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Vol – code identique pour les deux cartes – retrait frauduleux 4h après dernière transaction – pas négligence grave.

 

2013.1876

 

 

THEME

 

Vol – code identique pour les deux cartes – retrait frauduleux 4h après dernière transaction – pas négligence grave.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Madame M. Mannès, membre.

 

Date : 18 mars 2014

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Le lundi 22 avril 2013, vers 17h30, la requérante se fait dérober son portefeuille dans un bus à Berlin.

 

Elle appelle Cardstop pour bloquer ses cartes bancaire et de crédit présentes dans son portefeuille, ce qui est fait à 18h41.

 

Des opérations frauduleuses au moyen des deux cartes sont opérées, le jour même, à concurrence de 3.238 €. Le premier retrait qui a lieu à 17h43 est opéré directement avec le bon code. La dernière transaction litigieuse a lieu à 18h05. Il y a un retrait de 505 € (frais compris) au départ de la carte de crédit, un retrait de 500 € via un bancontact, un paiement de 77 € et 7 paiements d’un même montant de 308 €.

 

Dans sa déclaration à la police en Belgique, du 24 avril 2013, la requérante explique que :

-      en voyage à Berlin, elle a pris le bus, le lundi 22 avril 2013, vers 18h/18h30, pour se rendre dans le centre de cette ville;

-      elle a constaté le vol de son portefeuille quand elle a voulu faire un paiement peu de temps après avoir quitté le bus;

-      elle est sûre que le vol s’est produit pendant le trajet en bus;

-      elle a déposé plainte auprès de la police allemande.

 

Le lendemain matin, dans une déclaration complémentaire, elle précise que :

-      deux cartes bancaires lui ont été dérobées;

-      elle vient de constater leur usage frauduleux à Berlin;

-      son code secret n’était pas repris dans ses documents.

 

Elle sollicite l’intervention financière de la banque.

 

Celle-ci s’y refuse aux motifs :

-      que les circonstances de fait lui permettent de présumer qu’un indice quelconque se trouvait dans le portefeuille dérobé et a permis au voleur d’identifier le code secret ou que celui-ci était facilement identifiable; elle souligne à cet effet que la dernière utilisation non contestée de la carte de débit a été effectuée en Belgique, le 18 avril 2013 à 16h22, ce qui exclut l’hypothèse où la requérante aurait été épiée lors de l’introduction de son code;

-      que si une opération non contestée a effectivement eut lieu, le 22 avril 2013 à Berlin pour un montant de 29,20 € avec la carte de crédit, elle remonte à 13h23, ce qui exclut, vu le délai écoulé, une fraude par observation du code;

-      qu’à suivre l’hypothèse de l’observation du code de cette carte par un tiers, à 13h23, et qui serait à l’origine de la fraude, il y a alors une imprudence dans le chef de la requérante d’avoir opté pour un code identique pour les deux cartes;

-      qu’en vertu de ses conditions générales relatives aux cartes de banque et aux services Phone Banking et PC Banking, le titulaire de la carte s’engage à mémoriser son code secret, à ne l’inscrire ni sur la carte, ni sur un autre document ou objet (article VI.1) et qu’est notamment considéré comme négligence grave, le fait pour le titulaire de noter tout code PIN, sous forme lisible, sur la carte, sur l’appareil ou sur un objet ou un document conservé ou emporté par le titulaire avec la carte; de divulguer le code PIN à un tiers (article VI.4.4.2.1) en sorte qu’elle considère qu’il y a une négligence grave conformément à l’article VI.4.1.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

L’article 31, § 2, de la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement précise que l’utilisateur de services de paiement prend toutes les mesures raisonnables afin de préserver la sécurité de sa carte et de son code secret.

 

L’article 37, § 1, de la même loi prévoit que le client supporte jusqu’à la notification faite de la perte, du vol ou de l’utilisation frauduleuse de sa carte, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée et ce à concurrence d’un montant de 150,00 €, sauf s’il a agi avec négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond prévu n’est pas applicable.

 

L’article 37, § 3, indique que la charge de la preuve en matière de fraude, d’intention ou de négligence grave incombe au prestataire de services de paiement. Pour l’appréciation de la négligence, le juge tient compte de l’ensemble des circonstances de fait.

 

L’utilisation de l’instrument de paiement avec le code connu du seul utilisateur de services de paiement ne constitue pas une présomption suffisante de la négligence de celui-ci.

 

La seule utilisation des cartes de crédit et de débit de la requérante avec le bon code n’emporte pas la preuve d’une négligence grave dans le chef de celle-ci.

 

La requérante conteste fermement avoir noté de quelque manière et sur quelque support que ce soit ses codes PIN.

 

Il est parfaitement vraisemblable que le ou les malfrats aient espionné la requérante lorsqu’elle a utilisé sa carte de crédit à Berlin en début d’après-midi du 22 avril 2013 pour ensuite la filer et attendre le moment propice pour lui dérober son portefeuille contenant ses cartes bancaires et les utiliser à l’aide du code secret qu’ils avaient surpris un peu plus tôt dans la journée.

 

Ce fait ne constitue pas en soi une négligence grave dans le chef de la requérante au regard de la loi du 10 décembre 2009.

