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Paiements et comptes de paiements – Cartes – Opérations contestées

 

2016.3121

 

THEME

 

Paiements et comptes de paiements – Cartes – Opérations contestées

 

AVIS

 

Présents :

Madame M.-F. Carlier, Vice-Présidente ;

Messieurs E. Struye de Swielande, J. Vannerom, membres ;

Mesdames M. Mannès, N. Spruyt, membres.

 

Date : 20 juin 2017

 

  1. VOTRE PLAINTE
     

Le 2 août 2016 vers 13.18, la demanderesse s’est rendue dans une grande surface à Bruxelles et a payé ses achats en espèces.  En rentrant chez elle, elle s’est rendu compte que son portefeuille lui avait été dérobé et elle a appelé immédiatement son banquier. Celui-ci lui a conseillé d’appeler Card Stop pour signaler la disparition de sa carte. La carte a été bloquée à 15h27. Elle a déposé plainte le 4 août 2016.

 

Entre le vol de son portefeuille et le blocage de sa carte auprès de Card Stop, celle-ci a été utilisée avec le code correct, à la première tentative, comme suit :

-13h32 : retrait de 650€ en espèces

-15h15 : paiement de 1.000€ dans un tabac shop à Charleroi

-15h15 : paiement de 1.500€ dans un tabac shop à Charleroi

-15h17 : paiement de 1.100€ dans un tabac shop à Charleroi

-15h20 : paiement de 550€ dans un tabac shop à Charleroi

 

Soit un total de retrait de 650€ et de paiements de 4.150€ mais une utilisation frauduleuse totale de 4.800€.

 

La demanderesse déclare que personne d’autre qu’elle ne connaît son code mais qu’en revanche son code correspond à une partie de sa date de naissance. Elle déclare que son code n’était inscrit nulle part dans son portefeuille mais que ses papiers d’identité (carte d’identité et permis de conduire) accompagnaient sa carte. Elle soulève que ceci n’est pas constitutif de négligence grave et que dès lors, la banque doit l’indemniser à concurrence de la totalité de l’utilisation frauduleuse.

 

Par ailleurs, la demanderesse soulève que les limites de sa carte de 650€ par jour et 2.500€ par semaine n’ont pas été respectées et ont été dépassées.

 

  1. POSITION DE LA BANQUE

 

La banque considère que l’utilisation frauduleuse a été rendue possible car la carte et le code ont été mis en possession du malfaiteur et que ce faisant, la demanderesse n’a pas rempli son obligation d’assurer la sécurité de sa carte et le secret de son code. C’est l’intégralité de son portefeuille qui a été dérobé contenant ses documents d’identité et sa carte bancaire.

 

L’utilisation frauduleuse s’est faite au moyen de la carte et du code qui a été introduit correctement à la première tentative. Ce code n’a pu être épié car la dernière utilisation de la carte remonte au 27 juillet 2016. Le code devait donc nécessairement accompagner la carte et c’était le cas puisque la demanderesse a reconnu que son code était composé d’une partie de chiffres de sa date de naissance et que ses documents d’identité sur lesquels apparaissent sa date de naissance accompagnaient sa carte, dans son portefeuille. La banque s’appuie sur un arrêt de la Cour d‘appel de Bruxelles du 28 février 2012 qui érige en négligence grave le fait d’utiliser l’année de naissance comme code secret.

 

Estimant avoir établi à suffisance la négligence grave dans le chef de la demanderesse qui l’exonère de toute intervention, la banque considère ne pas devoir intervenir en application du code de droit économique.

 

Par ailleurs, la banque considère que ce sont les limites standards qui devaient être appliquées en application du document de demande de carde de débit, du règlement des crédits et que ces limites ont évolué au cours des années. Cette évolution a chaque fois été notifiée par voie d’extraits et les limites applicables dans le cas présent sont les suivantes :

-retraits par jour : 650€

-retraits/achats par semaine : 5.000€

 

En conclusion, la banque considère que sa responsabilité n’est pas engagée et qu’elle ne peut donc réserver une suite favorable à la demande d’indemnisation.

