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Crédit à la consommation – cumul des limites autorisées dans le cadre de plusieurs contrats – recommandation.

 

2014.1668

 

 

THEME

 

Crédit à la consommation – cumul des limites autorisées dans le cadre de plusieurs contrats – recommandation.

 

AVIS

 

Présents :
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président;

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, N. Claeys, L. Jansen, membres.
Madame M. Mannès, N. Spruyt, membres.

 

Date : 20 janvier 2015

 

I. OBJET DE LA CONTESTATION ET POINT DE VUE DES PARTIES

 

1.       LES FAITS ET OBJET DE LA CONTESTATION

 

Dans le cadre des relations qu’il entretient avec elle, le requérant sollicite au fil du temps auprès de la banque le pouvoir de recourir à diverses facilités de paiement qui l’amèneront à réaliser une série d’opérations selon la séquence qui suit :

 

1.1    Le 23 septembre 2010, le requérant conclut avec la banque un contrat d’ouverture de crédit à durée indéterminée pour un montant de € 7.500. Ce crédit lui est consenti pour financer des dépenses personnelles et est accordé sur son compte courant sous forme de réserve de trésorerie.

 

1.2    Le 24 novembre 2010, le requérant demande et obtient de la banque une carte Visa lui permettant de procéder, au moyen de cette carte, à des dépenses mensuelles à hauteur de  € 2.500, étant entendu qu’il s’oblige à régler le relevé mensuel qui lui est adressé tous les mois par la société chargée par la banque de la gestion des opérations conclues au moyen de cette carte. Ce décompte mensuel est domicilié sur le compte courant du requérant auprès de la banque, et cette dernière est tenue de débiter le compte courant du requérant de chaque relevé mensuel qui lui est présenté, que le compte soit provisionné ou non. Le requérant s’engage pour sa part à ne pas dépasser la limite des dépenses qu’il est autorisé à effectuer à l’aide de sa carte, d’une part, et à assurer et maintenir une provision suffisante pour permettre, chaque mois, le règlement du montant repris sur le relevé mensuel, d’autre part. Ce dernier engagement peut notamment être assuré par le requérant dans le cadre de l’utilisation de la réserve de trésorerie que la banque lui a consentie.

 

1.3    Le 4 avril 2013, le requérant demande et obtient de la banque le relèvement à € 5.000 de la limite des dépenses mensuelles qu’il est autorisé à réaliser au moyen de sa carte Visa et dont les décomptes mensuels restent domiciliés sur son compte courant.

 

1.4    Le 31 janvier 2014, le requérant sollicite et conclut avec la banque une convention de crédit dans le cadre d’une ligne de crédit pour un montant de € 5.000. Ce crédit est consenti sur un compte distinct du compte courant du requérant et est destiné à financer toutes dépenses, y compris celles réalisées au moyen de sa carte Visa dont la domiciliation des relevés mensuels est désormais dirigée vers le compte lié à la ligne de crédit. La ligne de crédit est accordée au requérant pour une durée indéterminée sous réserve d’un délai de zérotage fixé au mois de novembre 2017, et il prévoit au départ des modalités de remboursements mensuels de € 280 qui seront automatiquement prélevés sur le compte courant du requérant par domiciliation. La convention de la ligne de crédit autorise par ailleurs la banque à débiter le compte courant du client du montant établi mensuellement à l’appui du relevé de compte de la ligne de crédit qui serait en dépassement par rapport à la limite d’utilisation accordée par la convention de crédit.

 

1.5    Comme outil de surveillance, l’utilisateur d’une ligne de crédit reçoit tous les mois un relevé de compte reprenant clairement plusieurs informations :

 

•      la mensualité prélevée au cours de la période mensuelle sous revue et annoncée sur le relevé du mois précédent;

•      le détail ainsi que leur montant global des opérations réalisées avec la carte Visa;

•      un décompte d’intérêt lié à l’utilisation de la ligne de crédit;

•      la mensualité due au terme de la période sous revue en raison des trois postes décrits ci-dessus et qui sera prélevée endéans quinze jours sur le compte courant du client;

•      le solde restant dû compte tenu de la mensualité qui sera prélevée et du niveau d’utilisation de la ligne de crédit.

 

1.6    La convention de la ligne de crédit conclue en janvier 2014 ne modifie en rien les modalités d’utilisation de la réserve de trésorerie dont le requérant bénéficie depuis plus de trois ans sur son compte courant à hauteur de € 7.500, si ce n’est que la domiciliation des dépenses réalisées avec la carte Visa est désormais logée sur le compte lié à la ligne de crédit et donnera lieu à débition sur ce compte tant que la limite d’utilisation de la ligne de crédit est respectée par le requérant.

