 

L’article 24, § 3, de l’arrêté royal du 3 juin 2007 portant les règles et modalités visant à transposer la directive concernant les marchés d'instruments financiers, fixe les règles applicables lorsque divers lieux d’exécution sont possibles :

 

Lorsqu'une entreprise réglementée exécute un ordre pour le compte d'un client de détail, le meilleur résultat possible est déterminé sur la base de la contrepartie totale, représentant le prix de l'instrument financier et les coûts liés à l'exécution, lesquels incluent toutes les dépenses encourues par le client qui sont directement liées à l'exécution de l'ordre, y compris les frais propres au lieu d'exécution, les frais de compensation et de liquidation et tous les autres frais éventuellement payés à des tiers ayant participé à l'exécution de l'ordre.


En vue d'assurer la meilleure exécution possible lorsque plusieurs lieux d'exécution concurrents sont en mesure d'exécuter un ordre concernant un instrument financier, il convient d'évaluer et de comparer les résultats qui seraient obtenus pour le client en exécutant l'ordre sur chacun des lieux d'exécution sélectionnés par la politique d'exécution des ordres de l'entreprise qui sont en mesure d'exécuter cet ordre; dans cette évaluation, il y a lieu de prendre en compte les commissions et coûts propres à l'entreprise que celle-ci facture pour l'exécution de l'ordre sur chacun des lieux d'exécution éligibles.

 

Le Collège ne s’explique pas que ce choix soit jugé nécessaire dans un cas (ordre au guichet) et ne soit pas repris dans l’autre (ordre par internet) alors que le mode d’introduction de l’offre est sans incidence (ou n’a qu’une incidence très minime) sur le choix du lieu de la meilleure exécution. Réserver les ordres passés par internet exclusivement à un OTC (en l’espèce, la salle des marchés de la banque) ne satisfait donc pas à la règle qui impose d’inclure dans son organisation les lieux d’exécution qui permettent à l’entreprise réglementée d’obtenir, avec régularité, le meilleur résultat possible.

 

La banque invoque qu’elle n’est pas tenue de justifier le choix du lieu d’exécution pour un ordre particulier mais de manière générale. Si cette considération est exacte, elle ne justifie cependant pas pourquoi ce qu’elle propose pour les ordres passés au guichet, elle ne le permet pas pour les ordres passés par internet, alors pourtant que ces ordres sont soumis aux mêmes règles.

 

En outre, cette considération ne dispense pas la banque d’apporter la preuve que la politique d’exécution qu’elle a arrêtée pour les ordres par internet, permet de manière générale d'obtenir, avec régularité, le meilleur résultat possible lors de l'exécution des ordres des clients. Or, la preuve apportée par le requérant d’une exécution plus favorable le même jour sur un marché réglementé et les ambigüités de la politique d’exécution qui viennent d’être relevées créent au minimum un doute. Le Collège constate que la banque n’apporte pas ou ne propose pas d’apporter la preuve que la politique d’exécution choisie par elle pour les ordres passés par internet produit bien le résultat requis.

 

Enfin, le Collège ne peut retenir le fait que le plaignant est un ancien employé de la banque au fait des procédures et des marchés. Dans la mise en œuvre du principe de best execution, le plaignant est en droit de considérer que le marché proposé par la banque est celui qui assure avec régularité les meilleurs résultats. Il n’y a donc aucune raison de refuser a priori le marché OTC proposé par la banque.

 

Le Collège estime donc que la plainte est fondée. L’ordre devait pouvoir être placé sur un marché règlementé plutôt que l’OTC de la banque si après examen des circonstances concrètes de l’ordre, le marché réglementé s’avérait plus favorable. Le requérant devait en outre avoir la possibilité de choisir un marché réglementé comme cela lui est permis dans le cadre des ordres passés au guichet ou par téléphone.

 

Il n’est pas certain cependant que si tel avait été le cas, l’ordre aurait effectivement été passé sur un marché réglementé, ni sur celui que le requérant a consulté a posteriori en Allemagne, ni même que l’ordre aurait été passé au cours le plus haut atteint le 2 novembre 2001. Par ailleurs, les droits et frais liés à l’introduction d’un ordre sur un marché réglementé peuvent être plus élevés que sur le marché OTC.

 

Le préjudice correspond donc à la perte d’une chance sans pouvoir être déterminé avec précision. Le Collège estimera donc le dommage ex aequo et bono.

 

III. CONCLUSION

 

La plainte est recevable et fondée.

 

Le Collège invite la banque à indemniser le requérant pour la perte d’une chance et au vu des circonstances de l’espèce, le Collège estime le préjudice du requérant à 100 €.

 

La banque n’a pas suivi l’avis du Collège.