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Vol de carte en agence, retraits frauduleux, code introduit à la demande du voleur.

2010.2236

 

THEME

 

Vol de carte en agence, retraits frauduleux, code introduit à la demande du voleur.

 

AVIS

 

Présents :


Messieurs A. Van Oevelen, Président;

 

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

 

Messieurs P. Drogné, N. Claeys, L. JANSEN, W. Van Cauwelaert, C.-G. Winandy, membres.

 

Date : 15 février 2011

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Le 26 septembre 2010, le requérant se rend au Self de sa banque et y retire, à 9h41, 50 euros. Dans les minutes qui suivent, quatre retraits frauduleux sont réalisés, pour un montant total de 2.450 euros.

 

Point de vue du requérant

 

Selon le requérant, tel que c’est exprimé dans sa plainte à la police le 7 octobre 2010, la carte bancaire n’est pas ressortie de l’appareil lorsqu’il a voulu la récupérer. Un homme se trouvant au guichet à sa droite et une dame se trouvant à ses côtés lui ont alors dit qu’ils avaient déjà rencontré ce problème et qu’il devait refaire son code pour la récupérer. Ce que le requérant a fait. La carte ne sortant toujours pas, il a alors appelé Card Stop. Au bout de cinq minutes, il a pu avoir un responsable en ligne. La carte a finalement été bloquée à 9h49. Le 7 octobre 2010, le requérant constate, à la lecture de ses extraits de compte, que quatre retraits frauduleux, d’un montant total de 2.450 euros, ont été réalisés le 26 septembre 2010 à l’aide de sa carte. Le requérant soupçonne l’homme et la femme qui se trouvaient à ses côtés d’être à l’origine de ces retraits. Le requérant demande à la banque le remboursement des sommes indûment prélevées.

 

Point de vue de la banque

 

La banque, se basant sur les extraits de la bande-journal du Self, résume le déroulement des faits comme suit :

 

Terminal 22

 

9:41:23 : Introduction de la carte par le requérant

9:41:32 : Retrait de 50 EUR par le requérant (retrait légitime)

9:41:38 : Introduction du code secret par le requérant

9:42:01 : Récupération de la carte, probablement par le fraudeur

 

Terminal 22

 

9:42:22 : Introduction de la carte, probablement par le fraudeur

9:42:26 : Récupération de la carte, probablement par le fraudeur

 

Terminal 22 – Premier retrait contesté réalisé par le fraudeur

 

9:43:00 : Introduction de la carte

9:43:06 : Retrait de 20 EUR

9:43:15 : Introduction du code secret correct

9:43:36 : Récupération de la carte

 

Terminal 28 – Deuxième retrait contesté réalisé par le fraudeur

 

9:44:52 : Introduction de la carte

9:45:09 : Retrait de 1.500 EUR

9:45:13 : Introduction du code secret correct

9:45:57 : Récupération de la carte

 

Terminal 28 – Troisième retrait contesté réalisé par le fraudeur

 

9:46:08 : Introduction de la carte

9:46:20 : Retrait de 500 EUR

9:46:24 : Introduction du code secret correct

9:47:00 : Récupération de la carte

 

Terminal 28 – Quatrième et dernier retrait contesté réalisé par le fraudeur

 

9:47:15 : Introduction de la carte

9:47:27 : Montant demandé : 6.784 EUR (disponible insuffisant)

9:47:34 : Montant demandé : 500 EUR (disponible insuffisant)

9:46:20 : Retrait de 430 EUR

9:46:24 : Introduction du code secret correct

9:47:00 : Récupération de la carte

 

La banque ne peut concevoir que le requérant se soit fait subtiliser sa carte, que celle-ci ait été réintroduite devant lui à deux reprises dans le terminal devant lequel il était posté, qu’un retrait de 20 EUR ait été valablement enregistré sans que cela ait à un quelconque moment attiré son attention, et que de surcroit, il pensait que sa carte était restée coincée dans la machine. En n’ayant pas été vigilant avec sa carte de débit, et en laissant un inconnu agir devant lui durant plus d’une minute trente sans réagir, la banque estime que le requérant a été négligent.

 

La banque estime par ailleurs que le fait d’avoir obéi aux injonctions émanant de personnes inconnues et de composer son code secret devant elles constitue une négligence grave dans le chef du requérant. Dans une lettre rédigée le 22 octobre 2010, le requérant admet ainsi : « Cette personne m’a conseillé de taper stop et ensuite de refaire mon code, et c’est à ce moment-là que cette personne a vu mon code secret, vous comprenez bien qu’à ce moment-là, on pense tout simplement à récupérer sa carte et que l’on ne fait pas attention à ce qui se passe à côté de vous. ».

 

La banque refuse par conséquent de rembourser le requérant, au motif qu’il a commis une négligence grave, laquelle a concouru au sinistre dont il a été victime.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

L’article 31, § 2 de la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement précise que le client prend toutes les mesures raisonnables afin de préserver la sécurité de sa carte et de son code secret.

 

L’article 37, § 1 de la même loi précise que le client supporte jusqu'à la notification faite de la perte, du vol ou de l’utilisation frauduleuse de sa carte, les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée et ce, à concurrence d’un montant de 150 euros, sauf s’il a agi avec négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond prévu n’est pas applicable.

 

L’article 37, § 3 indique que la charge de la preuve en matière de fraude, d'intention ou de négligence grave incombe à la banque. Pour l'appréciation de la négligence, le juge tient compte de l'ensemble des circonstances de fait. L'utilisation de la carte avec le code connu du seul client ne constitue pas une présomption suffisante de la négligence de celui-ci.

 

Dans sa décision, le Collège tient compte, comme la loi le prévoit pour le juge, de l’ensemble des circonstances de fait pour établir s’il y a eu ou non négligence grave de la part du requérant.

 

  • L’examen des circonstances de fait laisse apparaître que le requérant s’est fait subtiliser sa carte par une tierce personne. Il semble toutefois que le fraudeur a fait preuve d’une très grande agilité, puisque le requérant ne s’est rendu compte à aucun moment que sa carte avait été subtilisée depuis le terminal où il réalisait ses opérations. Autrement dit, n’importe quelle personne normalement attentive aurait pu être victime de ce vol. Le Collège ne retient donc pas de négligence grave en ce qui concerne le vol de la carte.
  • Le Collège constate par ailleurs que quatre retraits frauduleux ont été réalisés moyennant l’introduction immédiate du bon code secret. Comme le stipule la loi, l'utilisation de la carte avec le code connu du seul client ne constitue cependant pas une présomption suffisante de la négligence de celui-ci. A l’examen des faits, le Collège constate toutefois que le client reconnaît explicitement avoir composé son code secret à la demande d’une tierce personne sans veiller à en assurer la confidentialité. Le Collège considère dès lors que le requérant a fait preuve de négligence grave en permettant à une personne inconnue de prendre connaissance de son code secret alors que les circonstances (blocage supposé de la carte, interaction avec des personnes inconnues) réclamaient au contraire la plus grande vigilance.
  • En ce qui concerne enfin le délai d’attente de cinq minutes pour traiter le blocage de la carte chez Card Stop, le Collège estime qu’il s’agit d’un délai raisonnable et que Card Stop ne saurait dès lors être tenu responsable du dommage encouru.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère que la demande d’indemnisation du requérant est recevable mais non fondée.