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Compensation en cas de concours - paiements des frais funéraires - manquement au devoir d'information.

2013.2089

 

THEME

 

Compensation en cas de concours - paiements des frais funéraires - manquement au devoir d'information.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Madame M. Mannès, N. Spruyt, membres.

 

Date : 20 mai 2014

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

Monsieur X, père de la requérante, décède le 26 juillet 2013. Le 7 août 2013, la banque bloque les comptes du défunt.

 

Le 8 août 2013, la banque adresse le relevé des avoirs du défunt dans ses livres au receveur de l’enregistrement, en exécution de l’article 97 du Code des Droits de Succession. Le défunt est titulaire d’un compte en euros, créditeur de 10.628,42 euros et de divers autres comptes en devises, créditeurs de montants minimes.

 

Le 12 août 2013, un employé de l’agence adresse au notaire chargé de la succession, une copie de la déclaration au receveur de l’enregistrement ainsi qu’une copie des attestations de créancier relatives à deux crédits à la consommation :

 

•      L’un d’un montant initial de 15.000,00 € dont le défunt restait devoir au jour du décès : 40 mensualités de 275,11 €, soit 11.004,20 € au total.

•      L’autre d’un montant initial de 6.000,00 € dont le défunt restait devoir au jour du décès : 23 mensualités de 152,74 €, soit 3.513,02 € au total.

 

Le 22 août 2013, la requérante adresse à l’agence un mail où elle écrit :

Comme convenu, je vous envoie la facture du funérarium. Merci d’en opérer le paiement via le compte de mon papa.

 

L’employé de l’agence lui répond un peu plus tard, le même jour :

Je viens d’encoder le virement pour les pompes funèbres au départ du compte vue de votre papa (voir ci-dessous). C’est [en] ordre, dans quelques jours ce sera sur leur compte.

 

Le 27 août 2013, la requérante adresse par mail une nouvelle facture de frais pour la publication de l’avis de nécrologie. L’agence lui répond alors :

Le service juridique (Successions) exige en priorité le remboursement des dettes existantes. Ils vont donc utiliser le compte d’épargne de votre papa pour solder totalement le crédit « auto » et partiellement le crédit « panneaux ». (…) En résumé, après apurement d’une partie du solde des crédits, il ne restera plus rien pour payer les 5 factures.

 

Le message se termine en invitant les héritiers à payer les factures avec leurs propres ressources.

 

La banque ne modifiera pas son attitude, nonobstant l’intervention du notaire l’invitant à respecter le blocage des comptes et le privilège des frais funéraires. Dans sa lettre à Ombudsfin, la requérante expose que :

Mon désarroi ici se situe dans le fait que je (ni mon frère) n’ai jamais été consultée par [la banque]. Ce n’est qu’au moment de l’envoi de la deuxième facture de frais funéraires qu’il m’a été rétorqué que les comptes avaient été mis à zéro et que les factures ne seraient dès lors pas payées.

Comment puis-je encore faire confiance à [la banque] en étant victime de telles pratiques ? car mon frère et moi sommes titulaires de comptes titres dans cette agence. (…)

Ma demande se résume donc à ce que les comptes soient remis dans leur état initial, que les factures de frais funéraires soient payées et que [la banque] nous laisse liquider la succession avant de se payer elle-même (…) Car il est bien évident que, la succession étant acceptée, les crédits seront pris en charge par les ayants droits.

 

La banque expose que les deux crédits étant des contrats intuitu personae, ils ont pris fin au décès du père de la requérante. Le jour du décès, les soldes restant dus sont donc devenus immédiatement exigibles. La banque a compensé les avoirs créditeurs en compte avec le solde des deux crédits. Le compte du défunt est dès lors devenu débiteur et les frais funéraires n’ont pu être payés. La compensation effectuée est – selon la banque – la compensation légale de l’article 1289 du Code civil. Elle ajoute, en outre, qu’une clause de son règlement général des opérations autorise également la compensation. Elle relève enfin qu’à supposer qu’elle ait commis une faute, la requérante n’a subi aucun préjudice.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

Le Collège estime que la banque est en droit de considérer que les contrats de crédits à la consommation sont des contrats intuitu personae. Le décès du consommateur entraîne donc la fin du contrat dès lors qu’il n’existe pas de co-emprunteur susceptible d’en poursuivre l’exécution.

 

Le solde restant dû étant exigible, la banque est en droit d’opérer une compensation sur base de l’article 1289 du Code civil et de la clause de son règlement général des opérations. Les créances réciproques résultant d’opérations de banque et de crédit présentent en effet un lien de connexité étroit au sens de la loi ou, à tout le moins, au sens de la disposition du règlement général des opérations. Ces créances procèdent d’une cause unique née de la relation d’affaires entre le consommateur et la banque.

 

La compensation peut dès lors être effectuée, même en cas de concours. Comme il ne subsiste, après compensation qu’une dette de la succession envers la banque, les frais funéraires ne pouvaient être payés malgré leur caractère privilégié.

 

Ceci ne signifie pas pour autant que la banque puisse opérer cette compensation sans égard pour les héritiers. Au contraire, le Collège considère que la banque a le devoir d’informer rapidement les héritiers de son intention de compenser les créances afin de leur permettre de s’organiser pour la liquidation de la succession. En l’espèce, le manquement au devoir d’information est patent. La compensation est intervenue après que la banque ait annoncé erronément le paiement des frais funéraires et sans qu’elle ait estimé opportun de s’excuser ensuite pour cette erreur de communication.

 

L’action de la requérante est donc recevable et fondée. Reste cependant que la faute de la banque n’a pas causé de préjudice puisque, si l’information avait été donnée à temps, les héritiers auraient dû faire l’avance des frais funéraires sur leurs deniers, ce qu’ils ont également dû se résoudre à faire en l’espèce. 

 

III. CONCLUSION

 

La plainte est recevable et fondée mais le Collège considère que le préjudice de la requérante n’est pas établi.