 

1.7    Le premier décompte de l’utilisation de la facilité de la ligne de crédit est établi deux mois après l’ouverture de crédit, soit le 22 mars 2014. Le relevé mensuel de ce crédit fait état d’un solde restant dû à cette date de € 3.811,62, soit un montant endéans la limite d’utilisation convenue. Par ailleurs, le compte courant du requérant affiche à la même date un solde débiteur de € 7251.65, soit un montant endéans la limite d’utilisation convenue dans le cadre de la réserve de trésorerie accordée et après prise en compte de la domiciliation de la première mensualité de € 280 en faveur du compte lié à la ligne de crédit.

 

1.8    Le décompte du 22 avril 2014 lié au compte de la ligne de crédit reprend le solde restant dû du mois précédent (€ 3.811,62), le montant total des dépenses liées à l’usage de la carte Visa depuis le dernier relevé (€ 2.789,52), les intérêts dus (€29,56), et tient compte de la mensualité de € 280 prélevée sur le compte courant du requérant. Le décompte de cette période affiche dès lors un solde restant dû de € 6.350,20 et détermine ainsi la mensualité ajustée de € 1.673,92 qui sera prélevée dans deux semaines sur le compte courant afin de ramener l’utilisation de crédit dans la limite convenue. Après prélèvement de ce montant, le compte courant du requérant reste dans la limite (Dt € 7.318,02) d’utilisation convenue dans le cadre de la réserve de trésorerie accordée.

 

1.9    Au cours de la période qui suit (23-4 au 21-5), les dépenses liées à la carte Visa totalisent € 3.150,96 et ont pour effet, intérêts compris, de porter le nouveau solde restant dû sur la ligne de crédit à € 7.866,84. La mensualité ajustée qui doit être prélevée le 5 juin sur le compte courant du réquerant est fixée à € 3.264,28. Cette échéance n’a toutefois pas pu y être honorée en raison d’une marge de provision insuffisante au regard de la réserve de trésorerie disponible.

 

1.10  L’échéance du 5 juin n’ayant pu être honorée, la banque procède le 8 juin au blocage de la carte Visa du requérant. Préalablement à ce blocage, le requérant avait utilisé sa carte pour des dépenses qui, depuis le décompte du 21 mai, totalisaient € 2.342,46 avec pour effet, intérêts compris, de porter le solde restant dû sur la ligne de crédit à € 10.287,17.

 

1.11  Par courrier recommandé adressé le 16 juin au requérant, la banque met celui-ci en demeure de régulariser sa situation compte tenu du non-paiement de l’échéance du 5 juin. La mise en demeure porte au minimum sur l’arriéré du solde restant dû au 21 mai de € 2.866,84 augmenté des intérêts pour € 13,40, soit au total € 2.880,24. Le courrier de mise en demeure de la banque lui sera retourné avec la mention « non réclamé ».

 

1.12  Le requérant est avisé par courrier ordinaire daté du 23 juin que le montant de l’arriéré pour lequel une mise en demeure lui avait été signifiée le 16 juin, était porté à € 5.222,70, principalement en raison des dépenses réalisées avec la carte Visa au cours de la période précédant son blocage et dont la banque avait entretemps reçu le décompte.

 

1.13  Le 4 juillet, le requérant apure une partie de son arriéré sur la ligne de crédit en effectuant un virement direct de € 1.000 vers ce compte et en virant € 576,76 au départ de son compte courant.

 

1.14  Constatant la régularisation de l’arriéré insuffisante, la banque procède à la dénonciation de la ligne de crédit et réclame l’intégralité de sa créance (€ 8.770,38) augmentée d’une indemnité contractuelle (€ 813,52) et de frais de mise en demeure (€ 13,40). Dans le même temps, elle communique au requérant que sa défaillance de paiement fait l’objet d’une communication à la Banque Nationale et que l’enregistrement de cette défaillance, même régularisée, ne s’effacera qu’une année après le remboursement intégral de sa dette.

 

1.15  Contrairement à la ligne de crédit, l’avance consentie en 2010 sous forme de réserve de trésorerie en compte courant n’est pas dénoncée par la banque.

 

1.16  Le 22 juillet 2014, la banque procède à la suppression de la carte de crédit du requérant.

 

2.       LE POINT DE VUE DES PARTIES

 

2.1    Le requérant soutient qu’il ne se serait jamais engagé dans des dépenses à l’aide de sa carte Visa si la banque avait bloqué l’usage de celle-ci dès qu’un dépassement de la ligne de crédit apparaissait. Ce blocage est selon lui implicite à la ligne de crédit et au lien automatique qui doit exister entre la limite d’utilisation mensuelle de la carte et le montant de la ligne de crédit. Il impute dès lors ses divers dépassements à une défaillance des systèmes de la banque qui ne fonctionnent pas efficacement en temps réel et qui ont ainsi permis de générer un encours de solde restant dû dépassant le double de la ligne de crédit.

 

Le requérant considère par ailleurs avoir subi un préjudice moral en raison de son fichage à la Banque Nationale suite à la dénonciation de sa ligne de crédit. Il attend dès lors de la banque que celle-ci prenne à son compte le montant des dépenses effectuées au-delà du plafond autorisé par cette ligne de crédit.

