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Crédits hypothécaires, Formation du contrat, Conclusion et contenu du contrat

2022.7502

THEME

Crédits hypothécaires, Formation du contrat, Conclusion et contenu du contrat

AVIS


Présents


Messieurs R. Steennot, A. Guigui, P D’Haen, J. Vannerom, P. François membres;


Date : 21 mars 2023


1.    LA PLAINTE

Le requérant a fait une demande de crédit et son dossier a été accepté et transmis sur l'appli mobile et par e-mail via la responsable du dossier lui précisant que le dossier était prêt à signer via l’App (sans en dire plus). Pas d'annonce de délai de validité, ni d'urgence de signature. 


Or, ce jour-là i était à la mer avec ses enfants et a vu le mail sur son smartphone et il s’est dit qu’il signera cela le jour suivant à son retour à la maison et après consultation du dossier avec son épouse.


Cependant, le lien n'était plus valide à son retour. Il a demandé à la banque de renouveler le lien (48h après réception du mail) mais la banque a refusé et elle lui a présenté un nouveau taux à prendre ou à laisser.


Le marché étant ce qu'il est, il aurait compris l'urgence de signature si on lui avait averti qu'il fallait signer dans l'après-midi. Il trouve qu’il s’agit d’une pratique honteuse.


Il demande la restitution du taux initialement accepté.


2    POSITION DE LA BANQUE

Le requérant regrette de n’avoir disposé que d’un délai très court pour signer la demande de crédit hypothécaire via un canal à distance. Faute de n’avoir pas signé dans la journée, il s’est vu proposer une offre de crédit moins intéressante qu’il a malgré tout signée par la suite. Il souhaite que la banque revoit sa position et ajuste le taux de ses crédits en cours au taux de l’offre initiale.


Après analyse des éléments matériels en possession de la banque, celle-ci se permet de retracer l’historique du dossier :


•    Le 20 janvier 2022, le requérant adresse un mail à son agence car il souhaite « rediscuter de son taux de crédit hypothécaire ». Il a deux crédits en cours à taux fixe qu’il souhaite revoir et il veut également obtenir des informations sur un nouveau crédit pour financer des travaux d’aménagement de l’habitation. 


Taux des deux crédits en cours 2,58 % mensualités= 1.192,05 euros il reste 234 mois à payer + un nouveau crédit travaux de 40.000 euros taux à définir 


•    Le 17 février 2022, l’agence lui propose via un mail de signer une offre de taux pour le rachat de ses 2 crédits en cours ainsi que pour son crédit complémentaire travaux. 


Taux de 2,05 % pour les deux crédits revus mensualités = 1.119,98 euros. Gain de 72,07 euros mensuel, gain total de 16.864,38 euros// taux crédit travaux 1,52 % mensualité 178,16 euros. 


L’agent attire son attention sur le fait que les taux sont haussiers et qu’il ne faut pas tarder à signer. L’agent attend son retour le jour même.


•    Le 01 mars 2022, après son accord, l’agence encode la demande de crédit au taux proposé le 17 février 2022. Deux Bank mails lui sont automatiquement envoyés afin de l’inviter à signer les demandes de crédits via l’application. La validité de l’offre est bien renseignée au 02 mars 2022. Dans un souci d’efficacité, l’agence lui envoie également, le même jour, un courriel. Elle lui informe que l’offre de crédit a été introduite et lui demande de la signer électroniquement via son application.


•    Le 03 mars 2022, il reçoit un autre Bank mail lui annonçant que le délai pour la signature de votre offre est dépassé.


•    Le 03 mars 2022, il prend connaissance de ce message et adresse un mail à l’agence. Il dit avoir été en vacances et ne pas avoir pu signer l’offre. Il souhaite introduire à nouveau une demande de crédit et que la banque lui communique quel sera la nouvelle mensualité. Entre le 3 mars et le 17 mars, il y a des échanges entre lui et l’agence au sujet de l’offre qui n’a pas su être signée dans les temps et de l’impossibilité de maintenir le taux proposé le 1 mars


•    Le 17 mars 2022, il adresse un mail à l’agence pour refuser l’application d’un nouveau taux moins avantageux. Il demande des explications quant à la situation. 


