Vorige

Paiements et comptes de paiements – Cartes – Opérations contestées

2017.2312

THEME

Paiements et comptes de paiements – Cartes – Opérations contestées

AVIS

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président ;
Messieurs E. Struye, R. Steennot, membres ;
Mesdames M. Mannès, N. Spruyt, membres.

Date : 21 novembre 2017

1. DESCRIPTION DE LA PLAINTE
Le 16 mars 2017, le papa (87 ans) des requérants, est transféré en urgence vers l’hôpital. Lors du transfert, il n’emmène que sa carte d’identité. Son portefeuille, contenant ses cartes bancaires (Bancontact, Visa et Mastercard) reste chez lui.
Lors de l’hospitalisation son épouse reste au domicile conjugal.
Le 8 avril, les requérants se rendent chez leurs parents et constatent que le portefeuille de leur papa, où étaient rangées ses cartes bancaires, est ouvert et que les cartes ont disparues. Ils font immédiatement bloquer ces cartes.
En consultant les comptes bancaires de leur papa, ils constatent que de nombreuses transactions frauduleuses ont été effectuées.
• Du 6/04 (12h14) au 7/04 (10h15), la carte Bancontact (0041 5193 7570 1002 3) est utilisée pour un montant total de 3.648 EUR.
• DU 6/04 (12h11) au 8/04 (13h34), la carte Mastercard (5440 3611 2232 0131) est utilisée pour un montant total de 2.433,77 EUR.
• Du 6/04 (0h00) au 7/04 (10h18) la carte VISA (4454 7191 0900 1071) est utilisée pour un montant total de 3.229,91 EUR.
Les parents des requérants, âgés de 86 et 87 ans, ont de grandes difficultés pour se déplacer et font donc appel à une multitude de services à domicile. Ils soupçonnent une des nombreuses personnes qui rendent visite aux parents régulièrement (livreur, infirmier, kiné, aide-ménagère, etc.) d’être à l’origine de la disparition des cartes de leur papa. Ces intervenants sont souvent chez leur parents, y compris lors des livraisons à domicile et donc des paiements par carte.
Les requérants pensent que les voleurs ont profité de la faiblesse de leur maman, seule au domicile, pour voler les cartes bancaires dans le portefeuille de leur papa. Les voleurs auraient obtenu le code en observant les parents lors d’un précédent paiement et, sachant qu’ils seraient amenés à revenir chez eux régulièrement pour les aider, ils auraient attendu le moment opportun (hospitalisation de papa) pour joindre les deux éléments nécessaires à leur larcin.
Suite au refus de la banque et au refus d’ATOS Worldline (Visa et Matercard) d’indemniser leurs parents pour le vol des cartes et l’utilisation frauduleuse de celles-ci, les requérants sollicitent l’intervention d’Ombudsfin.
2. POSITION DE LA BANQUE
La banque, comme fournisseur de services de paiement, refuse de rembourser les montants des opérations contestées. Elle argumente que le requérant a commis une négligence grave, qui le rend responsable de toutes les opérations frauduleuses qui ont eu lieu avant la notification du vol.

La banque se réfère en particulier au fait que le code a été introduit correctement dès la première opération. Dès lors, la personne qui a effectué les opérations avait clairement connaissance du code ou celui-ci était facilement détectable. Pour la banque, le requérant a méconnu les mesures de prudence relatives au code PIN, mentionnées dans les conditions générales (assurez-vous toujours de l’impossibilité d’être observé à votre insu; choisir un code unique pour toutes vos cartes comporte des risques évidents). Cette méconnaissance peut être considérée comme négligence grave.

3. AVIS DU COLLEGE
Le Collège souligne tout d'abord que la banque en tant que fournisseur de services de paiement a méconnu l'article VII.35 du Code de droit économique. L'article VII.35 du Code de droit économique comprend en effet l'obligation, sauf dans le cas de constatation de fraude dans le chef du payeur après une vérification prima facie, de rembourser immédiatement au payeur le montant d’une opération de paiement non autorisée et de rétablir le compte de paiement débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu. Et c'est uniquement s’il est établi ultérieurement qu’une négligence grave (le cas échéant un agissement frauduleux) du payeur est à la base des opérations de paiement non autorisées que le compte du payeur peut à nouveau être débité.

En application des articles VII.30, 36§1 et 36§3 du Code de droit économique, le payeur est responsable des pertes liées aux opérations de paiement non autorisées qui ont eu lieu avant la notification de vol d’un instrument de paiement. Cette responsabilité est limitée à 150 euros, sauf lorsque le payeur a fait preuve de négligence grave. C'est le fournisseur de services de paiement qui doit apporter la preuve de l'existence d'une négligence grave.

Pour l'appréciation de l'existence ou non d'une négligence grave, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait. L’utilisation d’un instrument de paiement avec le code secret connu du seul utilisateur des services de paiement n'apporte en elle-même pas une preuve suffisante de l’existence d’une négligence grave.

Le Collège est d'avis qu'il y a insuffisance d'éléments disponibles dans ce dossier pour décider de l'existence d'une négligence grave dans le chef du payeur.

Ainsi, plus précisément le Collège souligne que :
- L’utilisation d’un même code pour trois instruments de paiement différents ne constitue pas en soi une négligence grave, mais seulement une imprudence, surtout que rien n'indique dans ce dossier qu'il s'agissait de codes évidents ou qu'ils étaient notés quelque part ;
- Si la communication du code secret à des tiers constitue en effet une négligence grave, elle ne conduit à une responsabilité illimitée du payeur que s'il existe un lien de causalité entre cette communication et les opérations de paiement non autorisées : hors dans ce cas il n’a pas été démontré que les opérations non autorisées ont été initiées directement ou indirectement par des personnes à qui le code aurait été communiqué ;
- Se laisser observer en introduisant le code n'est pas en soi une négligence grave. C'est encore moins le cas si ceci arrive dans le milieu familial du payeur, lorsque celui-ci peut légitimement faire confiance à son entourage et ne pas craindre d'être espionné ;
- Aucune négligence grave ne peut être déduite du simple fait que le code secret est correctement utilisé. Il faut des circonstances supplémentaires pour constituer une négligence grave. Ces circonstances ne sont pas présentes dans ce cas: la constatation que trois jours se sont écoulés entre la dernière opération de paiement autorisée et la première opération de paiement non autorisée ne justifie pas un soupçon de négligence grave ; le Collège estime qu’il est plausible que le code ait été espionné d'abord et que les instruments de paiement ont été volés quelques jours plus tard, quand la possibilité s’en est présentée.
Sur base de ce qui précède, le Collège estime que la plainte est recevable et fondée et enjoint la banque en sa qualité de fournisseur de services de paiement de créditer le compte du plaignant d'un montant de 9.071,68 euros, soit le montant des opérations de paiement non autorisées, diminué de 150 euro.

4. AVIS DE L’OMBUDSMAN
Compte tenu des discussions qui ont eu lieu entre les experts, l’Ombudsman rejoint la position du Collège et considère qu’il n’y a pas eu de négligence grave dans le chef du requérant. Par conséquent, la banque n’est pas libérée de son obligation d’intervenir en réparation du préjudice.
Dès lors, l’Ombudsman invite la banque à rembourser la somme de 9.071,68 euros au client et à confirmer la bonne exécution de l’opération.