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Paiements et comptes de paiements - Opérations à distance - Paiements par PC - Opérations contestées

2018.1768

THEME

Paiements et comptes de paiements - Opérations à distance - Paiements par PC - Opérations contestées

AVIS

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;
Madame N. Spruyt; Messieurs R. Steennot, A. Guigui, J. Vannerom, membres;

Date : 9 octobre 2018

1. LES FAITS
Le 3 mai 2018 à 18 h 55, 18 h 57 et 18 h 58, trois paiements 3Dsecure de 999 euros ont été exécutés par le débit du compte courant de la plaignante au moyen de sa carte de banque originale dont elle n’a pas été délestée, le bon code secret et validé avec sa signature électronique générée au moyen d’un lecteur de carte.
A cette date, la plaignante disposait d’une limite d’utilisation pour des paiements par carte de 5.000 euros par semaine.
La banque proposait à la plaignante de prendre en charge la perte encourue au-delà du plafond standard d’utilisation hebdomadaire de 2.500 euros pour les paiements par carte, soit un montant de 497 euros. Cette dernière ne veut pas intervenir pour le préjudice subsistant parce qu’elle est d’avis que sa responsabilité n’est pas engagée.
2. LE POINT DE VUE DE LA PLAIGNANTE
La plaignante n’accepte pas la proposition de la banque estimant qu’elle a failli à son devoir de diligence et de suivi des transactions en instruisant les trois virements sur les comptes (PayPal PTE. Ltd Singapore pour deux transactions et www.stichting.nl DELFT pour une transaction) et actives dans des secteurs à risque en matière de fraude y compris fraude internet.
En outre, la plaignante invoque que ces transactions n’étaient pas isolées mais pour des montants répétitifs en dessous d’un seuil (1.000 euros) et dans un espace rapproché de temps pendant la même journée. Selon elle ces éléments sont autant d’indicateurs clairs en matière de fraude qui auraient dû alerter les services internes de la banque.
En outre, la plaignante est d’avis que la banque a l’obligation de mettre en place des mécanismes de prévention et de détection en matière de blanchiment d’argent. Selon elle la fraude est couverte par cette obligation étant donné que c’est une des infractions primaires au délit de blanchiment.
Enfin, la plaignante invoque qu’il appartient à la banque d’appliquer un devoir raisonnable de vigilance afin de préserver les intérêts de ses clients y compris de se conformer au code de conduite du secteur financier. Selon elle la banque aurait ainsi dû bloquer ces transactions et demander via un contact personnel confirmation de ces transactions.
Au vu de ce qui précède la plaignante demande à la banque de lui rembourser le montant indûment prélevé de son compte, à savoir 2.997 euros.
3. POSITION DE LA BANQUE
La banque constate que la plaignante ne rapporte pas la preuve d’avoir été délestée de sa carte bancaire. Si, comme la plaignante l’affirme, elle n’a pas utilisé sa carte le 3 mai 2018, la banque indique qu’il est possible qu’une personne indélicate qui en connaissait le code y ait eu temporairement accès.
La banque invoque l’article VII.36, § 2 du code de droit économique qui dispose que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement si ces pertes résultent d’une négligence grave de l’utilisateur. Cette négligence grave doit être appréciée suivant les circonstances de fait.
La banque est d’avis que lorsqu’on communique à un tiers les codes générés par le lecteur de carte, cela revient à communiquer ses dispositifs de sécurité personnalisés pour accéder à une session homebanking et à toute session de paiement de la banque sur internet. Selon la banque cela constitue une négligence grave qui l’exonère d’intervenir en faveur de la plaignante.
4. AVIS DES EXPERTS
La responsabilité de la banque en cas d’une opération de paiement non autorisée survenue avant la transposition en droit belge de la directive “PSD II” doit être déterminée au regard des règles en vigueur au moment des faits. La transposition tardive de cette directive par le législateur belge n’a pas pour conséquence de rendre applicables les dispositions de cette directive à des opérations de paiement intervenues avant la date de sa transposition effective dans l’ordre juridique belge.

En l’espèce, les opérations de paiement litigieuses ont eu lieu en mai 2018, c’est-à-dire avant la transposition de la directive PSD II. Elles doivent donc être jugées selon les dispositions du livre VII du code de droit économique qui étaient en vigueur à ce moment.

De ce qui précède, il résulte que les faits litigieux doivent être analysés au regard de l’article VII.36, § 1, premier et deuxième alinéa, du Code de droit économique qui dispose :

“Par dérogation à l’article VII.35, le payeur supporte, à concurrence de 150 euros, jusqu’à la notification faite conformément à l’article VII.30, § 1er, 2°, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée consécutive à l’utilisation d’un instrument de paiement perdu ou volé ou, si le payeur n’est pas parvenu à préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés, au détournement d’un instrument de paiement ».

“Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent soit d’un agissement frauduleux de sa part, soit du fait qu’il n’a pas satisfait, intentionnellement ou à la suite d’une négligence grave, à une ou plusieurs des obligations qui lui incombent en vertu de l’article VII.30. Dans ce cas, le montant maximal visé à l’alinéa 1er ne s’applique pas.”

Le Collège est d’avis que l’opération litigieuse est une opération de paiement non autorisée au sens de l’article VII.36, § 1, premier et deuxième alinéa, du Code de droit économique. Les pertes qui en résultent ne doivent être supportées par le payeur, ici la plaignante, qu’à concurrence de 150 euros. Le reste de la perte doit être supporté par le prestataire de service, ici la banque, sauf si ce dernier peut démontrer une négligence grave dans le chef du payeur.

L’article VII.36, § 3, du Code droit économique dispose que la charge de la preuve en matière de négligence grave repose sur le prestataire de service de paiement. Sur la base des éléments du dossier, le Collège estime que la banque reste en défaut d’apporter la preuve d’une quelconque négligence grave dans le chef de la plaignante.

En conclusion le Collège est d’avis que la perte résultant des paiements litigieux doit être supportée par la plaignante à concurrence de 150 euros et par la banque à concurrence de 2.997 - 150 = 2.847 euros.

Le Collège recommande donc à la banque de rembourser à la plaignante le montant de 2.847 euros.

5. CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN
Suite à l’introduction de la présente plainte et après analyse du Collège, l’Ombudsman informe le demandeur qu’elle se rallie à son avis.
Dans le cas présent, la plaignante est toujours restée en possession de son instrument de paiement et la banque reste en défaut de prouver la négligence grave. L’Ombudsman est d’avis que la banque doit intervenir dans le préjudice que la plaignante a subi.