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Vol de la carte bancaire - escroquerie.

2009.1936

 

THEME

 

Vol de la carte bancaire - escroquerie.

 

AVIS

 

Présents :
Messieurs A. Van Oevelen, Président;

 

Madame L-M. Henrion, Vice-Président;

 

Messieurs F. de Patoul, P. Drogné, N. Claeys, L. JANSEN, W. Van Cauwelaert, C.-G. Winandy, membres.

 

Date : 9 mars 2010

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Le mardi 23 juin 2009, entre 11h57 et 12h15, la requérante effectue plusieurs opérations au guichet automatique de son agence. Certaines de ces opérations nécessitent l’introduction du code secret de la carte bancaire. La requérante range ensuite sa carte dans son portefeuille qu’elle met dans son sac à main. Lorsqu’elle récupère sa voiture sur le parking, elle est accostée par une dame en pleurs et sa fille. La dame, très énervée, entretient une communication téléphonique. Elle demande à la requérante où se trouve l’hôpital le plus proche car son autre fille vient d’avoir un accident. La requérante répond qu’il y a deux hôpitaux. La dame demande alors à son interlocuteur au téléphone de préciser le nom de l’hôpital où se trouve sa fille. La requérante propose ensuite d’y conduire la dame et sa fille. La jeune fille s’installe à l’avant de la voiture, côté passager, et sa mère sur la banquette à l’arrière. La requérante ayant déposé son sac à ses pieds, la jeune fille lui fait remarquer que c’est dangereux pour la conduite. Elle prend spontanément le sac, le place à ses côtés et le met ensuite à l’arrière où se trouve sa mère. La requérante laisse faire et dépose les inconnues à l’entrée de l’hôpital. Le lendemain, le 24 juin 2009, la requérante constate vers 10h30 qu’elle n’est plus en possession de ses cartes et elle y met opposition à 11h57. Finalement, six opérations frauduleuses ont été réalisées, pour un montant total de 3.809 EUR. Ces opérations ont été effectuées selon la banque dans les limites d’utilisation de la carte et du disponible en compte.

 

Point de vue de la banque

 

Suivant le déroulement des opérations, la carte a été subtilisée durant le transport de deux personnes inconnues dans le véhicule de la requérante, lesquelles ont eu tout loisir d’accéder à son sac à main. Les opérations frauduleuses ont été validées au moyen de la carte de la requérante et de son code secret, lequel a manifestement été épié un peu plus tôt, dans l’agence. La banque en déduit que la requérante n’a pas pris les précautions nécessaires et suffisantes afin de conserver précieusement sa carte d’une part et la confidentialité de son code d’autre part (elle n’a pas composé son code à l’abri des regards). Le vol a par ailleurs été constaté le lendemain vers 10h30 alors que l’opposition n’a été enregistrée qu’à 11h57, soit près d’une heure et demie après. La banque considère donc que la cliente a tardé à bloquer sa carte. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la banque considère que la requérante a fait preuve de négligence grave et refuse de l’indemniser.

 

Point de vue de la requérante

 

La requérante réfute d’avoir agi en commettant une négligence grave. Elle fait toujours attention à ne pas taper son code de manière visible par autrui. Elle fait remarquer à ce propos qu’en plaçant dans l’agence les claviers et écrans les uns à côté des autres, sans séparation significative, et en obligeant les clients à s’asseoir (facilitant les regards par-dessus l’épaule), l’approche de la banque n’est pas très sécurisante. La requérante conserve par ailleurs sa carte soigneusement dans un portefeuille fermé placé dans son sac fermé. Elle estime donc prendre les précautions suffisantes pour conserver sa carte et la confidentialité de son code. Les deux personnes qu’elle a chargées, par pitié, dans son véhicule n’ont par ailleurs pas eu tout loisir d’accéder à son sac à main, celui-ci ayant d’abord été placé à ses pieds. Ce n’est qu’ensuite qu’il a été déplacé, pour éviter qu’il gêne la conduite.