 

  1. AVIS DES EXPERTS[1]

 

Le Collège s’est exprimé comme suit : « le Collège rappelle les dispositions applicables du Code de droit économique : aux termes de l'article VII 36 § 1, le client supporte, jusqu'à la notification faite de la perte, du vol ou de l'utilisation frauduleuse de sa carte, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée et ce, à concurrence de 150 euros, sauf s'il a agi avec négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond de 150 euros n'est pas applicable.

 

Et aux termes de l'article VII 36 § 3, la charge de la preuve en matière de négligence grave incombe à la banque. Est notamment considéré comme négligence grave le fait, pour le client, de noter son code secret, sous forme aisément reconnaissable, sur sa carte bancaire ou sur un objet ou document conservé ou emporté avec la carte. Pour l'appréciation de la négligence, le juge tient compte de l'ensemble des circonstances de fait.

 

Le Collège a examiné les faits : la plaignante, âgée de 85 ans, a utilisé une partie des huit chiffres de sa date de naissance pour constituer son code secret et a emporté, pour faire ses courses, son portefeuille contenant sa carte d'identité et sa carte bancaire. Dès la constatation du vol de son portefeuille, elle a appelé son banquier, fait opposition sur sa carte auprès de Card Stop et procédé à la plainte d'usage auprès de la police.

 

Le Collège estime que l'utilisation d'une partie des chiffres de la date de naissance permet de multiples combinaisons différentes, qu'elle n'est pas un indice que le code ait pu être aisément reconnaissable et donc pas, dans les circonstances établies, un signe de négligence grave au sens du Code de droit économique ; par ailleurs, une fois le vol constaté la plaignante a agi vite et correctement pour la mise en route de la procédure relative à l'utilisation frauduleuse de sa carte.

 

Le Collège considère que le comportement de la plaignante peut témoigner d'une certaine imprudence mais pas d'une négligence, et encore moins, grave.

 

En effet, l'imprudence est le comportement de celui qui agit sans se préoccuper du danger ou des possibles conséquences dommageables de ses actes alors que la négligence caractérise les actes de celui qui manque de soin et d'application et qui commet une faute non intentionnelle par rapport à un comportement normalement attendu.

 

En conclusion, le Collège estime que la banque n'apporte pas la preuve irréfutable d'une négligence grave dans le chef de la plaignante.

 

Le Collège considère que la demande de la plaignante est recevable et fondée. Il invite la banque à l'indemniser du dommage subi soit 4.800 euros dont à déduire la franchise de 150 euros, soit 4.650 euros. »

 

  1. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN

 

Après avoir pris connaissance de tous les arguments des parties et de l’avis des experts, l’Ombudsman rejoint la position des experts du Collège qui, à titre principal et sans aborder la question des plafonds, ont estimé que la responsabilité objective de la banque était engagée.

 

En effet, compte tenu de l’expérience acquise en matière de vol de cartes et du nombre de dossiers analysé annuellement, il y a lieu de soulever que l'utilisation d'une partie des chiffres de la date de naissance permet de multiples combinaisons différentes et n’est pas, dans les circonstances établies, un signe de négligence grave au sens du Code de droit économique dans le chef de la demanderesse qui exonère la banque. Il s’agit tout au plus d‘une imprudence mais non d’une négligence grave et, dès lors, la négligence grave n’étant pas rapportée dans le chef de la demanderesse par la banque, sa responsabilité objective prévue comme telle dans le code de droit économique est engagée et cette dernière doit intervenir.

 

L’Ombudsman invite donc la banque à indemniser la demanderesse à concurrence de 4.650€ soit la somme qui lui a été frauduleusement dérobée, déduction faite de la franchise légale de 150 euros.

 


[1] Le collège s’est réuni le 20.06.2017 en présence d’A. Van Oevelen, M.-F. Carlier, N. Spruyt, M. Mannès, E. Struye  et J.Vannerom et l’avis a été définitivement approuvé par les experts, le 3.07.2017.