 

Quant aux conditions générales relatives aux cartes de banque et aux services Phone Banking et PC Banking dont se prévaut la banque, l’article VI.1 énonce notamment que « Les cartes, codes PIN et procédés de signature sont rigoureusement personnels au titulaire. Le titulaire prend toutes les précautions nécessaires pour assurer la sécurité et, le cas échéant, la discrétion à propos de ses cartes, code PIN et procédés de signature. En ce qui concerne spécifiquement tout code PIN, il s’engage à le mémoriser, à ne l’inscrire sur aucun document, objet ou support que ce soit, à ne pas le divulguer ni le laisser connaître d’une manière ou d’une autre. Il s’engage de même à ne pas laisser ses cartes, code PIN et procédés de signature à la portée ou à la disposition d’un tiers ».

 

L’article VI.4.1 indique que « Jusqu’au moment de la notification prévue à l’article VI.2., le titulaire est responsable des conséquences liées à la perte ou au vol de sa carte ou de ses procédés de signature à concurrence d’un montant de 150 EUR, sauf s’il a agi avec négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond prévu n’est pas applicable ».

 

Et l’article VI.4.2. , « Après la notification prévue à l’article VI.2., le titulaire n’est plus responsable des conséquences liées à la perte ou au vol de sa carte ou de ses procédés de signature, sauf si la Banque apporte la preuve que le titulaire a agi frauduleusement, et sauf ce qui est stipulé à l’article VI.4.3 ».

 

Aux termes de l’article VI.4.4.1., ne pas respecter ces conseils de prudence « peut » être considéré comme négligence grave dans le chef du titulaire « compte tenu de l’ensemble des circonstances de fait et sans préjudice du pouvoir d’appréciation souverain du juge ». 

 

L’article VI.6.2 prévoit un ensemble de mesures de prudence relatives aux codes PIN, comme ne pas le noter même sous forme codée, le conserver secret et ne le communiquer à personne, éviter lors du choix d’un code PIN les combinaisons trop évidentes (par exemple, une partie de sa date de naissance, de son numéro de téléphone, le code postal de sa commune, etc.), ou encore ne pas choisir un code PIN unique pour toutes ses cartes.

 

Quant à l’article VI.4.4.2.1. expressément invoqué par la banque, il mentionne que « dans les limites susmentionnées, est notamment considéré comme négligence grave le fait pour le titulaire: de noter tout code PIN, sous forme lisible, sur la carte, sur l’appareil ou sur un objet ou un document conservé ou emporté par le titulaire avec la carte; de divulguer le code PIN à un tiers ».

 

Si cette dernière disposition est interprétée comme ne portant pas atteinte au pouvoir d’appréciation souverain du juge par la référence qui est faite aux « limites susmentionnées » et donc à l’article VI.4.4.1. et comme n’érigeant pas contractuellement en une négligence grave les comportements y mentionnés mais les présentant comme étant susceptibles de constituer aux yeux de la banque une négligence grave compte tenu des circonstances de fait, elle n’est pas critiquable.  Il semble que cette interprétation est celle suivie par la banque puisque dans son courrier du 3 juin 2013, elle « considère » que la requérante a commis une négligence grave « sur base des circonstances de fait et conformément à l’article VI.4.1 ».

 

Si cette disposition devait au contraire être interprétée comme érigeant contractuellement les comportements y mentionnés en négligence grave et comme privant le juge de son pouvoir d’appréciation, elle est alors critiquable.

 

Quoiqu’il en soit, la banque ne démontre, en toute hypothèse, pas que la requérante aurait noté ses codes PIN, sous forme lisible, sur ses cartes, sur l’appareil ou sur un objet ou un document conservé ou emporté par elle avec ses cartes ou encore aurait divulgué les code PIN à un tiers.

 

En conclusion, le Collège est d’avis qu’il doit être tenu compte, comme la loi le prévoit pour le juge, de l’ensemble des circonstances de fait pour établir s’il y a eu ou non négligence grave de la part de la requérante.

 

En l’espèce, les éléments mis en exergue par la banque, pris isolément ou ensemble, n’emportent pas la preuve d’une négligence grave dans le chef de la requérante.

 

Rien n’établit que celle-ci aurait noté son code sur un document conservé dans son portefeuille, ce qu’elle conteste du reste formellement. Il n’est pas exclu que le ou les voleurs aient épié la requérante lors de la dernière utilisation de sa carte de crédit à Berlin et qu’ils aient ensuite attendu le moment le plus opportun pour lui dérober son portefeuille contenant ses cartes de banque ou encore qu’ils aient fortuitement recroisé les pas de la requérante dans le bus et décidé à cette occasion de lui dérober sa carte de banque dont ils avaient précédemment épié le code.

 

De même, à supposer que la requérante ait choisi le même code pour ses deux cartes, ce qui n’est qu’une supposition en l’absence de tout élément à cet égard dans les documents soumis à l’examen du Collège et dans la mesure où la banque se contente d’affirmer que le code était aisément identifiable, ce choix ne constitue néanmoins pas une négligence grave.

 

A l’examen de l’ensemble des circonstances de fait, le Collège estime que la banque n’apporte pas la preuve de la négligence grave de la requérante.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère dès lors que la demande d’indemnisation de la requérante est recevable et fondée. Il invite la banque à rembourser à la requérante la somme de 3.088,00 € calculée comme suit :

 

- retraits frauduleux :

3.238,00 €

- franchise :

150,00 €

- montant à rembourser :

3.088,00 €

 

La banque a suivi l’avis du Collège.