 

II. AVIS DU COLLEGE DE MEDIATION

 

L’article 8, § 1, deuxième alinéa, de la loi du 17 juillet 2002 précise que le titulaire de la carte, dans ce cas la requérante, prend les précautions raisonnables pour assurer la sécurité de sa carte et des moyens qui en permettent l’utilisation. L’article 8, § 2, premier alinéa, de la même loi précise que jusqu’à la notification à l’émetteur, en l’occurrence la banque, de la perte ou du vol de sa carte, le titulaire est responsable des conséquences liées à la perte ou au vol à concurrence d’un montant de 150 euros, sauf s’il a agi avec une négligence grave ou frauduleusement, auquel cas le plafond prévu n’est pas applicable. Sont notamment considérés comme négligence grave, le fait, pour le titulaire, de noter son numéro d’identification personnel ou tout autre code, sous forme aisément reconnaissable, et notamment sur la carte ou sur un objet de document conservé ou emporté par le titulaire avec la carte, ainsi que le fait de ne pas avoir notifié à l’émetteur la perte ou le vol, dès qu’il en a eu connaissance. L’article 8, § 2, troisième alinéa, de la même loi précise enfin que pour l’appréciation de la négligence du consommateur, le juge tient compte de l’ensemble des circonstances de fait.

 

Le Collège estime qu’il doit tenir compte, comme la loi le prévoit pour le juge, de l’ensemble des circonstances de fait pour établir s’il y a eu ou non négligence grave de la part de la requérante.

 

  • La requérante a-t-elle d’abord fait preuve de négligence grave en laissant épier son code secret dans l’agence ? Aucun élément, dans les faits, ne démontre indubitablement qu’au moment d’introduire son code, la requérante n’a pas pris les précautions raisonnables pour ne pas être observée. Le Collège ne peut donc conclure à une négligence grave de la part de la requérante à ce niveau.
  • La requérante a-t-elle fait preuve ensuite de négligence grave en permettant à une tierce personne d’accéder à son sac à main et à la carte qui s’y trouvait ? Dans des circonstances habituelles, sans stress, il est très peu probable que la requérante aurait accepté spontanément qu’une tierce personne, inconnue, s’empare de son sac. Dans le cas présent toutefois, la requérante, peut-être ciblée par les voleuses en raison de son âge (80 ans), a été victime d’un scénario très bien élaboré qui l’ont placée dans un état psychologique tel qu’elle a perdu tous ses moyens de défense habituels. Ce scénario était tellement bien construit que la requérante ne s’est rendue compte que le lendemain, au moment de déposer plainte à la police, de la supercherie dont elle avait été victime. Par ailleurs, la requérante ignorait, au moment des faits, que son code secret avait été épié quelques minutes plus tôt, éloignant la possibilité d’un usage frauduleux de sa carte. De nouveau, le Collège ne peut donc pas établir que la requérante a fait preuve de négligence grave.
  • La requérante a-t-elle enfin fait preuve de négligence grave en bloquant tardivement ses cartes ? Les retraits frauduleux ont été réalisés le 23 juin 2009. La requérante ne s’est toutefois rendue compte du vol de ses cartes que le 24 juin 2009, vers 10h30. Le Collège considère le délai d’une heure trente (la requérante a bloqué ses cartes le 24 juin 2009 à 11h57) comme étant raisonnable dans des circonstances où la requérante n’avait toujours pas pris conscience d’avoir été victime d’une escroquerie à ce moment-là.

 

Compte tenu de l’ensemble des circonstances de fait, le Collège ne peut donc pas établir que la requérante a fait preuve de négligence grave.

 

III. CONCLUSION

 

Le Collège considère la demande d’indemnisation de la requérante recevable et fondée. Il invite la banque à rembourser la requérante de la somme de 3.659 EUR, montant calculé comme suit :

 

Somme des deux retraits frauduleux : 3.809 EUR

Franchise : - 150 EUR

Montant à rembourser : 3.659 EUR

 

La banque a suivi l’avis du Collège.