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Investissements, fonds de pension et titres, Aspects fiscaux, Actions

2024.1210

THEME

Investissements, fonds de pension et titres, Aspects fiscaux, Actions

AVIS

Présents

Monsieur R. Steennot, Président.

Messieurs, A. Guigui, P D’Haen, P. François, E. Van den Haute, J. Vannerom, M. Delanote, membres.

Date : 14 mai 2024

1.    LA PLAINTE

Le requérant détenait auprès la banque des actions dans le compartiment d’une SICAV luxembourgeoise.

Suite à l’absorption de ce compartiment par un autre compartiment de cette même SICAV, ses actions furent remplacées par des actions du compartiment absorbant.

Dans le cadre de cette opération, La banque a procédé à la retenue du précompte mobilier, en application de l’article 19bis du Code des impôts sur les revenus (CIR 92).

Au terme de sa plainte auprès d’Ombudsfin du 06/02/2024, il soutient qu’il n’y avait pas lieu en l’espèce à ce qu’La banque le fasse, car il n’est question ni d’une vente, ni d’une liquidation. Il souhaite que la banque lui rembourse une somme correspondant au précompte mobilier qu’elle a retenu.


2    POSITION DE LA BANQUE

Le 04/04/2024, la banque a fait part de sa position, voir ci-dessous :

Le requérant réclame le fait que la banque a prélevé la taxe 19bis sur la fusion des fonds Goldman Sachs et qu’elle serait la seule banque qui l’a appliquée.

Si le précompte mobilier a été prélevé, c’est parce que, selon les informations qui ont été communiquées, le fonds rentre dans le cadre de l’article 19bis.

Sa source de données actuelle est Europort. Pour l’ISIN concerné, il est indiqué que le fonds est In Scope (Code RT-EP ou RT-NEP).

Comme expliqué au requérant, l’administration fiscale belge, et plus particulièrement le Service des Décisions Anticipées (« SDA »), considère que l’article 19bis du CIR 92 s’applique dans le cas d’une fusion sans liquidation, sauf dans certaines circonstances spécifiques.


A moins que la fusion sans liquidation ne fasse l’objet d’une décision du SDA constatant qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l'article 19bis du CIR 92, la banque considère que toute fusion (avec ou sans liquidation) (d’un compartiment) d’une société de placement relevant de l’article 19bis du CIR 92 est un fait générateur du précompte mobilier de 30% (liquidation ou cession à titre onéreux).

1.    Faits générateurs

Les trois seuls faits générateurs des revenus visés à l’article 19bis du CIR 92 (= « intérêts 19bis ») sont les suivants :

    La « cession à titre onéreux » des parts d’un OPC ; ou

    Le rachat de parts propres par un OPC ; ou

    La liquidation (partage total ou partiel de l’avoir social) d’un OPC.

2.    Fusion avec liquidation

Quand deux compartiments de fonds fusionnent et qu’il s’agit d’une opération de fusion avec liquidation du fonds absorbé, on est clairement en présence d’un fait générateur des « intérêts 19bis ».  

3.    Fusion sans liquidation

3.1. S’agissant d’une opération de fusion sans liquidation (du compartiment) d’un OPC, on pourrait a priori penser que l’article 19bis du CIR 92 n’est pas applicable, à défaut de fait générateur, à savoir la liquidation.

3.2. Cependant, le Service des décisions anticipées (SDA) en matière fiscale rend régulièrement des décisions qui n’excluent pas l’application de l’article 19bis du CIR 92 dans le cas d’une fusion sans liquidation en partant du principe qu’en cas de fusion par absorption, il y a une « cession à titre onéreux » (= autre fait générateur des « revenus 19bis ») étant donné l’échange entre les parts (du compartiment) de la société d’investissement absorbée et les parts (du compartiment) de la société d’investissement absorbante. En effet, un échange est, juridiquement, une « cession à titre onéreux. 

En d’autres mots, même dans le cas d’une fusion sans liquidation, on est face à un fait générateur d’attribution ou de mise en paiement de revenus visés à l’article 19bis du CIR 92, à savoir la « cession à titre onéreux ».

3    POSITION DU COLLEGE  

1    Faits

Le requérant détenait auprès de la Banque défenderesse (ci-après « la Banque ») un certain nombre d’actions dans le compartiment d’une SICAV luxembourgeoise. Ce compartiment a ensuite été absorbé par un autre compartiment de la même SICAV. Suite à cette fusion, les actions du requérant dans le premier compartiment furent remplacées par des actions du compartiment absorbant.   