•    Le 25 mars 2022, le directeur de l’agence reprend son dossier en main. Il lui adresse un mail pour vous confirmer qu’il est impossible de maintenir le taux proposé dans l’offre du 01 mars 2022 car il n’est plus valide. Il lui adresse, dans ce mail, une nouvelle offre avec le taux actualisé à 2,327 % soit mensualités= 1.156,76 euros – 35,29 euros /mois et un gain total de 8.257,86 euros // taux crédit travaux 1,65% mensualité 180,55 euros 2,39 euros de plus que dans l’offre du 1 mars 2022. Il mentionne que cette proposition sera valide jusqu’au 03 avril 2022.


•    Il acceptera cette offre qui sera mise en place par l’acte de crédit en date du 02 mai 2022.


A la lecture de ce qui précède, la banque constate que tout a été mis en œuvre par l’agence pour offrir le taux le plus favorable pour les 3 crédits hypothécaires. Il a bien été informé du suivi de sa demande. Malheureusement, le délai pour signer l’offre finale était très court. 


Ce délai très court résulte des efforts consentis par l’agence pour obtenir les taux les plus bas possible. En effet, l’agence a dû négocier les taux avec la filiale de la banque au-delà de son pouvoir de décision local. 


La banque est surprise et déplore qu’alors il était en négociation de taux depuis des semaines et dans l’attente de signer la meilleure offre possible, il n’ait pas pris directement connaissance des messages envoyés le 1er mars 2022. Même en vacances, il avait la possibilité d’analyser et de signer l’offre proposée via son App, d’autant plus que les conditions avaient largement été discutées les semaines qui ont précédé.


A ce jour, le taux des 2 crédits hypothécaires en cours (taux fixe) a été revu à la baisse, ce qui lui avantage financièrement. Il aurait souhaité profiter d’une offre encore plus intéressante, la banque peut le comprendre mais cela n’est malheureusement pas possible.


La banque ne peut dès lors pas réserver de suite favorable à sa demande étant donné qu’elle estime n’avoir commis aucune erreur.


3    POSITION DU COLLEGE  

Exposé des faits


Le 20/01/2022, les clients adressent un mail (déclaration de la banque) à leur agence pour revoir les conditions tarifaires de deux crédits existants et obtenir des informations sur un nouveau crédit à conclure. Ce dernier a pour but de financer des aménagements dans leur habitation. Celle-ci garantit déjà les deux crédits existants.


Le jeudi 17/02/2022, une proposition tarifaire, sur la base du tarif en vigueur, soit celui du 10/02/2022, est envoyée par mail.


La collaboratrice de l’agence précise dans ce mail qu’elle attend le retour du client pour le jour même afin d’encoder la demande de crédit dans le système de la banque. Elle précise dans le même mail que les taux sont en train de remonter. Le même jour, le client reprend contact avec elle (déclaration de la banque) et entend souhaiter négocier des taux plus favorables.


L’agence doit dans ce cas en référer au siège de la banque.


Le mardi 01/03/2022, la collaboratrice de l’agence adresse à 13h36 le mail suivant au client : « Je viens de terminer l’introduction de votre demande de crédit. Puis-je demander à chacun de vous de signer ce document électroniquement par l’App ? Le dossier sera ensuite transmis à l’analyse ». 


Au même moment, le 01/03/2022, l’application informatique de la banque envoie le message suivant "signer votre demande de crédit en ligne… Merci de lire attentivement le document et ensuite le signer ainsi que le co-emprunteur avant le 02/03/2022 (souligné par le collège). Vous pouvez facilement les signer en ligne. Vous n’avez donc pas besoin d’imprimer le document ».


On peut comprendre la recommandation de la banque puisque la demande de crédit est un document de 6 pages et que, puisqu’il s’agit de 3 contrats de crédits distincts, la banque a généré 3 fiches d’information standardisée européenne (ESIS) comprenant chacune 7 pages. La demande de crédit du 01/03/2022 précise à la page 4/6 au point 2 déclarations : « Les modalités de la demande du/des crédits sont valables pour autant que ce document ainsi que les pièces à fournir (souligné par le collège) parviennent à la banque avant le 02/03/2022 (souligné par le collège) et que l’acte d’ouverture de crédit soit signé au plus tard le 31/05/2022(souligné par le collège) ».


Le plaignant, qui se trouve à la mer avec ses enfants prend connaissance du message de 13h36 (mais pas du message généré par l’application informatique), mais décide d’attendre son retour le lendemain à son domicile pour examiner les documents et de faire le nécessaire.


Le 03/03/2022, lorsque le client souhaite signer les documents, l’application de la banque lui signale que « le délai pour signer votre crédit logement est dépassé. Votre demande relative à un crédit-logement a été annulée (souligné par le collège). En effet, la date d’échéance pour la signature de votre demande est dépassée ».


