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Paiements et comptes de paiements – Opérations à distance – Paiements par PC – Opérations contestées

 

2017.1882

 

THEME

 

Paiements et comptes de paiements – Opérations à distance – Paiements par PC – Opérations contestées

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président ;

Monsieur E. Struye, membre ;

Mesdames M. Mannès, N. Spruyt, membres.

 

Date : 19 septembre 2017

 

1.         VOTRE PLAINTE

 

Le 9 mars 2017, vers 12h30, la plaignante reçoit un appel téléphonique d’un numéro qu’elle ne connait pas. Une dame, qui dit s’appeler Brigitte Antoine, lui annonce qu’à l’issue d’un procès, plusieurs harceleurs téléphoniques avaient été condamnés à indemniser leurs victimes. Le numéro de la plaignante avait été retenu, elle doit recevoir la somme de €2680.

 

Pour finaliser l’opération, la plaignante est mise en relation avec un nommé Yvan David. Celui-ci lui demande de se munir de son « Card Reader » et de réaliser une série de manipulations. Elle s’exécute et lui communique les chiffres qui apparaissent sur son « Card Reader ».

 

L’homme annonce à la plaignante qu’il met fin à la conversation et qu’il la rappellera 10 minutes plus tard. Il ne rappellera jamais.

 

Enfin, la plaignante est contactée par la banque, qui lui signale qu’elle est probablement victime d’une escroquerie et qu’il vaut mieux bloquer sa carte immédiatement auprès de Card Stop, ce qu’elle fait.

 

En consultant ses extraits de comptes, quelques jours plus tard, la plaignante découvre qu’un montant de €3.500 avait été transféré du compte épargne de l’association dont elle est mandataire vers son compte personnel, puis que 3 opérations frauduleuses avaient été effectuées à partir de son compte, pour des montants respectifs de €552,84, €1.224 et €2.550, au bénéfice d’une plateforme de paiement en ligne.

 

Premièrement, la plaignante conteste avoir conclu un contrat permettant de faire des opérations en ligne. Deuxièmement, la plaignante s’étonne de la possibilité de réaliser un transfert d’argent depuis le compte épargne directement sur son compte à vue. Troisièmement, elle demande à la banque d’assumer ses responsabilités et de la dédommager des opérations frauduleuses.

 

2.         POSITION DE LA BANQUE

 

La banque est d’avis que la plaignante a fait preuve de négligence grave en communiquant les informations relatives à sa carte à un tiers et en effectuant les manipulations avec son digipass. La négligence grave dans le chef du client exonère la banque de toute obligation d’intervenir.

 

La banque répond également à la question du transfert d’argent depuis un compte épargne « non-particulier » vers un compte à vue « particulier. La banque se réfère à son Règlement Internet Banking et explique « qu’un client ne pourra pas, via son abonnement, consulter les comptes pour lesquels il est mandataire d’un client faisant partie du segment Public and Wholesale de la Banque ». Or, l’association ne fait pas partie du segment Public and Wholesale, mais bien du segment Retail – Non Profit Organisation de la banque. Dès lors, il était possible d’avoir accès aux comptes l’association via internet.

 

Enfin, la banque produit les documents attestant de la signature par carte bancaire de votre banque en ligne.

 

Compte tenu de ce qui précède, la banque maintient sa décision de ne pas vous dédommager.

 

3.         AVIS DES EXPERTS

 

En premier lieu, le Collège s'est attaché à l'appréciation de l'attitude de la requérante dans le cadre de l'exécution des opérations frauduleuses au moyen de sa carte bancaire.

 

L'article VII, 30 du Livre VII du Code de droit économique relatif aux services de paiement précise que l'utilisateur de services de paiement prend toutes les mesures raisonnables afin de préserver la sécurité de sa carte et de son code secret.

 

L'article VII, 37 du même livre VII prévoit que ledit utilisateur supporte jusqu'à la notification faite de la perte, du vol ou de l'utilisation frauduleuse de sa carte, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée et ce à concurrence de 150 euros, sauf s'il a agi avec négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond prévu n'est pas applicable.

