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Paiements et comptes de paiements – Cartes – Opérations contestées.

2018.2910

THEME
Paiements et comptes de paiements – Cartes – Opérations contestées.
AVIS

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;
Madame N. Spruyt; Messieurs R. Steennot, A. Guigui, J. Vannerom, membres;

Date : 18 décembre 2018

1. DESCRIPTION DE LA PLAINTE
La demanderesse indique être partie le 15 mai 2018 avec son conjoint pour un voyage d'agrément en Italie. Au lendemain de leur arrivée en Italie, c'est-à-dire le 16 mai 2018, le conjoint de la demanderesse s'aperçoit qu'il s'est fait voler son portefeuille, lequel contenait notamment une carte bancaire appartenant à la demanderesse. Il s'agissait d'une carte de débit associée au compte bancaire de la demanderesse auprès de la Banque intervenant dans la présente affaire en qualité de défenderesse (ci-après "la Banque").
Dès que le vol du portefeuille fût constaté, la demanderesse fit opposition sur la carte de débit en question. Il s'avère toutefois qu'une série d'opérations bancaires frauduleuses avait déjà pu être réalisée plus tôt dans la journée au moyen de la carte de la demanderesse. Une opération de retrait suivie de quatre opérations d'achat furent en effet exécutées le 16 mai 2018 entre 10H27 et 10H59 pour un montant total de 3.412 euros.
A son retour en Belgique, le 22 mai 2018, une plainte à la police fût introduite par le conjoint de la demanderesse.
Une demande d'intervention fût également introduite par la demanderesse auprès de la Banque à concurrence des 3.412 euros débités à tort de son compte. La demanderesse affirme que le code secret de la carte bancaire volée ne figurait nulle part dans le portefeuille de son conjoint.
2. POSITION DE LA BANQUE
Après examen, la Banque refuse de faire droit à la demande d'intervention de la demanderesse au motif que la demanderesse et son conjoint auraient manqué à leur obligation de préserver la confidentialité de leur dispositif de sécurité personnalisé (en l’espèce le code secret).
La banque estime qu'au vu des circonstances de l'espèce, il lui est permis de présumer que le code secret devait soit accompagner d'une manière ou d'une autre la carte bancaire dans le portefeuille du conjoint de la demanderesse, soit être facilement déchiffrable à l'aide d'un document pouvant se trouver dans le portefeuille.
A l'appui de sa position, la Banque relève les éléments factuels suivants :
o L’entièreté du portefeuille du conjoint de la demanderesse a été dérobé. Ce portefeuille contenait non seulement la carte de la demanderesse mais également d'autres documents. Seule la carte bancaire de la demanderesse aurait été utilisée abusivement ;
o Le code secret lié à la carte de la demanderesse a été encodé correctement par le fraudeur dès la première tentative ;
o La dernière transaction effectuée avec la carte de la demanderesse date du 27 avril 2018, soit 19 jours avant le vol du portefeuille ;

Selon la Banque, ces éléments indiquent que le fraudeur n'a pas pu obtenir le code secret de la demanderesse en l’épiant puisque la carte volée n'a pas été utilisée ce jour-là. Or, le fraudeur a bien composé correctement le code secret de la carte dès la première tentative. Vu le nombre de possibilités de combinaisons, il est impossible que le fraudeur ait pu deviner ledit code du premier coup. Au vu de ce qui précède, la Banque considère qu'un ou plusieurs documents se trouvant dans le portefeuille ont permis au fraudeur d'obtenir aisément le code secret.
3. AVIS DES EXPERTS
La responsabilité en cas d’opération de paiement non autorisée survenue avant la transposition de la directive « PSD II » doit être déterminée au regard des règles en vigueur au moment des faits. La transposition tardive de la directive « PSD II » par le législateur belge n’a pas pour conséquence de rendre applicables ses dispositions à des opérations de paiement intervenues avant la date de sa transposition effective dans l’ordre juridique belge.
En l’espèce, les opérations de paiement litigieuses ont eu lieu en mai 2018, c’est à dire avant la transposition de la directive PSD II. Elles doivent donc être jugées selon les dispositions pertinentes du livre VII du code de droit économique.
Le Collège estime que les faits litigieux doivent être en particulier analysés au regard de l’article VII 36, § 1er alinéas 1 et 2 du code de droit économique qui dispose que :
« Par dérogation à l'article VII. 35, le payeur supporte, à concurrence de 150 euros, jusqu'à la notification faite conformément à l'article VII. 30, § 1er, 2°, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée consécutive à l'utilisation d'un instrument de paiement perdu ou volé ou, si le payeur n'est pas parvenu à préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés, au détournement d'un instrument de paiement.
Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent soit d'un agissement frauduleux de sa part, soit du fait qu'il n'a pas satisfait, intentionnellement ou à la suite d'une négligence grave, à une ou plusieurs des obligations qui lui incombent en vertu de l'article VII. 30. Dans ces cas, le montant maximal visé à l'alinéa 1er ne s'applique pas. »
Le Collège considère que l’opération de paiement litigieuse est une opération de paiement non autorisée au sens de l’article VII 36, § 1er alinéas 1 et 2 du code de droit économique. Les pertes qui en résultent ne devraient donc être supportées par le payeur [ici la demanderesse] qu’à concurrence de 150 euros. Le reste de la perte devrait être supporté par le prestataire du service de paiement [ici la Banque], sauf si ce dernier peut démontrer une négligence grave dans le chef du payeur.
A cet égard, l’article VII.36, §3 du code de droit économique dispose que la charge de la preuve en matière de négligence grave incombe à la banque. Sont notamment considérées comme négligences graves le fait, pour le client, de noter son code secret sous une forme aisément reconnaissable, et notamment sur sa carte bancaire ou sur un objet ou un document conservé ou emporté avec la carte.
Pour l'appréciation de la négligence, le juge tient compte de l'ensemble des circonstances de fait. L'utilisation de la carte avec le code connu du seul client ne constitue pas une présomption suffisante de la négligence de celui-ci.
En l’espèce, le Collège estime qu'au vu des circonstances, il existe un faisceau d'indices concordants permettant de démontrer l'existence d'une négligence grave dans le chef de la demanderesse au sens de l'article VII.36, § 1er, alinéa 2 du code de droit économique.
Au nombre de ces indices figure notamment le fait que l'usage frauduleux de la carte soit intervenu en Italie alors que cette carte n'avait jamais été utilisée dans ce pays par la victime. Cela implique que le fraudeur n'a pas pu prendre connaissance du code de la carte en épiant la demanderesse et/ou son conjoint. Cet élément, combiné au fait que le code a été introduit correctement dès la première tentative par le fraudeur, permettent de considérer que le code secret de la carte devait, d’une manière ou d’une autre, accompagner la carte bancaire dans le portefeuille du conjoint de la demanderesse.
Cette analyse est finalement corroborée par le fait que le fraudeur n’a pas tenté d’utiliser les cartes bancaires du conjoint de la demanderesse qui se trouvaient pourtant aussi dans le portefeuille volé. Le fait que le fraudeur se soit focalisé sur la carte de la demanderesse laisse en effet supposer qu’il disposait d’un moyen d’exploiter cette carte en particulier. Si tel n’avait pas été le cas, il est probable que le fraudeur aurait essayé toutes les cartes présentes dans le portefeuille.
En conclusion, le Collège considère que la demande de la demanderesse est recevable mais non fondée.
4. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN
Suite à l’introduction de la présente plainte et après analyse du Collège, l’Ombudsman se rallie à son avis.