Dans le cadre de cette opération, il fut procédé par la Banque à une retenue de précompte mobilier sur la base de l’article 19bis du code des impôts sur les revenus (CIR/92). 

Le requérant estime que c’est à tort que cette retenue de précompte mobilier a été effectuée par la Banque. Il demande à la Banque le remboursement des sommes indûment prélevées sur son compte au titre du précompte mobilier.

2    Position des parties 

A l’appui de sa demande, le requérant soutient que l’opération de fusion ayant affecté ses actions n’est pas susceptible de générer un revenu au sens de l’article 19bis du CIR/92, car il s’agit d’une opération de fusion sans liquidation. Or, selon le requérant, l’article 19bis ne trouve à s’appliquer qu’en cas de partage total ou partiel de l’avoir social d’un organisme de placement collectif (ci-après « OPC »), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La Banque soutient que si l’opération ayant affecté les actions du requérant n’implique effectivement pas de liquidation, elle reste néanmoins susceptible de générer un revenu imposable au sens de l’article 19bis du CIR/92. En effet, cette disposition vise, outre les cas de partage total ou partiel de l’avoir social d’un OPC, les opérations de cession à titre onéreux de parts d’un tel organisme. Selon la banque, l’opération ayant affecté les actions du requérant est susceptible de tomber sous cette qualification, car elle implique un échange d’actions du compartiment absorbé par des actions du compartiment absorbant. Pour la banque, cet échange est susceptible d’être qualifié de cession à titre onéreux au sens de l’article 19bis du CIR/92. 

La banque précise en outre que son analyse repose sur un ensemble de décisions du Service des décisions anticipées (ci-après « SDA ») de l’administration fiscale duquel il résulterait qu’un échange d’actions consécutif à la fusion sans liquidation de deux compartiments d’un OPC doit être considéré comme une « cession à titre onéreux » sauf dans certaines circonstances spécifiques.  

Dès lors, la banque considère que toute fusion (avec ou sans liquidation) de compartiments d'un OPC relevant de l'article 19bis CIR92 est un fait générateur du précompte mobilier de 30% (liquidation ou cession à titre onéreux) à l’exception des cas où la fusion sans liquidation fait l'objet d'une décision du SDA constatant qu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 19bis CIR92.

3    Décision 

Après examen des arguments des parties, le Collège est d’avis que la Banque n’a pas commis de faute en retenant le précompte mobilier dans le cadre de l’échange d’actions survenu suite à l’absorption sans liquidation du compartiment duquel le requérant détenait des actions.

Le terme de cession à titre onéreux revêt en effet une portée très large. Le Collège estime dès lors qu’il n’existe pas d’argument juridique permettant d’exclure de manière catégorique qu’un échange d’actions réalisé dans le cadre de la fusion sans liquidation de deux compartiments d’un OPC puisse être considéré comme une cession à titre onéreux au sens de l’article 19bis du CIR/92. Dans ces conditions, il ne peut être reproché à la Banque d’avoir effectué la retenue de précompte mobilier dont elle s’estimait redevable . 

Le Collège estime toutefois que la banque aurait dû informer le requérant du fait que son interprétation de l’article 19bis du CIR/92 n’engageait qu’elle-même en sa qualité de redevable du précompte mobilier et qu’elle ne constituait nullement un fait établi. La banque aurait en particulier dû informer le requérant de son droit de contester cette taxation directement auprès de l’administration fiscale et des modalités d’introduction d’une telle réclamation. Elle aurait également dû informer le requérant sur les conditions dans lesquelles le SDA accepte de considérer qu’un échange d’actions dans le cadre d’une fusion sans liquidation ne doit pas être considéré comme une cession à titre onéreux au sens de l’article 19bis du CIR/92. Ceci aurait permis au requérant d’évaluer ses chances de succès en cas d’introduction d’une réclamation auprès de l’administration fiscale. 


Par conséquent, le Collège enjoint à la banque de fournir au requérant toutes les informations dont ce dernier pourrait avoir besoin en vue de contester cette taxation directement auprès de l’administration fiscale ainsi que d’évaluer les chances de succès d’une telle démarche.

