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Vol de carte – date de naissance – les conditions générales ne se substituent pas à la preuve de la négligence grave.

2013.0192

 

THEME

 

Vol de carte – date de naissance – les conditions générales ne se substituent pas à la preuve de la négligence grave.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Madame M. Mannès, membre.

 

Date : 24 septembre 2013

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Le samedi 10 novembre 2012, la requérante, âgée de 78 ans, se voit dérober son portefeuille.

Elle constate la disparition de son portefeuille lequel contenait sa carte bancaire après avoir regagné son domicile.

Elle appelle Cardstop pour bloquer sa carte, ce qui est fait à 19h02.

Des retraits frauduleux au moyen de sa carte sont opérés, le jour même, à concurrence de 867,09 €. Après un premier essai infructueux en raison de l’introduction d’un mauvais code, un premier retrait a lieu à 18h00. Il sera suivi d’autres retraits, la dernière transaction litigieuse ayant lieu à 19h01.

 

Dans sa déclaration à la police, du 12 novembre 2012, la requérante explique que :

  • elle a pris le train à T. pour aller à N.;
  • dans le courant de l’après-midi elle s’est arrêtée auprès d’un marchand de gaufres et a déposé son sac à main par terre, son portefeuille étant apparent;
  • lorsqu’elle est rentrée chez elle vers 18h30, elle en a constaté la disparition.

 

Elle sollicite l’intervention financière de la banque.

Celle-ci s’y refuse aux motifs :

  • d’une part, que les circonstances de fait lui permettent de présumer que le code secret a été noté sur un document conservé dans le portefeuille ou était facilement identifiable; elle souligne à cet effet que la dernière utilisation non contestée de la carte a été effectuée deux jours auparavant, ce qui exclut l’hypothèse où la requérante aurait été épiée lors de l’introduction de son code, et que le portefeuille a été dérobé avec tout son contenu ;
  • et d’autre part, qu’en vertu de ses conditions générales relatives aux cartes de banque et aux services Phone Banking et PC Banking, le non-respect des conseils de prudence repris à l’article VI.6 desdites conditions peut être considéré comme une négligence grave dans le chef du titulaire de la carte.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

L’article 31, § 2, de la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement précise que l’utilisateur de services de paiement prend toutes les mesures raisonnables afin de préserver la sécurité de sa carte et de son code secret.

 

L’article 37, § 1, de la même loi prévoit que le client supporte jusqu’à la notification faite de la perte, du vol ou de l’utilisation frauduleuse de sa carte, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée et ce à concurrence d’un montant de 150,00 €, sauf s’il a agi avec négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond prévu n’est pas applicable.

 

L’article 37, § 3, indique que la charge de la preuve en matière de fraude, d’intention ou de négligence grave incombe au prestataire de services de paiement. Pour l’appréciation de la négligence, le juge tient compte de l’ensemble des circonstances de fait.

 

Il mentionne cependant que l’utilisation de l’instrument de paiement avec le code connu du seul utilisateur de services de paiement ne constitue pas une présomption suffisante de la négligence de celui-ci.

 

Il résulte de cette dernière disposition que la seule utilisation de la carte bancaire de la requérante avec le bon code, n’emporte pas la preuve d’une négligence grave dans le chef de celle-ci.

 

La banque se réfère aux articles VI.6.2 et VI.4.4.1. de ses conditions générales relatives aux cartes de banque et aux services Phone Banking et PC Banking.

 

L’article VI.6.2 prévoit un ensemble de mesures de prudence relatives aux codes PIN. Il est ainsi recommandé au titulaire d’une carte de, dès la réception d’un code PIN, le mémoriser et détruire le document sur lequel il a été communiqué, d’ensuite le changer dès que possible à un distributeur de billets, de le conserver secret et de ne le communiquer à personne (même pas à un membre de la famille, un(e) ami(e) ou une personne soi-disant bien intentionnée, à la banque, aux services de police ou d’assurance), de ne pas le noter même sous forme codée (par exemple, en le dissimulant dans un faux numéro de téléphone), de toujours composer le code PIN à l’abri des regards indiscrets (que ce soit à un distributeur de billets ou chez un commerçant ou le clavier de son PC), de ne jamais laisser personne voir ce qu’il fait et de toujours s’assurer de l’impossibilité d’être observé à son insu (par exemple, en masquant le clavier à l’aide de sa main), de ne se laisser distraire par personne ni aider par un inconnu, d’informer immédiatement la banque et le cas échéant le commerçant en cas de circonstances inhabituelles, d’éviter lors du choix d’un nouveau code PIN les combinaisons trop évidentes (par exemple, une partie de sa date de naissance, de son numéro de téléphone, le code postal de sa commune, etc.), ou encore de ne pas choisir un code PIN unique pour toutes ses cartes.

 

L’article VI.4.4.1. dispose, quant à lui, que ne pas respecter ces conseils de prudence « peut » être considéré comme négligence grave dans le chef du titulaire « compte tenu de l’ensemble des circonstances de fait et sans préjudice du pouvoir d’appréciation souverain du juge ».

 

Dans la mesure où le pouvoir d’appréciation des cours et tribunaux est expressément rappelé par la banque et où les comportements mis en exergue par cette dernière ne sont pas contractuellement érigés en une négligence grave mais sont présentés comme étant susceptibles de constituer à ses yeux une négligence grave compte tenu des circonstances de fait, ces dispositions n’apparaissent pas critiquables.

 

Il demeure qu’il appartient à la banque d’apporter la preuve de la négligence grave.

 

Dans sa décision, le Collège tient dès lors compte, comme la loi le prévoit pour le juge, de l’ensemble des circonstances de fait pour établir s’il y a eu ou non négligence grave de la part de la requérante.

 

Le Collège est d’avis, en l’espèce, que les éléments mis en exergue par la banque, pris isolément ou ensemble, n’emportent pas la preuve d’une négligence grave dans le chef de celle-ci.

 

Rien n’établit que la requérante aurait noté son code sur un document conservé dans son portefeuille, ce qu’elle conteste du reste formellement. Le fait que ce n’est qu’au deuxième essai qu’un retrait a pu être opéré contredit d’ailleurs l’hypothèse du code noté sous une forme quelconque dans son portefeuille.

 

Par ailleurs, à supposer que la requérante ait choisi quatre chiffres de sa date de naissance dans son code, ce qui n’est qu’une supposition en l’absence de tout élément à cet égard dans les documents soumis à l’examen du Collège et dans la mesure où la banque se contente d’affirmer que le code était aisément identifiable, si ce choix est imprudent, il ne constitue néanmoins pas une négligence grave, les combinaisons entre le jour, le mois et/ou l’année étant au demeurant multiples.

 

A l’examen de l’ensemble des circonstances de faits, Le Collège estime que la banque n’apporte pas la preuve de la négligence grave de la requérante.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère dès lors que la demande d’indemnisation de la requérante est recevable et fondée. Il invite la banque à rembourser à la requérante la somme de 717,09 € calculée comme suit :

 

  • retraits frauduleux :                  867,09 €
  • franchise :                                150,00 €
  • montant à rembourser :            717,09 €

 

La banque a suivi l’avis du Collège.