 

A cet égard le Collège s'est penché sur les circonstances de fait et relève que la requérante a suivi sans aucune discussion les instructions de son interlocuteur au téléphone, lui a communiqué son numéro de carte bancaire, a été chercher un digipass chez sa voisine et a effectué elle-même, toujours sur instructions de son interlocuteur, toute une série d'opérations au moyen de sa carte et de son mot de passe, par le biais du digipass.

 

Au regard de ces éléments et même si la requérante a 81 ans, le Collège est d'avis, en l'espèce, qu'en communiquant par téléphone à un inconnu son numéro de carte bancaire,  en effectuant cette démarche d'aller chercher un lecteur bancaire chez une tierce personne  et en prêtant son concours actif  pour permettre l' exécution des opérations frauduleuses, la requérante n'a certes pas pris toutes les mesures de nature à préserver la sécurité  de  son instrument de paiement et de ses  dispositifs de sécurité personnalisés et qu'elle a donc commis une négligence grave.

 

Ensuite le Collège a procédé à l'appréciation d'une éventuelle faute de la banque, d'une part sur le plan de l’existence dans le chef de la requérante d'un contrat permettant d’effectuer par internet les opérations litigieuses et d'autre part sur le plan de la justification juridique de l'étendue des pouvoirs de la requérante sur les comptes dont elle est mandataire.

 

- Si la requérante conteste être titulaire d’un contrat lui permettant d'effectuer des opérations par internet, le Collège constate que la banque a transmis copie du logbook de l'historique des opérations initiées par la requérante en agence en date du 9 octobre 2015, dont il ressort clairement que celle-ci a d'abord effectué trois opérations à partir du self banking et a ensuite souscrit un contrat banque en ligne avec remise d'un lecteur de cartes.  Il est possible qu'à ce moment la requérante ait été intéressée par la possibilité à l'avenir d'effectuer des opérations au départ de chez elle sans plus devoir se rendre à l'agence et le fait qu'il n'en ait pas été fait usage jusqu'au jour des opérations frauduleuses n’invalide pas son existence, dont a profité le fraudeur.

 

- Le compte de la requérante est un compte à vue classique et le compte de l’association de fait, qui a fait l'objet des transferts litigieux, est un livret d'épargne retail, non profit organisation. La requérante est fondée de pouvoirs de l’association et mandataire sur le livret, sa signature seule étant suffisante pour effectuer des opérations, ce dont la banque a fourni la preuve.

 

Le règlement de la banque pour l'Internet banking précise en son article 1 m) que les comptes visés par le règlement sont ceux du client et ceux sur lesquels il a procuration.   La requérante a donc pouvoir de faire des opérations, entre autres par le canal d'internet, sur les deux comptes de l'association de fait, y compris la possibilité technique de transférer des montants de ces comptes vers un compte à son nom propre. Le livret de l'association de fait est par ailleurs un livret non réglementé donc non soumis aux conditions légales de l'AR CIR 92 pour bénéficier de l'exonération fiscale d'intérêts prévue à l'article 21 5° du CIR. Il est dès lors autorisé d'effectuer un transfert de ce livret au compte à vue d'un autre titulaire à savoir celui de la requérante.

 

A la lumière de ces éléments, le Collège estime qu'il n'y a pas de faute dans le chef de la banque.

 

En conclusion et vu la négligence grave dans le chef de la requérante, le Collège considère sa demande recevable mais non fondée.

 

4.         CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN

 

Compte tenu des discussions qui ont eu lieu entre les experts, l’Ombudsman rejoint la position du Collège et considère qu’il y a bien eu une négligence grave dans le chef de la plaignante. Par conséquent, la banque est exonérée de son obligation d’intervenir en réparation de son préjudice. Cette décision de médiation se fonde également sur tous les éléments de fait dont l’Ombudsman a pris connaissance au travers de l’analyse de ce dossier.