Malgré « l’annulation» de sa demande, le client obtient de son agence une nouvelle proposition tarifaire sur la base d’un tarif plus élevé qu’il accepte. Les contrats de crédit seront finalement signés le 02/05/2022. 


Position du plaignant


Le plaignant reproche à la banque de ne pas l’avoir correctement informé sur l’importance du délai pour la signature de la demande de crédit.


Position de la banque


La banque précise que c’est en raison du souhait d’obtenir des taux plus favorables que le processus de traitement a pris du retard de telle sorte que le délai pour signer la demande liée au tarif du 10/02/2022 encodée le 01/03/2022 expirait le 02/03/2022.


La banque estime avoir correctement informé le plaignant.


D’abord par l’envoi du mail de sa collaboratrice en date du 01/03/2022 (voir supra). Ensuite, la date du 02/03/2022 est reprise sur le document « demande de crédit (page 4 /6 point 2,) et sur le mail envoyé sur son application le 01/03/2022 (voir supra).

La banque ajoute que la loi n’impose pas de mettre un délai de validité à un tarif de taux et de frais.


Avis du collège


Le collège prend note de l’application des articles VII.125 (acceptation des réductions hors tarif), VII.126 §2 (formulaire de demande) et §3 (référence dans ce formulaire de la date du tarif de taux), VII.133 (analyse de solvabilité sur la base de la demande de crédit et des informations jointes) et VII.153§2 du Code de droit économique (ne permettant l’accès à la CCP que si une demande de crédit est introduite).


Le collège estime que, si le délai de 24h (soit le 02/03/2022) était à ce point nécessaire au maintien du tarif du 10/02/2022 et des réductions commerciales négociées par les consommateurs, encore fallait-il attirer l’attention sur le respect absolu de la date, mais aussi sur les conséquences du non-respect de cette date ultime. 


Le mail du 01/03/2022 adressé par l’agence demande de signer la demande certes, mais sans attirer l’attention sur la nécessité de signer cette demande pour le 02/03/2022 avec le risque que les taux ne soient plus valables. Le mail automatique de l’application de la banque du 01/03/2023 n’est pas davantage sans reproches.


Ce dernier message précise bien la date du 02/03/2022, en renvoyant à un ensemble de documents (« qu’il n’est pas nécessaire d’imprimer »).


Mais là encore, le collège constate que ce message, malgré la condition de la livraison de documents pour valider la demande de crédit, se limite à demander de signer de manière digitale le document sans préciser que le dépassement de la date du 02/03/2022 aura pour conséquence que les demandeurs perdront non seulement la référence au tarif du 10/02/2022, mais aussi les réductions commerciales liées à celui-ci. 


Dans une telle situation urgente où on demande d’un consommateur de prendre connaissance d’un message et de donner son accord (via l’application de la banque) endéans 24h, avec le risque que le client ne consulte pas ces emails ou n’ait pas accès à l’application de la banque dans cette période extrêmement courte, le collège estime que la banque devait informer de manière spécifique et plus pragmatique son client, de surcroît dans le cadre d’une période de volatilité des taux d’intérêt.


Le collège constate que le processus de la demande de crédit démontre qu’il y a eu plusieurs contacts, aussi téléphoniques, avec le client. Le collège constate que la banque n’a pas envisagé de prendre contact avec le plaignant téléphoniquement vu l’urgence du processus imposé par elle, pour l’informer de répondre extrêmement vite à la demande et surtout sur les conséquences d’une absence de réponse de sa part. 


En conclusion


Le collège estime que la banque n’a pas complètement informé le client sur les conséquences précises pour lui de respecter le délai de 24h qu’elle a décidé d’appliquer pour la signature de la demande de crédit lié au tarif du 10/02/2022 et aux réductions commerciales négociées.


En conséquence, le collège estime que le plaignant est en droit de bénéficier des conditions tarifaires fixées dans la demande du 01/03/2022.

Celle-ci lui donnait le droit de signer l’acte de crédit jusqu’au 31/05/2022. Or, l’acte de crédit final aux nouvelles conditions a été signé 02/05/2022.


4.    CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN

L’Ombudsman se rallie à l’avis du Collège d’experts et invite donc la banque à faire bénéficier le plaignant des conditions tarifaires fixées dans la demande du 01/03/2022.

La banque dispose d’un délai d’un mois pour faire part de son intention.