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Investissements – Fonds de pension – Titres – Comptes titres

 

2016.38

 

THEME

 

Investissements – Fonds de pension – Titres – Comptes titres

 

AVIS

 

Présents:
Monsieur A. Van Oevelen, Président;

Madame M.-F. Carlier, Vice-Président

Messieurs F. de Patoul, E. Struye de Swielande, L. Jansen, membres

Madame N. Spruyt, membre.

 

Date : 12 juillet 2016

 

1.         LA PLAINTE

 

Le requérant était client d’une agence bancaire à Bruxelles et, compte tenu d’un apport important de liquidités, cette agence l’a dirigé, en mars 2015, vers la banque privée afin d‘avoir un service plus adapté et personnalisé.

 

Le 11 mars 2015, le requérant conclut une convention patrimoniale et une convention d‘investissement assisté concernant un seul produit, un fonds de fonds. Son profil est neutre, ce qui signifie que la proportion d’actions tolérée est de maximum 50%. Les comptes-vue et titre liés à ces conventions sont également ouverts à cette époque.

 

Le 30 mars 2015, le requérant a déposé une somme de 135.000€ en liquidités et 2.490,239 parts de ce même fonds dont il disposait auparavant. Il a immédiatement investi les liquidités dans ce fonds, sur le conseil de son private banker, soit au total une somme de 427.279,35€ dans un même et seul fonds.

 

En juin 2015, diverses informations sont adressées au requérant. Ensuite, il prend contact avec son banquier, début juillet 2015, pour évoquer le risque lié à la crise grecque et celui-ci l’invite à ne pas céder à la panique et à ne pas vendre. Compte tenu de sa demande, fin août 2015, le banquier invite le requérant à le recontacter et les parts sont toutes vendues, avec une perte de 43.860,86€.

 

Après cette vente, le banquier continue à informer le requérant et lui conseille d’investir de manière plus diversifiée mais il a subi une perte importante et en novembre 2015, échaudé par sa perte et également du changement de stratégie d’investissement, le requérant introduit une plainte afin que la banque intervienne, estimant que le changement de l’agence vers le Private Banking lui a été défavorable et que la stratégie d’investissement est incohérente : d’une part, on lui a conseillé de tout investir dans un seul produit et ensuite on lui conseille d’investir de manière plus diversifiée.

 

2.              POSITION DE LA BANQUE

 

La banque estime qu’elle a correctement agi, conformément aux conventions patrimoniale et d’investissement assisté et que le conseil donné correspond au profil « neutre » que le requérant a signé.  La banque relève qu’il a investi dans un fonds qu’il connaissait et qu’il a choisi et sur lequel il a donné son accord. Le rôle de la banque était de donner un conseil en investissement ponctuel, fournir un service de réception, de transmission, et d’exécution d’ordre.

 

La banque considère que l’objectif d’une gestion de portefeuille est de rechercher la maximisation du ratio risque/return c’est-à-dire la recherche du meilleur équilibre entre risque et performance du portefeuille. Cette maximisation est obtenue par le biais de la diversification du portefeuille (catégorie d’actifs différents, répartition géographique et sectorielle, choix en matière de styles d’investissement). L’investissement dans le fonds de fonds précité correspond, selon la banque, à cette diversification et au profil déterminé.

 

La banque indique que le requérant a mis fin très rapidement à cette gestion, soit 5 mois après l’investissement et dans un contexte de volatilité extrême des marchés. La mauvaise performance du portefeuille est la conséquence de l’évolution des marchés et de la crise grecque et non d’une erreur de la banque.

 

La banque dans un souci commercial a proposé de prendre à sa charge les frais d‘entrée sur de nouveaux placements mais le requérant a refusé cette proposition.

 

3.              AVIS DES EXPERTS[1]

 

Le Collège a conclu ce qui suit : « Le requérant déplore d’abord le fait d’avoir été détourné de son agence bancaire vers le service Private Banking de la banque. Rien ne permet toutefois de retenir que son consentement aurait été forcé ou vicié lors de la signature de la convention patrimoniale et de la convention particulière d’investissement assisté.

 

Il entend ensuite souligner le fossé qu’il dit avoir constaté entre les promesses de suivi qui lui ont été faites et la manière dont il a effectivement été assisté par la banque.

 

La convention patrimoniale prévoit une relation personnalisée du requérant avec un private banker, ce qui a été exécuté.

 

La convention patrimoniale comporte ensuite essentiellement deux volets, d’une part, un volet « banque au quotidien » à propos duquel le requérant n’émet aucune plainte, et, d’autre part, un volet « gestion financière du patrimoine du client ».   Concernant ce second aspect de la relation contractuelle, parmi les 4 types de gestion financière proposés par la banque, le requérant a opté pour la formule « investissement assisté dans un fonds, dans le cadre d’un conseil en investissement ponctuel fourni par la banque ».  Il n’a pas choisi les formules « gestion discrétionnaire », « conseil en investissement » ou « gestion conseil ».  C’est dès lors au regard de son choix que doit s’apprécier le comportement de la banque. 

 

Les experts observent que le profil d’investisseur du requérant est neutre.  Il s’agit de celui où l’objectif prioritaire est la croissance du patrimoine sur le long terme où pour ce faire, l’investisseur est disposé à prendre des risques modérés et où sont préférés les investissements en actions, les obligations, les liquidités et les investissements alternatifs.  Dans le cadre du questionnaire de la banque, à la question « tenant compte de vos projets et de vos besoins de liquidités, quelle est la durée minimale pendant laquelle la majeure partie de votre portefeuille pourra rester investie », le requérant a répondu « plus de 10 ans ».