 

2.2    A l’occasion des différents courriers transmis au requérant, la banque précise tout d’abord qu’il n’existe aucun lien direct entre une ligne de crédit et l’octroi d’une carte Visa permettant d‘effectuer des dépenses ne dépassant pas € 5.000 : il s’agit en l’espèce de deux conventions reposant sur des dispositions contractuelles distinctes et séparées. Le requérant avait en effet la possibilité d’affecter sa ligne de crédit à des dépenses autres que celles réalisées à l’aide de sa carte.

 

2.3    La banque ajoute qu’un client bénéficiant d’une ligne de crédit et d’une carte Visa, a la possibilité d’imputer la domiciliation des dépenses de sa carte sur cette ligne de crédit, ce qui revient en définitive à lui octroyer la possibilité d’étaler dans le temps, en tout ou en partie, le remboursement des dépenses liées à l’usage de sa carte. Une utilisation de ce type reste naturellement subordonnée au respect des limites convenues pour chaque produit et au règlement effectif, via le compte courant du client, des mensualités indiquées par la banque dans les relevés de compte de la ligne de crédit qui lui sont régulièrement transmis.

 

2.4    S’agissant du blocage de la carte Visa, la banque déclare être intervenue dès l’instant où elle y était contractuellement autorisée en raison du non-règlement de la mensualité exigée pour le 5 juin.

 

2.5    Enfin, la banque déclare avoir correctement informé le client de l’évolution de son compte lié à la ligne de crédit, notamment par l’envoi de relevés de compte sur base mensuelle reprenant à chaque fois tous les éléments essentiels de la ligne de crédit (mensualité, solde restant dû, disponible, échéance, dépenses de la carte, etc…). La banque reproche par ailleurs au requérant d’avoir communiqué une adresse postale en Belgique, alors qu’il résidait en toute grande partie au Sénégal, ce qui n’était certainement pas de nature à favoriser un suivi adéquat de ses opérations bancaires.

 

II. AVIS DU COLLEGE

 

Le Collège considère que les conventions de crédit et d’attribution de carte Visa ont été valablement conclues entre la banque et le requérant. La hauteur des diverses facilités accordées par la banque peuvent par ailleurs se justifier au regard du niveau de revenus et de la solvabilité financière du requérant.

 

Le Collège note aussi que le requérant ne conteste pas que les opérations réalisées avec sa carte Visa ont servi à couvrir des dépenses personnelles décidées à son initiative.

 

S’agissant de la ligne de crédit à laquelle est adjointe la domiciliation des relevés mensuels liés aux dépenses faites avec la carte Visa, le Collège rejoint la position de la banque selon laquelle il s’agit de deux produits financiers contractuellement distincts. En conséquence, à aucun moment le requérant n’est fondé à faire valoir que la ligne de crédit de € 5.000 se confond avec le niveau d’encours des dépenses personnelles qu’il était autorisé à réaliser sur base mensuelle à l’appui de la carte Visa. Le Collège ne peut dès lors pas suivre l’analyse du requérant qui met en cause une défaillance des systèmes de surveillance en temps réel de la banque quant à l’utilisation de ces deux produits bancaires et qui, pour cette raison précise, a, selon lui, conduit à un dérapage au niveau de ses dépenses.

 

Tant le blocage de la carte Visa que la mise en demeure envoyée au requérant l’invitant à régulariser sa situation ont été, selon le Collège, activées par la banque dès qu’elle y était contractuellement autorisée. Le requérant ne peut dès lors pas invoquer en cette matière une faute de la banque ayant causé une aggravation de son endettement.

 

En signalant une adresse postale à laquelle il était très peu présent, le Collège estime que le requérant n’a pas pris toutes les mesures nécessaires à un suivi adéquat de ses opérations bancaires, ce qui n’était pas de nature à être réactif en temps voulu pour faire face à son arriéré d’endettement.

 

Le Collège confirme que le fichage du requérant auprès de la Banque Nationale constitue une obligation dans le chef de la banque dès l’instant où celle-ci a dénoncé le crédit pour absence de régularisation et passage en contentieux.

 

Le Collège fait le constat que le litige qui oppose les parties est attribuable à une perception inexacte dans le chef du requérant, non seulement quant aux modalités d’utilisation de son compte lié à la ligne de crédit, mais de manière plus générale sur son endettement potentiel : sur base des deux lignes de crédit en force, celui-ci pouvait atteindre € 12.500 et dépasser sensiblement ce seuil autorisé au cas où il continuait à utiliser sa carte de crédit pour ses dépenses sans être en mesure d’y faire face à l‘échéance. Le Collège croit dès lors aussi utile de recommander à la banque, au-delà du contexte contractuel, d’être très transparente en cette matière, notamment en informant tout client du niveau potentiel d’endettement auquel l’utilisation maximale des produits bancaires est susceptible de le conduire.

 

III. CONCLUSION

 

La plainte du requérant est jugée recevable, mais non fondée.