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Service bancaire de base – obligation d’identification.

 

2015.763

 

THEME

 

Service bancaire de base – obligation d’identification.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres
Mesdames M. Mannès, N. Spruyt, membres.

 

Date : 3 juillet 2015

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

La requérante est ressortissante congolaise, porteuse d'un passeport congolais , en situation irrégulière sur le territoire belge. Une demande de régularisation est en cours d'examen. La requérante vit en Belgique avec son compagnon et ses deux enfants dont le plus jeune est détenteur d'un certificat d'identité pour enfant de moins de 12 ans délivré par la commune, ce qui ouvre le droit aux allocations familiales. Afin de percevoir ces allocations familiales, la requérante a voulu ouvrir un compte bancaire, du type service bancaire de base, auprès de la banque, ce qui lui a été refusé pour défaut de document probant attestant de sa résidence principale en Belgique.

 

La requérante estime satisfaire aux conditions requises par la loi du 24 mars 2003 sur le service bancaire de base pour l'ouverture d'un compte assorti d'un tel service puisqu'elle produit une attestation délivrée par le CPAS de la commune relative à sa résidence principale, avec sa famille.

 

La banque se fonde sur la loi du 11 janvier 1993, modifiée le 18 janvier 2010, relative à la prévention du blanchiment, et sur la Circulaire de la CBFA du 6 avril 2010, modifiée le 1er mars 2011,  particulièrement sur le plan des obligations d'identification de la clientèle par les organismes bancaires, pour refuser l'ouverture du compte en raison de l'impossibilité d'identifier correctement  la requérante, de nationalité étrangère, qui n'est pas en mesure de fournir une attestation d'immatriculation modèle A, figurant dans la liste des documents repris à l'Arrêté royal  du 8 octobre 1981, délivrée par la commune de résidence.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

Le Collège fait remarquer que la loi relative à la prévention du blanchiment et du financement du terrorisme est d'ordre public et a fait l'objet du règlement de la CBFA  du 27 juillet 2004, approuvé par arrêté royal du 8 octobre 2004, et de la circulaire précitée du 6 avril 2010, modifiée à plusieurs reprises, relatifs entre autres aux devoirs de diligence des banques au sujet de la clientèle.

 

Les articles 7 à 10 du règlement précité évoquent les documents probants à obtenir par les banques pour vérifier l'identité des clients personnes physiques et précisent que pour les personnes de nationalité étrangère établies en Belgique, la vérification de l'identité se fait, à défaut d'un certificat d'inscription au registre des étrangers, au moyen d'un document délivré par une autorité publique belge, selon les différentes annexes à l'arrêté royal du 8 octobre 1981. Le commentaire de ces dispositions dans la circulaire de la CBFA précise que le but en est notamment de ne pas exclure les personnes en situation précaire sur le territoire belge de l'accès aux services financiers.

 

Par ailleurs, le Collège fait remarquer que les obligations des banques en matière d'identification, et de vérification de l'identité, des clients, ont évolué avec la loi du 18 janvier 2010 modifiant celle du 11 janvier 1993 et avec la circulaire de la CBFA du 1er mars 2011, modifiant celle du 6 avril 2010, en ce sens que la vérification porte maintenant sur le nom, le prénom, mais aussi le lieu et la date de naissance. L'adresse par contre n'est plus reprise dans cette liste mais la circulaire précise que des informations pertinentes doivent en outre être recueillies, dans la mesure du possible, concernant l'adresse des personnes identifiées. La circulaire précise à ce propos que pour les personnes non inscrites au Registre National, il peut être recouru, au titre de document susceptible de faire preuve, à tout document émis par une autorité publique, comme un permis de conduire, une carte de sécurité sociale ou un document émis par l'administration communale pour faire preuve de l'adresse. Le législateur et la CBFA ont ainsi allégé les contraintes relatives à l'adresse.

 

Enfin, le Collège rappelle qu'en vertu de la loi relative à la prévention du blanchiment et des prescriptions de la CBFA, les banques doivent mettre en œuvre une politique d'acceptation de la clientèle qui doit prévoir de soumettre l'entrée en relation avec un client, et le maintien de cette relation,  à une évaluation du risque lié au profil dudit client.

 

Le Collège a confronté ces obligations aux circonstances de fait liées à la demande de la requérante et il a relevé les points suivants. La requérante ne dispose, en effet, pas d'un titre de séjour mais sur base de son passeport la banque peut vérifier son identité, la date et le lieu de naissance. La banque est par ailleurs en possession de plusieurs documents susceptibles de faire preuve de l'adresse de la requérante sur le territoire belge, émanant de la commune et du CPAS. Enfin sur le plan des risques, la requérante vit en famille avec son compagnon qui est en recherche d'un emploi, et deux jeunes enfants dont un est scolarisé et le plus jeune titulaire d'un certificat d'identité délivré par la commune; la demande d'ouverture d'un compte avec service bancaire de base vise clairement à mettre en œuvre le droit à l'aide sociale.

 

Sur la base de ces éléments, le Collège est d'avis, d'une part, que la banque est en mesure de satisfaire de manière suffisante à ses obligations d'identification de la requérante, dans le respect des prescriptions légales et prudentielles et particulièrement en tenant compte de la position de la CBFA en matière d'accès aux services financiers pour les personnes en situation précaire, et d'autre part, que la situation de la requérante est suffisamment claire et rassurante au niveau de l'appréciation de l'absence de risque de blanchiment ou de financement du terrorisme.

 

En conséquence, le Collège estime que la banque procède à une application erronée du dispositif légal et réglementaire en matière de prévention du blanchiment en refusant l'ouverture du compte avec service bancaire de base et prive  la requérante de manière injustifiée de l'accès aux services financiers belges et à certains de ses droits sociaux.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère que la demande de la requérante est recevable et fondée.

 

Il invite la banque à ouvrir à la requérante le compte souhaité.

 

La banque a suivi l’avis du Collège.