4.    CONCLUSION DE L’OMBUDSMAN

Après avoir recueilli l’avis du Collège repris ci-dessus, Ombudsfin se rallie à celui-ci et a donc invité la banque à lui communiquer les éléments utiles pour que le requérant puisse évaluer l’opportunité d’une contestation de la retenue du précompte mobilier dans le cadre de l’absorption sans liquidation du compartiment duquel il détient des actions, et introduire une telle contestation, le cas échéant.

En réponse à notre demande et à la position formulée par notre Collège, la banque a ajouté les précisions suivantes à sa position reprise au point 2. du présent avis (voy. supra) le 18/06/2024:

« Les trois faits générateurs de l’attribution ou de la mise en paiement des revenus visés à l’article 19bis, CIR’92 (« revenus 19bis ») sont les suivants :  

-    La « cession à titre onéreux » des parts d’un organisme de placement collectif (OPC) ; ou 

-    Le rachat de parts propres par un OPC ; ou

-    La liquidation (partage total ou partiel de l’avoir social) d’un OPC.

A l’occasion d’une opération de fusion sans liquidation (du compartiment) d’un fonds, on pourrait a priori penser que l’article 19bis, CIR’92 n’est pas applicable, à défaut d’une liquidation (du compartiment) du fonds absorbé. 

Cependant, le Service des décisions anticipées (SDA) en matière fiscale rend régulièrement des décisions en ce qui concerne l’application de l’article 19bis, CIR’92 dans le cadre d’une fusion sans liquidation et dans lesquelles il considère ce qui suit : 

-    Il y a une « cession à titre onéreux » en raison de l’échange des parts (du compartiment) du fonds absorbé contre des parts (du compartiment) du fonds absorbant ; mais

-    La notion de « cession à titre onéreux » visée à l’article 19bis, CIR’92 ne vise pas l’échange d’actions consécutivement à une fusion sans liquidation dans l’hypothèse où cette fusion est réalisée en continuité juridique et comptable. En effet, le SDA considère dans cette hypothèse qu’il n’y a ni perte de matière imposable ni enrichissement dans le chef de l’actionnaire. Et comme la notion de « cession à titre onéreux » a été introduit dans le texte de l’article 19bis, CIR’92 au titre de « mesure anti-abus » (perte de matière imposable), le SDA est d’avis que si aucune perte de matière imposable n’est constatée à l’occasion d’une fusion sans liquidation, il n’y a pas de raison de considérer qu’une fusion sans liquidation opérée en continuité comptable et juridique soit un fait générateur d’attribution ou de mise en paiement de « revenus 19bis ». 

Les banques belges sont incapables, à l’instant même de la fusion (voire après la fusion), d’apprécier si cette opération a été effectuée en continuité comptable et juridique. 

En outre, ne pas taxer, au moment de la fusion sans liquidation, les « revenus 19bis » accumulés jusqu’à la fusion n’est pas sans conséquence si la banque (redevable du PM) n’opère pas, pour quelle que raison que ce soit, le transfert de l’historique des parts (du compartiment) du fonds absorbé sur les parts (du compartiment) du fonds absorbant (ce transfert de données est loin d’être simple en pratique, notamment en cas de ratio inégal des parts absorbées et absorbantes et/ou lorsque le compartiment absorbant n’est pas nouvellement créé ne raison de la fusion).  En effet, les « revenus 19bis » des parts du fonds absorbé accumulés jusqu’à la fusion contribuent à former la base imposable au PM des « revenus 19bis » qui seront attribués ou mis en paiement à l’occasion de la cession, du rachat ou de la liquidation ultérieure des parts du fonds absorbant. A défaut d’un transfert de l’historique des parts absorbées sur les parts absorbantes par la banque redevable du PM, il y aurait une perte de matière imposable et un risque d’abus. Dans ce contexte, le prélèvement du PM au moment de la fusion permet d’éviter la disparition d’une matière imposable (= les « revenus 19bis » accumulés jusqu’à la fusion du fonds absorbé) et revient, in fine, à prélever le PM d’abord sur les « revenus 19bis » accumulés jusqu’à la fusion, ensuite sur les « revenus 19bis » accumulés à partir de la fusion, sans risque de perte de matière imposable ni de double imposition d’un même revenu. »   

Ombudsfin espère que les considérations juridiques reprises ci-dessus seront utiles pour appréhender sa position et décider (si nécessaire après avoir recueilli l’avis d’un conseiller fiscal) s’il est approprié d’introduire une réclamation auprès de l’administration fiscale.