 

Le produit souscrit, est un fonds dont la performance est liée à plusieurs autres fonds.  Son objectif est d’accroître la valeur de ses actifs à moyen terme.  Sur une échelle de risque de 1 à 7 de risques, il se situe au niveau 5.  Son compartiment balanced comporte de 25 à 65% d’actions, 15 à 55% d’obligations, 0 à 35% d’investissements alternatifs et 0 à 60% d’instruments du marché monétaire.

 

Le conseil de la banque d’investir dans ce produit qui offre en lui-même une diversification n’est pas critiquable au regard du profil du requérant.

 

Pourrait se poser la question de la diversification du portefeuille du requérant dès lors que la totalité des avoirs au sein de ce portefeuille, ont été investis dans un seul produit dépendant d’un unique gestionnaire. Mais ce serait perdre de vue le choix du requérant pour la formule « investissement assisté dans un fonds, dans le cadre d’un conseil en investissement ponctuel fourni par la banque ». 

 

Et quoiqu’il en soit, la perte subie par le requérant provient de l’évolution du marché et de son propre comportement.  Alors que son profil d’investisseur indique un horizon d’investissement sur le long terme et que le produit souscrit s’inscrit également sur le moyen terme, le requérant a décidé de s’en défaire, le 24 août 2015, au plus bas de la crise et contre l’avis de son private banker, soit à peine cinq mois après ses achats de mars 1995, mettant clairement à mal la stratégie proposée.

 

Pourrait se poser ici également la question de l’adéquation du profil d’investisseur du requérant, celui-ci démontrant dans les faits une aversion au risque supérieure à celle exprimée dans le questionnaire de la banque où, à la question « comment réagiriez-vous si la valeur de votre portefeuille diminuait de façon soudaine », il a répondu « vous n’agissez pas dans la précipitation, mais suivez de près l’évolution de votre portefeuille.  Vous attendez une remontée des cours pour réduire la proportion des placements risqués dans votre portefeuille ».  Ce questionnaire a toutefois été rempli par le requérant et rien ne laisse supposer que ses réponses n’aient pas été exprimées librement.  Il est dès lors censé refléter son profil lorsque la banque a formulé ses conseils.

 

Quant au reproche adressé à la banque de ne pas l’avoir spontanément informé de l’évolution du marché, il y a à nouveau lieu de rappeler la formule de gestion choisie par le requérant, soit celle de l’« investissement assisté dans un fonds, dans le cadre d’un conseil en investissement ponctuel fourni par la banque ». Dans ce cas précis, la banque n’a pas été mandatée pour suivre au jour le jour l’investissement ayant fait l’objet du conseil.

 

Des documents soumis aux experts, il ressort au demeurant que le private banker a répondu à aux questions du requérant et l’a tenu informé, ce qui a provoqué sa décision de vendre lorsque le seuil de 10% de perte a été atteint.

 

Le requérant s’étonne enfin qu’en octobre 2015, son private banker l’a recontacté pour lui proposer d’investir de manière « très diversifiée ».  Cette proposition formulée après que le requérant ait vendu toutes les parts du fond de fonds n’emporte pas de reconnaissance de l’inadéquation du conseil prodigué en mars 2015.  Elle peut traduire le souci de la banque d’adapter ses conseils à la suite du comportement adopté dans les fait par le requérant en août 2015.

 

En conclusion, sur la base des considérations qui précèdent, les experts sont d’avis que la plainte n’est pas fondée. »

 

4.              CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN

 

Il ressort des éléments du dossier que le requérant a signé un profil neutre dont l’objectif est la croissance à long terme moyennant une prise de risque modérée et une convention de conseil en investissement ponctuel. C’est ce profil et le type de relation bancaire choisie qui servent de référence pour vérifier si la banque a commis une erreur ou non au sens de la règlementation en vigueur.

 

Le collège a conclu que le produit financier souscrit dans le cadre d’un conseil en investissement ponctuel fourni par la banque était adéquat tant sur le plan de la diversification que sur le plan de l’horizon d’investissement par rapport à ce profil et que ce conseil n’emportait pas obligation de tenir le requérant au courant au jour le jour du suivi de ce fonds. Partant, l’obligation de conseil telle que décrite dans la convention patrimoniale et de son avenant a donc été respectée au sens de la règlementation Mifid.

 

A l’égard de la diversification, le requérant a relevé dans sa plainte le fait que ses liquidités avaient été toutes investies dans un seul fonds :  sur ce point, le collège estime que, dans ce dossier, l’absence de diversification de l’émetteur n’a pas eu d’impact sur la perte.

 

Ceci étant, au vu des faits -soit l’évolution des marchés dans le contexte de la « crise grecque » -, ce profil déterminé s’est révélé ne pas correspondre pas à la réelle aversion au risque du requérant. Mais il a répondu librement aux questions en dehors du contexte de cette crise. Cette évolution de son aversion au risque ne peut avoir pour conséquence d’engager la responsabilité de la banque, ni lui être reprochée en application des règlementations en vigueur car il s‘agit d’un changement du comportement du requérant face aux marchés.

 

En conclusion, l’Ombudsman rejoint la position de notre Collège et déclare la demande non fondée. Compte tenu de ce qui précède et de l’analyse du Collège, il semblerait judicieux au requérant de reprendre contact avec son banquier pour modifier son profil en fonction de sa réelle aversion au risque.

 


[1] Le collège s’est réuni le 12/07/2016 en présence de d’A. Van Oevelen, M.-F. Carlier, N. Spruyt, F. De Patoul, E. Struye de Swielande et L. Jansen (membres) et l’avis a été définitivement approuvé par les experts, le 20/07/2016.