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Vol au domicile, retraits frauduleux, abus de confiance.

2011.0749

 

THEME

 

Vol au domicile, retraits frauduleux, abus de confiance.

 

AVIS

 

Présents :


Messieurs A. Van Oevelen, Président;

 

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président,

 

Messieurs F. de Patoul, P. Drogné, N. Claeys, L. Jansen, W. Van Cauwelaert, C.-G. Winandy, membres.

 

Date : 13 septembre 2011

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Le 22 mai 2010, la requérante, alors âgée de 87 ans, reçoit la visite à son domicile de deux personnes auxquelles elle remet sa carte bancaire et sa carte Visa.

 

Le même jour, il est procédé à différents retraits d’argent et paiements au moyen de ces deux cartes, à concurrence de 2.905,35 € avec la carte bancaire et de 1.867,62 € avec la carte Visa. Le premier retrait qui a lieu à 13h25 est opéré directement avec le bon code.

 

A 16h13, la requérante téléphone à Cardstop pour bloquer ses cartes. Lors de l’entrée de l’appel, elle signale qu’il s’agit d’une perte d’une carte avec code. Lors du traitement de l’appel, elle précise à son interlocuteur qu’il s’agit du vol de deux cartes, sans code. Elle situe les faits tantôt vers 13h00, tantôt vers 16h30 alors qu’il n’est pas encore 16h30. A plusieurs reprises, elle communique son code à son interlocuteur chez Cardstop. Elle lui explique également que le code aurait pu être vu par quelqu’un portant une blouse blanche et lui demande s’il ne l’a pas vu.

 

Les cartes sont bloquées à 16h22.

 

Le 25 mai 2010, la requérante dénonce à la préposée de la banque un usage frauduleux de sa carte bancaire. Sur le formulaire de plainte, contresigné par la requérante, la préposée note que « 2 personnes ont fait peur à Madame lui expliquant que les cartes de banque ont changé et qu’il faut le leur remettre. Dans le stress et la confusion, [la requérante] leur remet(…) les cartes et ils ont utilisé les cartes pour retirer de l’argent et utiliser par payement dans 1 magasin » (sic).

 

Le 28 juillet 2010, le fils de la requérante porte plainte auprès de la police. Précisant que sa mère souffre de problèmes de confusion spatio-temporelle, il explique qu’à la suite de l’examen des extraits de compte de la requérante - justifié par un vol perpétré par un faux policier en date du 5 juillet 2010 au préjudice de sa mère -, il est apparu que des opérations frauduleuses avaient été opérées, le 22 mai 2010, au moyen de la carte Visa.

 

La requérante sollicite l’intervention financière de la banque et d’Atos Worldline.

 

 

Point de vue de la requérante

 

La requérante soutient avoir été victime d’un acte de violence morale grave de la part de deux personnes qui se sont fait remettre ses cartes de banque et de crédit, abusant de son âge et de son état de stress.

 

Point de vue de la banque et de Atos Worldline

 

La banque refuse toute intervention au motif que la requérante a commis une négligence grave en remettant ses cartes et en communiquant son code aux deux personnes qui se sont présentées à son domicile.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

L’article 31, § 2 de la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement précise que l’utilisateur de services de paiement prend toutes les mesures raisonnables afin de préserver la sécurité de sa carte et de son code secret.

 

L’article 37, § 1 de la même loi prévoit que le client supporte jusqu’à la notification faite de la perte, du vol ou de l’utilisation frauduleuse de sa carte, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée et ce à concurrence d’un montant de 150,00 €, sauf s’il a agi avec négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond prévu n’est pas applicable.

 

L’article 37, § 3 indique que la charge de la preuve en matière de fraude, d’intention ou de négligence grave incombe au prestataire de services de paiement. Pour l’appréciation de la négligence, le juge tient compte de l’ensemble des circonstances de fait. L’utilisation de l’instrument de paiement avec le code connu du seul utilisateur de services de paiement ne constitue pas une présomption suffisante de la négligence de celui-ci.

 

Dans son avis, le Collège tient compte, comme la loi le prévoit pour le juge, de l’ensemble des circonstances de fait pour établir s’il y a eu ou non négligence grave de la part de la requérante.

 

La requérante affirme avoir été victime d’un acte de violence morale grave de la part de deux personnes qui se sont présentées à son domicile et qui ont abusé de son âge, de sa crédulité et de son stress.  Elle conteste leur avoir communiqué son code.

 

Il est néanmoins constant que la carte bancaire a été utilisée directement avec le bon code.  Si, selon les dispositions légales, l’utilisation de la carte avec le code connu de la seul requérante n’emporte pas à elle seule la preuve d’une négligence, elle constitue néanmoins un élément dont il peut être tenu compte dans l’appréciation des circonstances de faits.

 

Force est de constater que la requérante a communiqué, à au moins deux reprises, son code à son interlocuteur après de Cardstop alors qu’il ne s’agit pas d’une information nécessaire pour bloquer les cartes.

 

Les autres éléments soumis à l’appréciation du Collège ne révèlent pas, quant à eux, que les deux personnes aient exercé sur la requérante une contrainte injuste ou lui aient inspiré la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent.

 

De la propre déclaration de la requérante à la préposé de la banque, le 25 mai 2010, la peur qu’elle a ressentie, résulte de l’explication fournie par ces personnes selon laquelle les cartes de banque auraient changé.

 

Si la requérante était stressée et confuse, il n’est pas établi que ce soit la conséquence d’un acte de violence morale exercé par ces individus et de nature à impressionner une personne du même âge placée dans les mêmes circonstances.

 

Aux dires du propre fils de la requérante, celle-ci souffre de problèmes de confusion spatio-temporelle. Cette confusion mentale peut également expliquer la remise des cartes, voire des codes, par la requérante à des inconnus, sans que pour autant elle y ait été moralement contrainte et qu’elle s’en souvienne.

 

Le Collège est dès lors d’avis, en l’espèce, qu’en remettant ses cartes bancaire et de crédit à des inconnus, la requérante n’a pas pris toutes les mesures de nature à en assurer la sécurité et qu’elle a commis une négligence grave.

 

Le Collège est également d’avis que si la requérante estimait que son âge et sa crédulité, éléments mis en exergue pour soutenir la thèse d’une violence morale, étaient des données importantes dans l’appréciation de son comportement, elle était la mieux placée pour juger de l’opportunité de recourir à l’usage de tels instruments de paiement.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère que la demande d’indemnisation de la requérante est recevable mais non fondée.